Le méthodisme en 7 questions
En répondant à 7 questions, Etienne Rudolph, surintendant du District francophone, présente l'EEM par un survol de son passé et de son présent, de sa structure et de sa théologie.
Surintendant Étienne Rudolph
1) D’où viennent ce mouvement et ce nom: « méthodiste » ?
En 1729, à l’université d’Oxford, en Angleterre, un groupe d’étudiants se réunissait systématiquement avec régularité pour organiser leurs études et leurs vies selon des règles précises : lever très tôt, temps de prière, visites aux malades et aux pauvres, temps de lecture de la Bible en commun, etc. Cette façon, apparemment méthodique de se comporter et d’agir, contrastant avec les mœurs plutôt relâchées de l’époque, a été rapidement raillée par les autres étudiants. Plusieurs surnoms ont affublé ce groupe. Celui de méthodiste a cependant eu le plus de succès.
Ce mot ne s’est pas perdu même après la dispersion du groupe et un des étudiants, John Wesley, avec son frère Charles, va le récupérer pour le mouvement qui est en train de naître sous sa conduite, mouvement de réveil extraordinaire dans l’Angleterre du XVIIIe siècle.
Les frères Wesley, avec d’autres amis, mettent en avant la foi vivante qui transforme le cœur et la vie des personnes faisant l’expérience d’une rencontre avec le Christ.
Différentes personnes, pasteurs et prédicateurs anglicans dont John Wesley, parcourent l’Angleterre en prêchant l’Évangile. Cette prédication est souvent tenue en plein air, chose nouvelle et plutôt risquée. Elle connaît cependant rapidement un grand succès, attirant les foules et provoquant de nombreuses conversions.
Le génie de Wesley est d’avoir su organiser ce mouvement autour de la réalité de l’Évangile. Une des affirmations centrales du méthodisme est et reste : la foi vivante est la confiance du cœur en Dieu et l’œuvre du St Esprit.
2) Comment s’est organisé le méthodisme?
Le sobriquet de départ – méthodiste – est resté pour Wesley une idée phare : user de méthode pour vivre en disciple de Jésus-Christ. Par la mise en place d’un système de classe (ou de cercle) allant jusqu’à douze personnes, la Bible était étudiée, un partage fraternel véritable était vécu, un soutien par la prière commune était réel. Peu à peu, la proclamation de la Parole s’est structurée en culte et très vite Wesley a eu le souci de former des personnes pour mener ces groupes, prêcher et évangéliser.
Dès le départ du mouvement, la formation des laïques pour assurer diverses responsabilités, prédicateurs laïques ou responsables de groupes, reste un point important dans l’Église méthodiste jusqu’aujourd’hui.
Après l’indépendance des États-Unis, entraînant une rupture avec l’Église anglicane, le mouvement méthodiste s’est structuré en Église et a mis en place le système des Conférences annuelles où il importait que chaque église locale soit représentée. Ce nom de « Conférences » a été choisi parce qu’elles étaient un lieu de rassemblement pour les délégués des églises locales et les personnes engagées à plein-temps dans l’œuvre méthodiste. Il ne s’agissait pas d’écouter des exposés, comme le mot « conférence » semble le suggérer en français. Il faut comprendre le terme dans son sens originel, c’est-à-dire que l’on confère ensemble de situations en vue de prendre des décisions communes pour le bien de tous. Lors d’une Conférence annuelle, les méthodistes échangent les résultats du travail accompli, décident des orientations futures, et les pasteurs y reçoivent leur affectation pour l’année à venir. Ainsi donc les Conférences sont comme un carrefour où personnes et idées se rencontrent. On peut les comparer aux synodes se tenant dans d’autres églises issues de la Réforme.
3) Qu’est-ce qui caractérise le méthodisme ?
Sur le plan théologique et biblique, ce qui caractérise le méthodisme, c’est sans aucun doute la grâce de Dieu offerte à tous sans distinction : aux hommes et aux femmes de l’accepter et d’y répondre par la foi. Cette grâce de Dieu révélant son amour inconditionnel a toujours été un point essentiel dans la prédication de John Wesley. C’est aussi ce qu’exprimait son frère Charles dans de nombreux cantiques (environ 6’000 !).
