Celui qui voulait vivre et celle qui ne voulait plus
Luc Olekhnovitch
L’enseignante française, Chantal Sébire, morte le 19 mars 2008 à Plombières-lès-Dijon, suite à une tumeur qui avait défiguré sa face. La médiatisation de ses souffrances puis le décès ont ravivé le débat sur l’euthanasie en France. Quant à Baba Traoré, un jeune Malien de 29 ans, il est mort le vendredi 4 avril 2008 à Joinville-le-Pont (94) après s’être jeté dans la Marne pour échapper à un contrôle de police dans la gare RER de Joinville. Luc Olekhnovitch, pasteur de l’Église évangélique libre de Meulan et président de la commission d’éthique UEEL/FEEB revient sur ces deux événements dramatiques différents suscitant… colère et réflexion !
Chantal et Baba
Tout le monde connaît le nom de Chantal Sébire, celle qui a clamé son droit à mourir, tout le monde connaît son terrible visage défiguré par la maladie. Mais qui connaît le nom de Baba Traoré ou même son visage ? Baba Traoré était Malien, il voulait vivre en France. Venu quatre ans auparavant pour donner un rein à sa sœur pour qu’elle vive, il avait voulu rester dans notre pays. Pris de panique, il a commis un geste insensé : il s’est jeté dans la Marne pour échapper à un contrôle de police et il est mort d’une crise cardiaque à 29 ans. Celui qui voulait vivre devait le faire dans la clandestinité, et celle qui ne le voulait plus a choisi d’en faire une grande publicité. L’une, malade, a choisi un avocat plutôt qu’un médecin, pour traiter son mal, sa souffrance, et promouvoir une cause, l’euthanasie, que les médias ont complaisamment relayée. L’autre, Baba Traoré, aurait certainement eu besoin d’un avocat mais sa cause aurait-elle fait la une des médias ?
Différence de traitement médiatique
J’ai ressenti l’attitude de Chantal Sébire comme un geste de colère, comme si elle avait voulu jeter sa maladie à la face du monde. J’ai ressenti de la colère en apprenant la mort de Baba Traoré. Chantal clamait sa révolte devant l’injustice de la maladie, injustice que nous éprouvons tous quand la maladie nous atteint dans notre corps. Voilà peut-être le secret de la différence de traitement médiatique entre Chantal Sébire et Baba Traoré : le sentiment de Chantal Sébire nous le partageons facilement, nous reconnaissons bien dans le malade un prochain (du moins s’il est français !) mais en revanche, nous n’éprouvons pas ce même sentiment d’injustice devant l’étranger pourchassé. Pourquoi ? Le considérons-nous vraiment comment un prochain ou comme un lointain pour qui une « mesure d’éloignement » est ce qui nous convient ? Cela mesure notre éloignement de l’aimer ! Bien sûr que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, mais remarquez comme c’est curieux, combien nous devenons raisonnables quand il s’agit d’étrangers et peu critiques devant la mise en scène médiatique du « cas » Chantal Sébire. Pourtant la prétention à inscrire dans la loi un droit à mourir (il ne s’agit pas en l’occurrence d’euthanasie mais de suicide assisté) mériterait bien davantage réflexion sur son impact social…
Violence à ceux qui restent
Finalement Baba Traoré aussi s’est « suicidé » mais bien involontairement le malheureux ! Comment sa famille vit-elle cette épreuve, en particulier cette sœur dont il a sauvé la vie ? Et la famille de Chantal Sébire, que pense-t-elle ? Ses enfants ont adressé un message aux médias leur demandant de les laisser vivre leur deuil « dans la paix, la dignité et l’intimité ».
Les circonstances entourant le décès de Chantal Sébire, qui revendiquait un droit à se donner la mort, et celles de Baba Traoré, qui demandait juste qu’on lui permette de vivre, ont un point commun : la violence faite à ceux qui restent.
Article fourni aimablement par PLV