"Je me suis fait tout à tous" 1Co 9.2 Pasteur Pascal Maurin
Introduction
Dans l’histoire de l’Église de Corinthes, les premiers chrétiens groupaient toutes les races, toutes les classes, sans oublier les rejetés de la société antique. C’est pour cette raison que Paul accorde à son ministère beaucoup d’importance au thème de « se faire tout à tous » et à l’enseignement le concernant. Ce thème est présent tantôt par des allusions plutôt discrètes (1Co 3.23 ; 6.15.19 ; 2Ti 2.10), tantôt de façon brève, mais explicite (1Co 6.12 ; 1Co 10.23 ; 2Co 5.15…) tantôt de façon détaillée (1Co 9.19-22).
Nous constatons que tout au long de cette épître Paul ne s’adresse pas seulement à la volonté des Corinthiens mais il les aide à comprendre la doctrine de Dieu (indicatif et impératif) pour les conduire à l’obéissance aimante de la grâce. Doit-on comprendre que Paul se prêtait à tous les compromis ? Était-il un caméléon ? Absolument pas ! Comme Jésus lui-même au puits de Sichar, il savait trouver chaque âme sur son propre terrain et lui parler le langage qu’elle pouvait comprendre.
Lorsque Paul utilise l’expression « se faire tout à tous », Paul envisage deux dimensions dans lesquels il applique ce principe : la dimension pastorale et la dimension missionnaire.
La dimension pastorale
Le pasteur qui se place au-dessus de ses semblables possède une conception démesurée de sa responsabilité. Dans l’expression « Je me suis fait tout à tous », il y a là la dimension du berger mesuré et de son travail exigeant avec un subtil mélange d’autorité et de sollicitude, qui veut que, dans toutes ses relations, ce n’est pas lui qui compte mais le prochain et ses intérêts.
En se penchant sur l’exemple de Jésus, on voit qu’il entrait toujours en contact avec les gens en parlant souvent de leur propre intérêt. Notons que Jésus ne s’est pas contenté de répondre au besoin du moment. Il a saisi l’occasion pour attirer l’attention et l’intérêt de ses interlocuteurs et faire un pas de plus en leur présentant la vérité spirituelle dont ils avaient besoin. Il fondait ses messages sur une profonde connaissance de ses auditeurs. De même Paul va suivre l’exemple du Maître, car il prend en compte l’ensemble des personnes dont l’église de Corinthes était constituée.
Il les invite à comprendre le pourquoi de leurs actes, à faire preuve de discernement, à réfléchir aux conséquences de leur conduite à la lumière de la volonté de Dieu pour ses enfants. Il remplace une interdiction par une éducation. Il désire faire d’eux des chrétiens adultes capables de discerner ce qui est bien est mal (1Co 11.29).
Se faire aux Juifs (v. 20)
Lorsque Paul se trouvait parmi les chrétiens juifs il respectait leurs scrupules et se conformait aux pratiques qui lui permettaient d’être mieux accepté par eux. Il était prêt à se conformer à toutes coutumes ou traditions qui n’annulaient pas la Parole de Dieu.
Il y a des traditions qui sont bonnes, celles qui n’altèrent pas le message de l’Évangile, mais il y a des traditions qui sont désastreuses, celles qui ont plus d’importance ou autant d’importance qu’elles finissent par se substituer à la Parole de Dieu. Jésus a donné de sérieux avertissements pour ce qui les concerne « Hypocrites… Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes… annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie » (Mc 7.6-13).
Se faire aux mal affermis (v. 22)
Malgré leur revendication de liberté sans limite et infantile, qui révèle une mentalité abusée par l’orgueil et l’incapacité de prendre en compte les droits de Dieu et ceux des autres humains sous le couvert spirituel, Paul ne va pas écraser ces Corinthiens qui se croyaient tout permis sous le prétexte de la « grâce », mais il cherche plutôt à consolider ce qui est acquis. Il n’exclut nullement la possibilité d’une instruction des faibles, en douceur, et l’éventualité d’une croissance dans la foi qui leur permettrait soit de changer de point de vue, soit, pour le moins, de ne plus être heurté par la liberté des autres.
