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Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Liberia, Prix Nobel de la Paix

Mary Jacobs


Pour son engagement en faveur de la paix et la défense des droits des femmes au Liberia et dans les pays voisins, Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Liberia et récipiendaire du Prix Nobel de la Paix 2011 avec deux autres militantes, est la Méthodiste unie de l’année 2011 selon le magazine Reporter. Portrait de cette femme hors pair, héroïne moderne de la foi.

Un témoin de choix

« Elle est, à mon avis, une illustration de ce que Dieu peut faire à travers l’Église méthodiste unie, dans la ligne de sa devise actuelle « faire des disciples de Jésus-Christ pour la transformation du monde », a déclaré Peter D. Weaver, évêque de la région de Boston. Ellen Johnson Sirleaf est en 2005 la première femme en Afrique à devenir présidente démocratiquement élue, et on lui accorde largement le crédit d’avoir aidé le Liberia à sortir d’une guerre civile brutale. Mme Sirleaf a été l’une des trois femmes à recevoir le Prix Nobel de la Paix 2011 à Oslo en décembre. « Nous célébrons ses réalisations et les considérons comme un exploit de l’Église dans son ensemble et du peuple libérien », a déclaré le révérend Jerry Kulah, surintendant du district de Monrovia au Liberia.

Au service du Royaume et du pays

Élevée dans la foi méthodiste unie et formée dans un lycée affilié à l’Église méthodiste unie, Mme Sirleaf est un membre actif de la First United Methodist Church, à Monrovia, au Liberia. Beaucoup de ceux qui l’ont rencontrée disent à quel point sa foi l’inspire dans ses responsabilités. « Elle a le sentiment que sa vie et son talent devraient servir à rendre ce monde un tant soit peu plus semblable au Royaume des cieux », déclare l’évêque Weaver.

Une petite promise à un grand avenir

Mme Sirleaf est née à Monrovia comme la petite-fille d’un chef libérien. Dans son autobiographie, This Child Shall Be Great (2009), Mme Sirleaf relate l’histoire d’un vieil homme qui dans une visite à sa famille peu après sa naissance a porté son regard sur l’enfant avant de déclarer : « Cet enfant sera grand. Cet enfant sera un leader ». Pendant des années, écrit Mme Sirleaf, ce commentaire semblait être une plaisanterie de mauvais goût. Mariée à l’âge de 17 ans, plus tard mère de quatre fils, elle s’est sentie prise au piège dans un mariage abusif et a lutté pour poursuivre ses études. Cependant, Mme Sirleaf a pu finalement terminer ses études.

Elle a fréquenté un collège affilié méthodiste uni d’Afrique occidentale, à Monrovia, et ensuite étudié au Madison Business College dans le Wisconsin, Université du Colorado et à l’École Kennedy de l’Université Harvard. Son entrée en politique eut lieu en 1972, quand dans son Université elle a prononcé un discours d’ouverture, désormais célèbre où elle a fortement critiqué le gouvernement.

Premiers engagements

Mme Sirleaf a travaillé pour la Banque mondiale à Washington, DC ; elle a ensuite été chef du Bureau régional africain de la Citibank à Nairobi. Au milieu des années 1980, elle est revenue au Liberia et a été emprisonnée pour ses critiques du régime sous Samuel Doe. Avec le déclenchement de la Première Guerre civile libérienne en 1989, Mme Sirleaf a initialement soutenu la rébellion de Charles Taylor contre Doe, mais plus tard, s’est opposée à lui et a dû quitter le Liberia.

