Prudence, méfiance, confiance...
Il y a environ une dizaine d'années, au cours d'une conversation, quelqu'un m'a confié à peu près ceci : "je n'ai pas envie de nouer de relations plus profondes avec les gens : dès qu'on apprend à se connaître, on est forcément déçu." Cette personne renonçait aux bienfaits de l'amitié par crainte de s'exposer à la déception. Quelle tristesse, ai-je pensé! Que de souffrances cachées et accumulées derrière de tels propos. J'en ai été profondément marquée.
Comment faire de nos Églises locales, non pas le lieu de blessures successives, mais le terrain d'expérimentation de la grâce de Dieu dans nos relations ?
23 Comme il était à Jérusalem durant la fête de Pâque, beaucoup crurent en son nom en voyant les signes qu'il faisait. 24 Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à euxparce qu'il les connaissait tous, 25 et parce qu'il n'avait pas besoin que quelqu'un témoigne sur l'homme, car lui-même connaissait ce qu'il y avait dans l'homme(Jean 2).
A Jérusalem, les signes opérés par Jésus suscitent l'enthousiasme. Ces actes de puissance (selon la terminologie synoptique) que Jean qualifie de signes, doivent éveiller la foi en la personne de Jésus.
A la vue des signes, on se met à croire en Jésus (Jn 2.11). Mais admirer le thaumaturge ne suffit pas. Jadis comme aujourd'hui, s'émerveiller devant le miracle ne signifie pas nécessairement atteindre le Fils de Dieu. La foi caractérisée par un voir n'est pas encore un croire. L'évangéliste le souligne en opposant "croire en son nom" et "ne pas croire en eux" (=ne pas se fier à eux). Alors que pour croire les hommes ont besoins d'attestations tangibles, Jésus, lui, connaît le fond de l'être. Son but est de nous amener vers une foi authentique, comme en témoigneront les entretiens avec Nicodème et la femme samaritaine (Jn 3 et 4).
Ce qui ma fascine chez Jésus, c'est qu'il ne se fiait à aucun homme, et cependant il ne soupçonnait jamais le mal et il n'était jamais amer. Sa confiance en Dieu et en sa grâce était telle qu'il ne désespérait de personne. Même lorsque la même foule acclamera " Hosanna ", puis vociférera "crucifie-le!"
Lorsque je suis déçu des autres, n'est-ce pas avant tout parce que j'ai placé des attentes démesurées sur eux ?
"Aie confiance, fais confiance!" entend-on souvent. Il ne s'agit nullement de s'exposer aveuglément. Contrairement au pardon, qui s'accorde, la confiance se mérite. C'est comme un capital qu'il faut faire fructifier. Et lorsqu'il est sérieusement entamé, il faut du temps pour le reconstituer. Il se peut même qu'il soit définitivement ruiné. Comment s'en remettre sans laisser l'amertume s'enraciner ?
Si je mets ma confiance d'abord dans les êtres humains, je finirai par désespérer de tous. Bienfaisante désillusion qui peut me conduire à l'espérance.
En plaçant Dieu en premier dans ma confiance, j'apprends à me fier à sa grâce agissante. Quoi qu'il arrive, je peux alors être cette main tendue et ce coeur ouvert dont les autres ont tant besoin.
Petite évaluation personnelle :
- mon ouverture aux autres est-elle entravée par une formule du style : "jamais plus je ne" ?
- le pardon est-il actif dans ma vie ?
- puis-je penser à ma dernière déception relationnelle sans amertume?
- suis-je moi-même digne de confiance pour les autres?
- est-ce que j'entretiens des relations de qualité?
Que dans la grisaille du mois de novembre, nous puissions évaluer nos relations, à la lumière de celui qui s'est entièrement donné pour nous.
Claire-Lise SCHMIDT