Dieu fait grâce et il invite tout être humain à lui répondre. Cette grâce, première, appelée grâce prévenante, permet une libre réponse de l’homme qui l’engage et qui transformera sa vie.
Un tel dialogue entre Dieu et l’homme, entre appel et réponse, touche au plus intime et de la volonté divine et de la personnalité humaine. Cette question a donné lieu à différentes prises de position théologique, voire à des dissensions dans l’histoire de l’Église (prédestination et libre choix). Mais au sein de l’Église méthodiste, cette question n’a jamais empêché quiconque d’annoncer l’Évangile et de proclamer la grâce libératrice de Dieu.
Les conséquences pratiques d’une telle compréhension ont conduit les méthodistes dès l’origine à un engagement clair dans l’évangélisation et dans les actions sociales. Pour Wesley, la sanctification personnelle ne peut s’accompagner que d’une sanctification sociale.
4) Existe-t-il une ou des originalités dans le méthodisme ?
Sur le plan ecclésiologique, l’Église évangélique méthodiste vit une structure unique. Le méthodisme ne connaît ni pouvoir hiérarchique, ni pouvoir de l’église locale. Il s’est donné une structure spécifique par son système de conférences. Cette structure se nomme « connexionnalité ». L’église locale n’est pas autonome. La Conférence annuelle lie les églises locales entre elles et instaure un partage et une responsabilité mutuelle. C’est le principe de ce système de connexionnalité. Les implications pratiques touchent autant les aspects financiers (budget commun et caisse centrale permettant de rémunérer les pasteurs indépendamment de la taille de l’église locale) que les décisions sur les grandes orientations que l’Église prend. Les pasteurs restent attachés à la Conférence annuelle dont ils sont membres et sont envoyés chaque année par l’évêque dans les églises locales (système d’affectation pastorale). La Conférence annuelle est autant une réalité vécue par les relations entre personnes que la structure de base de l’organisation. Elle donne une unité à l’Église évangélique méthodiste tout en permettant de développer la mission selon les besoins locaux.
5) L’Église évangélique méthodiste est-elle une Église comme les autres ?
C’est une Église qui revendique le terme « évangélique » dans ses deux compréhensions, à savoir : Église issue de la Réforme et Église issue des Réveils des XVIIIè et XIXè siècles.
Dans ce sens-là, elle a des convictions bibliques et doctrinales qui rejoindront bien des Églises existantes : Dieu trinitaire, Créateur, Sauveur, Consolateur, nécessité de la conversion et de la sanctification (personnelle et sociale) de l’être humain en Jésus-Christ, retour du Christ, autorité souveraine des Écritures.
L’Église évangélique méthodiste met cependant en avant, par son vécu et son expression de foi, un certain nombre de points importants qui, même s’ils restent secondaires quant à la foi chrétienne, indiquent l’orientation théologique et sociale de l’Église. Ces points peuvent parfois nous rapprocher d’autres Églises ou nous en différencier, et cela sans esprit de jugement.
Quatre exemples :
- Sur la question du baptême, l’Église évangélique méthodiste croit que celui-ci, réalisé au nom du Père, du Fils et du St Esprit, est unique et non renouvelable. Elle reconnaît et pratique les deux formes de baptême, celui des enfants et celui des croyants adultes. En France, le baptême des adultes correspond à la pratique majoritaire. Le baptisé adulte s’engage comme membre confessant dans l’Église.
- Sur la question de la sainte cène, l’Église évangélique méthodiste a une compréhension et une pratique de la sainte cène dite « ouverte » parce que c’est à la table du Seigneur et non à celle de l’église que l’on est invité. Ceci signifie qu’il n’y a d’autre exigence à sa participation que celle d’accepter la grâce de Dieu, c’est-à-dire ce que Christ a fait pour nous et ainsi de toujours mieux comprendre ce que l’on fait lorsqu’on participe à ce repas. Ceci implique une explication claire au début du repas de celui ou celle qui préside ce moment. En aucun cas, la sainte cène ne peut être un instrument de discipline.