Paul démontre la capacité non seulement à accepter les faibles, mais encore à porter leurs infirmités à la fois comme un devoir et une exigence morale mais aussi comme une obligation spirituelle correspondant à la volonté du Christ, volonté qui s’oppose à la recherche d’une satisfaction égoïste (Ac 20.35). Paul revendique une pleine liberté personnelle, qu’il accepte de sacrifier seulement quand cela paraît utile, et il combat avec détermination et tact toute tentative de placer sur les épaules des pagano-chrétiens le joug de la loi cérémonielle.
La dimension missionnaire
Dans l’expression « je me suis fait tout à tous », il y a la dimension missionnaire qui se base sur l’ordre de Jésus à ses disciples (Mt 28.18,19 ; Mc 16.15,16 ; Lc 24.46-49 ; Jn 20.21-23), ce qui exige de comprendre les gens dans le cadre de leurs besoins. Tout au long de son ministère, le Christ se considère comme un envoyé : le père l’a chargé d’une mission (Mt 10.40 ; Luc 10.16 ; Jn 6.44 ; 13.20). La Bonne Nouvelle doit toujours être appliquée à la vie et aux besoins de l’individu. Construire des ponts en usant de méthodes diverses selon les besoins, car les situations changent et les besoins sont différents dans les diverses périodes de l’histoire et selon les pays.
La dimension missionnaire est bien l’affaire de Dieu mais il utilise des hommes qui doivent développer des méthodes diverses et des moyens pour s’adapter aux situations.
Se faire aux païens (v..21)
Le vrai berger doit toujours porter sa sollicitude au-delà de sa bergerie propre, afin qu’à l’extérieur d’autres puissent y être ajoutés. C’est l’abandon volontaire de ses droits pour le service d’autrui. Cela signifie aller de l’intérieur vers l’extérieur, sur le terrain des autres où l’idée de Messie était inconnue. Paul va devoir exposer l’Évangile sans se référer constamment aux conceptions et aux formules de la religion israélite, et de telle manière que tout homme pourra comprendre qu’il avait une parole pour lui.
Toute personne est importante et précieuse (Es 43.4) à ses yeux ; c’est pour cela qu’il est prêt à perdre une partie de lui-même pour apprendre à repérer et à saisir les occasions qui se présentent. Il se fait aux païens car il connaissait la volonté du Seigneur : « il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité » (1Tim 2.4). Paul a en lui l’image que Jésus a donnée de lui-même, celle du « bon berger » (Jn 10.11,14) venu pour chercher et sauver la brebis perdue, et donner sa vie pour elle. Le ministère de Christ va devenir sien, car le combat pour Dieu est en même temps un combat pour les hommes, avec comme but la gloire de Dieu.
Conclusion
Paul s’est fait serviteur de tous afin de pouvoir mieux proclamer la Bonne nouvelle, malgré des revendications sans limite des Corinthiens qui révèlent une mentalité abusée par l’orgueil et l’incapacité de prendre en compte les droits de Dieu et ceux des humains.
N’oublions pas que se faire « tout à tous » lui a ouvert les portes pour la proclamation de la Banne Nouvelle. La démonstration en est faite par son ministère béni dans les inlassables voyages et les divers pays. Ministère qui a demandé beaucoup d’humilité et de soumission. William Booth a déclaré : « la grandeur du pouvoir d’un homme est proportionnelle à sa soumission. »
Paul utilisait son temps avec humilité et soumission car il était conscient qu’il n’avait qu’une seule vie, ce qui le décidait à la mettre entièrement au service de la Bonne Nouvelle, car tout et chacun appartiennent à Dieu (Rom 14.7,8).
John Wesley s’exprime dans une lettre à son frère Charles : « Ton métier, comme le mien, est de sauver des âmes… Je considère perdue une journée qui n’est pas employée (au moins pour l’essentiel) à cette fin, sum totus in illo (je suis tout entier dans ce travail) ». Telle est la grande œuvre : non seulement amener des âmes à croire en Christ, mais les édifier dans la sainte foi.
Paul avait constamment devant les yeux le prix qui devait couronner ses efforts, toutes les âmes sauvées par son ministère (1Th 2.19 ; Ph 4.1).
La direction de sa mission lui est clairement indiquée au départ (Rm 1.5) ; « ramener à l’obéissance de la foi toutes les nations ».
En conclusion, pour pourvoir proclamer la Bonne Nouvelle, il faut à tout prix trouver le moyen de rencontrer les autres sur leur terrain et ne pas attendre qu’ils nous rejoignent d’emblée sur le nôtre.
Se faire à tout à tous sans entacher le cœur du message de l’évangile, quelle mission !