Le trublion méthodiste

Tout rentre dans l’ordre…

Grégory Luna


Le trublion de service pose la question du droit ou non de se réjouir de la mort de Ben Laden. Et vous ?


À l’heure où d’un côté du monde les pays arabophones s’entrechoquent au rythme d’un pogo endiablé, le pied alourdi par de sanglantes répressions, il semblerait que de l’autre côté, après ses dérives financières, l’occident, et plus particulièrement le trio de tête, mène une existence de cocagne ; et bien plus encore depuis que le plus vilain terroriste a été abattu au Pakistan.

À présent, que peut-il nous arriver de mieux ? Le méchant est mort, l’honneur est lavé, le peuple est rassuré et le « beau mariage » s’est bien passé ; et si comme chez Edgar Faure, « tout le monde rit quand on tue le cochon », de toute évidence, c’est aux dépens du principal intéressé que les tueurs1 se réjouissent de sa chair médiatique.

Mais qu’en est-il des chrétiens : ont-ils le droit de se réjouir d’une telle nouvelle ? Tandis qu’un homme a été abattu sans l’ombre d’un procès, même purement formel, partageons-nous la joie de voir un extrémiste – avec les vidéos à l’appui s’il vous plaît – mourir dans un bain de sang ? De toute évidence, posée de cette façon, chacun d’entre-nous dirait non. Maintenant, si je vous dis que Jésus-Christ, notre Seigneur, jeta de la même manière la confusion parmi ses contemporains au sujet des Galiléens dont le sang fut mêlé à celui de leur sacrifice2 ; répondriez-vous comme lui : « ont-ils été plus pécheurs que le reste d’Israël ? » Je n’oserais répondre à votre place…

Toujours est-il, depuis toujours, les passions humaines ont besoin d’être purgées : hier la tragédie, par la représentation dramatique, aujourd’hui, la substitution, la mort du bouc émissaire3, demain, la loi du pragmatisme. Toutefois, aucune catharsis4 ne saurait sauver l’homme du péché !

NOTES

1 Nom donné aux abatteurs de cochons.

2 Lc 13.1-3. Certains commentateurs pensent que ces hommes furent abattus dans le temple alors qu’ils offraient un sacrifice.

3 Toute assimilation du bouc émissaire à Ben Laden est exclue.

4 La catharsis est l’une des fonctions de la tragédie selon Aristote. Il s’agit de libérer les spectateurs de leurs passions en les exprimant symboliquement. L’idée est que le spectacle tragique opère, chez le spectateur, une purification des passions. La catharsis peut se comprendre, à l’instar du rêve, comme un accomplissement des désirs, ou un exorcisme des craintes.