CALVIN, HUMORISTE ?
Alain Arnoux
Animateur en évangélisation Centre-Alpes-Rhône
Dernier clin d’œil au Réformateur Jean Calvin pour son 500e anniversaire : contrairement aux idées reçues, il débordait d’un humour mordant dans ses écrits. Démonstration est faite ici par le pasteur Alain Arnoux (ERF).
Dans une Église où nous aimons tout de même bien rire, nous aimerions trouver de l’humour chez Jean Calvin, dont l’apparence austère est bien connue. Plutôt que d’humour, il vaudrait mieux parler d’ironie féroce.
Ce qui vient à l’esprit, c’est toujours son « Traité des Reliques » (1543). Rabelaisien, dit-on. Mais Calvin s’est-il amusé en l’écrivant ? Derrière l’ironie féroce et parfois lourde, je ne vois pas de sourire, mais une immense colère contre une Église déformée qui profite de la crédulité des pauvres, colère pour l’honneur de Dieu et pour le respect des croyants, du Christ et de Marie.
Passons vite sur les reliques du Christ et sur celles de la Vierge : « On n’a point laissé échapper le corps de Jésus-Christ sans en retenir quelques lopins… L’Abbaye de Charroux se vante d’avoir le prépuce… Toutefois que dirons-nous du prépuce qui se montre à Rome ? Il est certain que jamais il n’en a eu qu’un ». « Si l’on voulait ramasser tout ce qui s’en est trouvé (des morceaux de la croix), il y en aurait la charge d’un bon grand bateau ». « Quant à la Vierge Marie, parce qu’ils tiennent que son corps n’est plus en terre, le moyen leur est ôté de se vanter d’en avoir les os ; autrement je pense qu’ils eussent fait croire qu’elle avait un corps pour remplir un grand charnier. Au reste ils se sont vengés sur ses cheveux et sur son lait… Il y en a tant que si la sainte Vierge eût été une vache et qu’elle eût été en nourrice toute sa vie, à grand-peine en eût elle pu rendre telle quantité ». Et à la fin du traité : « Cependant qu’on imprimait ce livret, on m’a averti d’un troisième prépuce de notre Seigneur, qui se montre à Hildesheim ».
Deux têtes pour un saint
Parlons des saints. « Parce qu’ils ont donné à saint Sébastien l’office de guérir de la peste, cela a fait qu’il a été plus demandé ; ce crédit l’a fait multiplier en quatre corps entiers, dont l’un est à Rome à Saint-Laurent, l’autre à Soissons, le troisième près de Nantes, le quatrième près de Narbonne… En outre il a deux têtes, l’une à Saint-Pierre de Rome et l’autre aux Jacobins de Toulouse. Il est vrai qu’elles sont creuses, si on se rapporte aux Cordeliers d’Angers, qui disent en avoir la cervelle ». « Une semblable raison a valu à saint Antoine de lui multiplier ses reliques, d’autant que c’est un saint coléreux et dangereux… La crainte a engendré dévotion, laquelle a aiguisé l’appétit pour faire désirer d’avoir son corps, par quoi la ville d’Arles a eu grand combat et long contre les Antonins de Viennois… Avec ces deux corps, il a un genou à Albi ; à Bourg, à Mâcon, à Dijon, à Chalons, à Ourroux, à Besançon des reliques de divers membres. Voilà ce que c’est d’avoir la réputation d’être mauvais ».
Tout le traité est plein de cette sorte de traits, au milieu de graves réflexions. Calvin ne voulait pas tourner religion et croyants en ridicule, comme Voltaire mais appeler à une foi intelligente. Oui, nous aimons cultiver l’humour dans l’Église réformée, et le trouver chez nos prédicateurs. Il n’est pas sûr que Calvin en ait eu beaucoup. Mais supporterions-nous une parole aussi libre, précise et exigeante que la sienne. dans nos Églises, aujourd’hui ?
Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur
Presse réformée du Sud janvier 2009