Dans le début des années 1990, elle a dirigé le Bureau régional du Programme des Nations Unies pour l’Afrique. En 2005, elle a remporté l’élection, et en octobre dernier, elle a été réélue. Son statut en tant que présidente du Liberia constitue un précédent important…

L’élue du peuple

« Non seulement son élection a inspiré des femmes, mais elles aiment ce que son élection dit sur le caractère inclusif de la politique en Afrique », a déclaré l’ambassadeur Charles Stith, ancien ambassadeur de la Tanzanie et ancien pasteur de l’Union méthodiste unie, à Boston. Il a rencontré Mme Sirleaf et se souvient d’elle comme d’une « femme de grande influence et de forte présence ». Mme Sirleaf a partagé le Prix Nobel de la Paix 2011 avec Leymah Gbowee, sa compatriote libérienne, et Tawakkol Karman du Yémen.

La battante de la paix, de la promotion féminine

Le Comité du Prix Nobel de la paix a honoré les trois femmes pour leur combat en faveur des droits des femmes dans des régions où prédomine l’oppression et pour avoir impliqué les femmes dans la promotion de la paix. En acceptant son prix Nobel en décembre, Mme Sirleaf l’a dédié aux femmes d’Afrique, en particulier aux femmes libériennes.

« Elles ont porté le fardeau de ces conflits, comme victimes de viols, victimes de l’esclavage sexuel, ces femmes ont continué à pourvoir aux besoins de leurs enfants alors même que leurs hommes étaient partis à la guerre », a-t-elle dit dans un discours prononcé à Oslo le jour précédant la remise du Prix. Aucune femme originaire d’Afrique subsaharienne n’avait remporté le prix depuis 2004, année où le Comité a honoré Wangari Maathai du Kenya.

Thomas Kemper, secrétaire général du Conseil Mondial de la Mission de l’EMU (GBGM), s’est rendu au Liberia pendant la guerre et a suivi le retour des gens au Liberia après la guerre civile qui a entraîné la nation autrefois prospère dans le chaos et la violence. « Lorsque vous rencontrez les femmes au Liberia et en Afrique, vous pouvez voir la fierté avec laquelle elles parlent de la première femme Présidente du Liberia », a déclaré M. Kemper.

« Avoir un Président qui était une sorte de mère de la nation, être élu, rétablir la confiance et les relations et se lever en faveur des femmes… était tout simplement unique et a créé une atmosphère telle que la communauté internationale a bien voulu apporter de l’aide au Liberia, parce qu’ils faisaient confiance au président et à ses perspectives d’avenir ».

Contre la corruption

Dr Kulah, dont la thèse soutenue en 2010 à l’Asbury Theological Seminary décrit le leadership de l’Église dans la transformation du Liberia, a noté que les années au pouvoir de Mme Sirleaf en tant que présidente ont créé une baisse sensible de la corruption. Quand elle a pris ses fonctions en 2005, le Liberia était classé au 185e rang sur 206 pays dans la lutte contre la corruption, a-t-il dit, citant les données de l’Institut de la Banque mondiale. Deux ans plus tard, le Liberia était classé 113e, progression la plus rapide au bout de deux ans, tous pays confondus. Le Dr. Kulah voit dans les racines wesleyennes de Mme Sirleaf les choix de son style de gouvernement.

Au nom de sa foi

« À l’heure actuelle, plus de 25 000 jeunes font des jobs de vacances, participent au nettoyage de leurs quartiers, et leur salaire sera versé le 23 décembre pour leur permettre d’avoir un peu d’argent pour leur Noël », a-t-il écrit dans un courriel le 18 décembre. « Wesley a fait des choses semblables quand il est allé dans les mines de charbon, des granges, des prisons et des ghettos pour libérer les gens ». « Elle a doublé le nombre d’établissements de santé au Liberia pendant son mandat », ajoute l’ambassadeur Stith. « Elle a construit plus de 220 écoles depuis 2006. Plus de 700 000 habitants de Monrovia ont maintenant l’eau courante. Ces initiatives reflètent son engagement en faveur des pauvres ». L’Ambassadeur Stith espère que l’exemple de Mme Sirleaf en poussera d’autres à agir. « Son succès est un défi pour l’Église universelle à chercher des moyens pour soutenir l’espoir dans un endroit comme le Liberia », a-t-il dit. « Il ne suffit pas de rester sur la touche et d’applaudir ses réalisations ».

