Décès d'un géant
Le Pasteur Slimane Boukhechem
Slimane Boukhechem, fils du Pasteur Abdelwahad et Hadjila Boukhechem, naquit à Sousse, sur la Côte Méditerranéenne, quatrième enfant d’une fratrie de cinq. Il fit toute sa scolarité à Constantine, où son père, le premier pasteur autochtone de l’Église Méthodiste en Afrique du Nord, servait l’Église Méthodiste Épiscopale. Slimane fit ses études de théologie à Genève et à Strasbourg. En 1958, à l’issue de son service militaire, il épousa Marie Louise Sturm, fille du Pasteur Sturm de l’Église Luthérienne de France. Ils eurent deux enfants : Jean-Kamel et Anne-Leïlah.
Pendant la guerre pour l’indépendance de l’Algérie, il servit l’Église Méthodiste à Constantine. Quittant le pays en guerre, il étudia aux Langues Orientales à Paris. Il étudia ensuite comme pensionnaire à l‘Institut Français à Téhéran, où il devint sans doute le premier pasteur de l’Église Méthodiste ou de l’Église Réformée de France à maîtriser la langue perse. Après cela, il fut enseignant dans un centre de la Cimade et étudiant en philosophie à Dakar, au Sénégal.
Il fut par la suite professeur de philosophie au Collège Cévenol au Chambon-sur-Lignon entre 1967 à 1983, avec deux coupures d’une année chacune, d’abord au Tchad, et puis au Collège Episcopal de Zillisheim, en Alsace. Cette « carrière » dans l’enseignement fut suivie d’un pastorat de l’Église Réformée de France à Nancy, puis à Palaiseau. Alors qu’il fut chargé de la paroisse de Palaiseau, il s’engagea à un ministère itinérant en Algérie et en Tunisie, formant ainsi des laïcs dans ces deux pays pour leurs responsabilités dans la vie et le témoignage chrétiens. Dans ce ministère, il fut très apprécié par une très grande variété de communautés protestantes et catholiques. L’étendue de son expérience et ses connaissances suscitèrent l’admiration de tous. Une fois, après une conférence au centre diocésain qui avait duré deux heures, sans qu’il se réfère à des notes, quelqu’un lui avait demandé le texte de son intervention, obtenant une réponse négative, car il n’y en eut pas. Il expliqua qu’il ne pouvait pas donner de texte écrit, de crainte qu’il ne soit déformé par un auditeur qui n’avait pas bien compris. Et s’il n’y avait pas de texte, il ne pouvait y avoir de contestation.
Après sa retraite, il s’installa avec « Malou » au Chambon-sur-Lignon, leur « terre de prédilection ». Soigné pendant plusieurs mois pour une maladie progressive, il s’éteignit paisiblement, après avoir donné des instructions pour la suite de sa mort, survenue le dimanche 29 mai 2011. Il avait atteint l’âge de 81 ans. Le service de célébration eut lieu dans le Temple Réformé historique de Chambon-sur-Lignon devant une assistance qui le remplit.
Pasteur Hugh Johnson
UN PASSEUR HUMANISTE
Robert Lassey
Extrait d’un texte lu lors de ses obsèques
Le destin de Slimane était inscrit dans ses origines et son parcours personnel en a été la réalisation. Fils d’un pasteur méthodiste kabyle, il a sillonné une partie du monde tantôt comme chercheur, notamment à l’Institut Français de Téhéran, tantôt comme professeur au Sénégal, au Tchad, puis aussi comme pasteur- formateur en Algérie. Théologien et philosophe, il était curieux du monde, des hommes, des cultures.… Il avait une connaissance fine des pensées religieuses et philosophiques indiennes.
Slimane Boukhechem était un engagé pacifiste mais vigilant de l’œcuménisme religieux, du dialogue interreligieux entre le judaïsme, l’islam et le christianisme.…
Alain Blancy, un autre théologien et philosophe, ancien directeur du Collège Cévenol m’a écrit un jour cette phrase sublime : « Nous sommes des passeurs, des passants, des passagers plus debout que couchés, suivant la trace et laissant l’empreinte des passages antérieurs et postérieurs. » Elle suffit pour résumer ce qu’a été pour moi, pour nous Slimane Boukhechem.
Tiré du site du Collège Cévenol
Pâques au cœur de la Méditerranée
Extraits d’une prédication du pasteur Slimane Boukhechem au Temple réformé de Palaiseau 3 mars 1996 sur Jn 16.16-25.
Comment supporter l’aridité, la violence de l’histoire s’il n’y a pas au bout une lumière, un accomplissement, un soulagement de la souffrance.…
Nous sommes confrontés à la misère des hommes, à la souffrance des hommes et à notre propre misère et souffrance. Et nous devons la combattre pour instaurer la justice là où il y a l’injustice, la fraternité là où il y a la guerre, la paix là où il y a la guerre, mais en sachant bien que nous n’allons pas construire le royaume des cieux sur la terre, que l’espérance ne concerne pas ce temps, mais par la résurrection du Christ, ce temps est ouvert ou s’ouvre sur l’éternité.
Et comme le dit Paul dans son Épître aux Romains, c’est l’Esprit qui en un sens nous libère de tous ces constitués dans lesquels nous nous emprisonnons pour créer une vie nouvelle, mais une vie nouvelle parce qu’elle est nourrissement et gestation de ce qui est absent et en même temps présent très mystérieusement.…
Nous ne pouvons espérer qu’avec la Création qui aspire à cette liberté dans le Christ, avec toute la Création, de vivre et de manifester et de révéler cet horizon lointain qui est en même temps présent dans la vie des hommes. Que Dieu nous accorde la grâce de ce don de l’Esprit qui est libération déjà et de la liberté même de Dieu qui est Création.
Tiré d’Empreintes 1.0