à propos des chrétiens, des religions et de la société
Les délégués de l'Alliance Évangélique Française, réunis en Assemblée Générale ordinaire le 3 avril 2004 dans les locaux de l'Église Réformée du Luxembourg à Paris, ont consacré une partie de leurs travaux à réfléchir aux rapports des Églises avec l'État. Ils ont accordé une attention particulière aux profondes mutations de nos conditions de vie et aux interrogations de plus en plus nombreuses autour de la question de la place des religions dans notre société.
Ils rappellent le rôle fondamental pour l'identité de notre pays du principe de la laïcité tel qu'il est établi par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et énoncé dans les constitutions de la République Française de 1946 et de 1958.
Ils soulignent la place centrale qu'ont pour eux les libertés de pensée, de conscience, de religion et d'expression, libertés affirmées (avec les devoirs et les responsabilités de la vie en société) notamment dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (articles 10 et 11), dans la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (articles 18 et 19) et dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 (articles 9 et 10).
Enfin, ils rappellent que la sagesse et l'amour de Dieu, manifestés en Jésus-Christ mort et ressuscité il y a 2000 ans, et attestés par la révélation biblique, éclairent tous les aspects de l'existence et constituent pour les chrétiens, en particulier pour les chrétiens protestants évangéliques, la réalité fondatrice.
Sur ces bases, ILS TIENNENT A EXPRIMER :
- leur attachement au principe qu'aucune idéologie ou religion ne prétende dominer la vie politique et sociale d'un pays, mais aussi :
- leur volonté de « récuser toute prétention à enfermer le religieux dans le domaine privé » (Jean Arnold de CLERMONT dans son message à l'Assemblée Générale de la Fédération Protestante de France, dont il est le président, le 27 mars 2004) ;
- leur attente de voir pleinement respecté l'exercice des libertés rappelées plus haut, notamment la liberté de s'exprimer et la liberté de changer de convictions ou de religion ;
- leur conviction selon laquelle personne ne doit être privé de ces libertés en raison de situations de précarité et de problèmes d'intégration.
ILS APPELLENT l'ensemble des membres de l'Alliance Évangélique, et avec eux tous les chrétiens, dans l'esprit d'humilité qui convient devant l'ampleur de la tâche :
- à être vraiment citoyens dans la cité et dans le monde en recherchant activement le bien commun et en vivant leur foi de la façon la plus conséquente possible ;
- à uvrer de leur mieux avec d'autres au soulagement des misères de toutes sortes, sans discrimination et de façon désintéressée, en témoignage et en prolongement de l'amour du Christ pour les hommes et les femmes de ce monde ;
- à faire connaître avec conviction la sagesse et l'amour du Christ dans un esprit de sérénité, en étant à l'écoute des autres et en respectant la liberté de tous ;
- à prier pour nos autorités, comme la Bible invite à le faire (1Tim 2.1-2).
ILS ATTENDENT des responsables politiques, pouvoirs publics et partenaires sociaux :
- qu'ils veillent à ce que la mise en uvre du principe de laïcité ne se traduise pas dans les faits par des mesures discriminatoires ;
- qu'ils prennent les dispositions adéquates pour que le respect des convictions religieuses de chacun soit une réalité vécue non pas dans l'ignorance ou la méfiance mais dans l'échange et la tolérance, selon « une démarche positive et éducative, mais aussi de dialogue, de confrontation et de débat » (Jean BAUBEROT dans une interview au magazine « Valeurs mutualistes » n° 229, janvier 2004) ;
- qu'ils veillent à ce que les programmes et projets collectifs comprennent des mesures de protection, d'accompagnement et d'intégration, pour que les libertés fondamentales mentionnées aient un sens pour l'ensemble des membres de la société, y compris les plus pauvres. L'Alliance Évangélique s'inquiète notamment qu'au motif de critères de type religieux certaines prestations sociales (bons-vacances par exemple) puissent être refusées ;
- qu'ils contribuent plus spécialement à ce que l'école remplisse effectivement son rôle éducatif dans ce domaine et soit un lieu ouvert dans lequel le fait religieux ne soit pas nié mais au contraire compris afin que puisse se vivre une « laïcité d'intelligence » (Régis DEBRAY dans son rapport de février 2002 sur l'enseignement du fait religieux dans l'école laïque) qui aide les enfants et les jeunes à apprendre ce qu'est le respect des autres dans la connaissance mutuelle (L'application de la loi du 15 mars 2004 sur l'interdiction, dans les établissements scolaires, du port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, pourra s'inspirer avantageusement de cet état d'esprit).
Stéphane LAUZET
Secrétaire Général
Alliance Évangélique Française