Il ajoute que, même si Mme Sirleaf a accompli beaucoup de choses, le Liberia a encore un long chemin à parcourir. Les routes et les infrastructures de la nation sont encore fragiles ; la corruption est encore à combattre au sein du gouvernement.

Foi profonde

La foi méthodiste de Mme Sirleaf demeure une partie importante de sa vie. Le Dr Kulah a qualifié Mme Sirleaf de « fidèle très fervente » qui assiste au culte chaque dimanche. « Elle écoute ses responsables d’église et est ouverte à tout conseil », a-t-il dit. L’évêque Weaver faisait partie de la délégation qui a participé à l’investiture de Mme Sirleaf en 2006 et rappelle comme une évidence sa foi profonde.

Elle a planifié avec soin une réunion de prière à la Première Église EMU/UMC à Monrovia à la veille de son investiture. Elle a choisi trois hymnes pour cette réunion de prière : « A Charge to Keep » (de Charles Wesley), « Jesus is All the World to Me » et « We’ve a Story to Tell the Nations ». Après une élection controversée et de longues années de guerre civile au Liberia, le dernier hymne était particulièrement émouvant, rappelle l’évêque Weaver, parce qu’il s’achève sur le refrain : « les ténèbres se lèvent avec l’aube et l’aube fait place à un midi lumineux ».

« Elle a chanté les cantiques par cœur », a-t-il dit. « Je ne parle pas seulement de mémoire, elle les chante de tout son cœur. On peut dire qu’elle était profondément émue par ce qu’elle chantait ». M. Kemper ajoute que l’engagement visible de Mme Sirleaf quant à sa foi méthodiste unie a « aidé l’Église au Liberia à trouver sa place après la guerre et à reprendre un nouveau départ ».

On a demandé à Mme Sirleaf d’adresser un discours aux délégués méthodistes unis de la Conférence générale en 2008 à Fort Worth, au Texas. Elle a été le premier leader africain et la première femme présidente à prononcer un discours à la Conférence générale. « Nous avons besoin de l’Église aujourd’hui comme jamais auparavant », a-t-elle déclaré aux délégués, les appelant « frères chrétiens et compagnons méthodistes » à plusieurs reprises lors de son discours. « Je suis fière de dire que nous avons fait passer le Liberia d’un État défaillant à une success-story », a-t-elle ajouté.

L’importance de l’instruction des femmes

Elle a rappelé comment, peu après son élection, les enfants ont été effrayés par son convoi présidentiel. « Aujourd’hui, leurs yeux s’illuminent et ils sourient », dit-elle. « Le Liberia est sur le chemin du retour ». Mme Sirleaf, qui se fait appeler « Mama Ellen », a fait de l’égalité pour les femmes une priorité pour son administration. Elle a également insisté sur l’éducation des femmes, a déclaré le révérend Deborah Thompson, coordonnatrice du département missionnaire au sein de la Conférence du Wisconsin.

La Conférence envoie des équipes au Liberia pour le travail missionnaire. « Elle encourage les jeunes femmes à aller à l’école », dit-elle. « Elle croit que si vous éduquez une femme, vous pouvez éduquer une nation, parce que les femmes enseignent à leurs enfants. Mme Thompson a vécu au Liberia dans les années soixante-dix et a des liens familiaux là-bas ; elle se rappelle comment les gens se référaient à leur pays avec fierté comme au « Sweet, sweet Liberia ». Cette fierté s’est perdue au cours de la longue guerre civile, mais avec la recomposition de la nation, maintenant, elle voit revenir la fierté. « L’Église méthodiste tente d’apporter de l’espoir dans les situations critiques », dit-elle. « Ellen Johnson Sirleaf, c’est quelqu’un qui a apporté de l’espoir au Liberia ».

mjacobs@umr.org

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