A l'origine du méthodisme: persécution contre les précurseurs
Par John SINGLETON, ancien rédacteur adjoint de la revue «Methodist Recorder», publiée à Londres (Grande-Bretagne); il est actuellement administrateur à plein temps de l'Église Méthodiste et de ses projets sociaux à Tower Hamlets, à Londres-Est.
Intolérance dûment orchestrée
A une époque où la tolérance en matière de religion est un thème très sensible et alors que, encore de nos jours, la violence envers les croyants est très réelle dans certaines parties du monde, il est utile de nous rappeler que les pionniers du mouvement méthodiste ont été souvent du côté des victimes d'une intolérance dûment orchestrée.
Une violente persécution
Prêcher sur une place de marché, dans la rue ou au milieu des champs de l'Angleterre du milieu du XVIIIe siècle était sans aucun doute une façon inusitée et efficace de communiquer l'Évangile à des milliers de personnes, mais elle exposait les prédicateurs et leurs fidèles aux préjugés et à la haine de nombreux adversaires - souvent situés en haut lieu - qui se sentaient menacés par ce mouvement naissant parmi les gens simples. Par conséquent, bien des méthodistes des premiers temps ont fait très directement l'expérience d'une violente persécution.
Pendant les premières années, marquées par un développement rapide du mouvement, l'intervention de bandes violentes était plus ou moins habituelle dans certaines parties de l'Angleterre. En de nombreuses occasions, les réunions des frères WESLEY, de George WHITEFIELD et de maints prédicateurs itinérants, furent attaquées par des hordes de canailles ivres, bagarreuses, équipées d'armes hétéroclites allant des bâtons à des oeufs pourris, en passant par des briques, des pierres et des bombes puantes. Parfois, la bande attrapait un taureau et poussait la pauvre bête affolée droit au milieu d'une réunion en plein air ; à d'autres moments, les perturbateurs se contentaient de faire du bruit avec des cloches, des cors, des tambours et des casseroles pour noyer la voix du prédicateur.
Souvent, lorsqu'ils étaient stimulés par un leader violent, les membres du groupe avaient recours à toutes les formes d'agressions imaginables. Parfois, ils se déchargeaient de leur rage en brûlant ou démolissant les maisons et en cassant ou volant le mobilier et les biens des adeptes du méthodisme. On sait que John WESLEY lui-même fut en grave danger d'être tué par des bandes dans le Staffordshire et en Cornouailles. Son frère, Charles, put à grand peine sauver sa vie dans la ville de Devizes, dans le Wiltshire. Quant à WHITEFIELD, agressé brutalement par une foule irlandaise à Dublin, «couvert de sang et sur le point de défaillir», il fut secouru au tout dernier moment.
John WESLEY au milieu d'une émeute
Des magistrats complices
Souvent, il semblait que c'étaient précisément les personnes dont le devoir aurait été de protéger des citoyens respectueux de la loi, qui encourageaient activement les groupes perturbateurs ou qui, postées à bonne distance, approuvaient tacitement ce qui se passait. John WESLEY a constaté que la piste de la majorité des incidents provoqués par ce type de bandes menait à des magistrats, des seigneurs locaux et des gens «de qualité» connus pour être des «gentilshommes». Si l'on en juge par les fréquentes remarques caustiques de son journal au sujet de leurs manières «peu gentilles», WESLEY ne s'en embarrassait guère.
S'il est vrai que des membres de la classe privilégiée ont appuyé le méthodisme, WESLEY n'a généralement pas été impressionné par les représentants de la petite noblesse locale, même les plus pieux. «Il y a dans la plupart des nobles religieux un mélange si bizarre, que j'ai rarement confiance en eux», a-t-il écrit.