- L’engagement de tous et toutes et l’esprit égalitaire sont importants pour l’Église évangélique méthodiste. Le réveil méthodiste s’est caractérisé par un engagement des laïques dans la proclamation de la Parole. Le méthodisme a redécouvert ainsi l’importance du sacerdoce de tous les croyants. L’égalité de tous est affirmée au-delà des différences de sexe, de nationalité ou de situation sociale, car tous sont un en Christ. Dans l’Église évangélique méthodiste, les frères comme les sœurs peuvent distribuer et présider le service de la Cène, elles peuvent prier, témoigner, prêcher et enseigner. De même, tous les ministères sont ouverts aux hommes et aux femmes sans distinction et sur tous les échelons. L’exercice de ces charismes se fait dans la reconnaissance des dons par l’Église et sous son autorité, charismes que le Seigneur distribue à qui Il veut, dans la réalité du service pour la croissance des frères et des sœurs. Celui ou celle qui pratique un quelconque don dans l’Église n’exerce pas un pouvoir qu’il s’est approprié, mais reçoit l’autorité pour l’exercice de ce don dans la soumission au Christ sous la responsabilité de l’Église. Dans le cas des ministères ordonnés, c’est la Conférence annuelle qui reconnaît et met en place une personne dans un ministère au service de l’Église après un cheminement de candidature dûment éprouvé.
- Pratique du dialogue avec les autres églises chrétiennes. L’Église évangélique méthodiste ne partage pas toujours les convictions doctrinales de ces autres églises et parfois même sur des points principaux, et ne manque pas de le dire et de le faire savoir avec amour. Mais elle estime de son devoir de pratiquer cette ouverture dans le respect des autres et de leurs convictions, le plus important étant de rechercher ce qui nous unit en Jésus-Christ et non de souligner ce qui nous divise.
6) Quels sont le rôle et la place de l’église locale dans l’Église évangélique méthodiste ?
L’Église évangélique méthodiste vit la réalité de l’Église comme un réseau de membres vivant en interconnexion et interactivité permanentes, localement et globalement, grâce au Christ, chef de l’Église.
Tout en faisant partie de l’Église évangélique méthodiste mondiale, ses membres forment une entité administrative locale, nommée « église locale », gérée par un conseil composé de membres élus par son assemblée générale. En concertation étroite avec le pasteur, le conseil planifie, encourage et supervise toutes les initiatives et activités d’évangélisation, de formation, de mission, d’œuvres sociales et d’entraide. Il gère les finances, les questions de bâtiment et l’administration du patrimoine de l’église locale. Il veille à l’exécution des décisions prises par l’assemblée générale et par la Conférence annuelle.
7) Comment devient-on membre ?
Le Christ établit son Église comme son corps, animé par la force du Saint-Esprit (1Co 12.13, 27). Par son baptême et la confession de sa foi au Dieu trinitaire, une personne devient membre confessant de l’Église évangélique méthodiste. En répondant aux questions suivantes, elle exprime sa volonté de vivre comme disciple du Christ et accepte le lien qui l’unit à Dieu et aux autres membres de l’Église :
Reconnais-tu Jésus-Christ comme ton Seigneur et Sauveur et te confies-tu à sa seule grâce ?
Veux-tu suivre Jésus-Christ en renonçant au mal et en pratiquant le bien ?
Acceptes-tu les Saintes Écritures, Ancien et Nouveau Testament, comme norme donnée par Dieu pour ta foi et ta vie ?
Veux-tu demeurer un membre fidèle de la sainte Église du Christ et t’engager dans l’Église évangélique méthodiste par ta prière, ta collaboration et tes dons réguliers ?
Le membre fidèle de la communauté gagne en maturité et fait l’expérience de la volonté et de la grâce de Dieu. La prière personnelle et communautaire, le culte, les sacrements, l’étude de la Bible, l’engagement diaconal, les dons réguliers et une vie d’obéissance et de service contribuent au progrès spirituel.
Le membre participe fidèlement à la vie de la communauté : il porte le fardeau des autres membres, partage leurs joies comme leurs peines, proclame la vérité dans l’amour et aborde les divergences dans un esprit de pardon et de réconciliation. L’Église évangélique méthodiste, en tant que communauté de croyants, fait partie intégrante de l’Église universelle composée de tous ceux et celles qui acceptent Jésus-Christ comme leur Seigneur et Sauveur.
Spécial méthodisme