Il a noté que les chefs de bandes violentes sont des «brutes publiques». Dans son journal de 1769, on trouve une remarque à la fois amusante et révélatrice: «Les brutes publiques ont été raisonnablement calmes jusqu'au moment où j'arrivais presque au terme de mon sermon. A ce moment-là, ces gens élevèrent la voix, en particulier l'un d'entre eux, appelé gentilhomme, qui avait rempli ses poches d'oeufs pourris ; mais un jeune homme se glissa par surprise derrière lui et, plaquant ses mains sur lui des deux côtés, écrasa tous les oeufs d'un coup. En un instant il fut tout parfumé, mais ce n'était pas aussi bon que du baume ». Une autre fois, « une sorte de gentilhomme engagea une bande de garçons pour crier, puis fit boire inconsidérément un pauvre homme, qui hurla beaucoup d'obscénités et de bêtises, tandis que lui-même jouait du cor. » Certains gentilshommes magistrats allèrent jusqu'à dire aux bandes : « Faites ce qu'il vous plaît », puis se lavèrent les mains des conséquences. D'autres délivrèrent des mandats d'arrêt généraux contre tous les prêcheurs itinérants. Plus d'une fois, ces soi-disant gentilshommes ont engagé des bandes pour chasser de leur district « tous ceux qui s'appellent méthodistes ».
Le journal de WESLEY du mois de février 1744 est particulièrement révélateur. Après des mois d'actes de terreur et de pillages sporadiques, un groupe de gens « engagés par leurs dirigeants » et « tenus par serment » de piller tous les méthodistes de Wednesbury - probablement l'endroit le plus réputé pour sa persécution des disciples de WESLEY - décidèrent de mettre leur dessein à exécution. Attaquant les maisons de ceux qui étaient connus pour être des adeptes du mouvement, ils commencèrent par casser toutes les vitres. Puis tous les meubles trop lourds pour être emmenés furent « mis en pièces ». Ils prirent des vêtements et autres objets de valeur, « chaque homme en prenant autant qu'il pouvait en porter ou ce qu'il préférait ».
Certains des gentilshommes qui avaient mis le groupe sur pied - et qui avaient, semble-t-il, menacé leurs employés de renvoi s'ils ne participaient pas à cette attaque - rédigèrent un document que les méthodistes devaient signer, déclarant qu'ils n'inviteraient ou ne recevraient plus jamais de prédicateur méthodiste. Les auteurs du document indiquèrent que l'attaque cesserait à condition qu'ils signent. La plupart refusèrent de signer, disant qu'ils préféraient perdre la vie plutôt que désobéir à leur conscience.
Encouragés par WESLEY, les méthodistes n'offrirent pas de résistance violente aux attaques de Wednesbury, qui laissèrent dans leur sillage « plusieurs centaines » de maisons détruites et de nombreuses personnes blessées. Mais WESLEY n'était pas un leader qui pontifiait à distance. Dans ce genre de situation, on le trouvait fréquemment aux côtés de ses gens, montant lui-même en première ligne pour obtenir la liberté de célébrer un culte et partager la Parole de Dieu. Sa résistance était créatrice.
Un courage inspiré par Dieu
Son courage, son calme et son attitude au milieu de ces situations effrayantes ont dû être inspirés par Dieu, comme le montre son journal de 1743 : « Le soir, alors que je prêchais à St-Ives, Satan a commencé à se battre pour son royaume. La populace de la ville surgit dans le local et créa passablement de désordre, hurlant et frappant ceux qui étaient sur son chemin, comme s'ils étaient possédés par Légion lui-même ».
WESLEY écrit qu'il aurait voulu « persuader nos gens de garder leur calme. Mais le zèle de certains et la peur des autres n'avaient pas d'oreilles». Comme le tumulte augmentait, « je plongeai au milieu de la foule et ramenai le meneur des perturbateurs avec moi vers le lutrin. Je ne reçus qu'un coup sur le côté de la tête, après quoi nous commençâmes à discuter de l'affaire, jusqu'à ce qu'il devienne de plus en plus doux et qu'à la fin il entreprenne de calmer ses compagnons ». Dans notre monde d'aujourd'hui, nous avons peut-être besoin d'une personne ayant la stature et l'engagement de WESLEY pour contribuer à ramener la paix au sein de certaines de nos communautés.
Service de presse évangélique méthodiste