#COP21: Études sur le terrain - Interview de Baptiste Mabboux
Interview de Baptiste Mabboux
Chargé de mission A Rocha
Arles
recueillie par ENroute
A Rocha France suit depuis treize ans le rollier d’Europe (Coracias garrulus) dans la vallée des Baux comme dans les Alpilles grâce à l’intervention du programme LIFE. Baptiste Mabboux chargé d’étude du LIFE relève des données précieuses pour la communauté scientifique concernant cette espèce. Il nous reçoit au Centre des Tournades (Arles).
A Rocha a publié sur YouTube un clip informatif dès 2010 concernant cette étude du Rollier d’Europe
ENroute (ER): Vous travaillez au respect de la biodiversité. Est-elle en péril, cette biodiversité, comme on le dit, comme les films catastrophismes ou Nicolas Hulot n’ont pas cessé de le dire ?
Baptiste Mabboux (BM): C’est vrai qu’elle est en péril au niveau global, au niveau mondial, et même au niveau français, - alors on peut toujours trouver pire ailleurs, c’est vrai que par rapport au mode d’agriculture, au mode d’expansion des villes, plein de facteurs qui touchent tout le monde, que l’on s’intéresse ou non à l’environnement. C’est pour cette raison que nous essayons de travailler avec les acteurs locaux, les agriculteurs, avec les personnes qui sont présentes sur le terrain et qui peuvent agir concrètement tout en continuant à travailler, à vivre de leurs métiers, de leurs terres tout en conservant cette biodiversité, ce qui peut leur apporter plus de rendement et leur permettre d’utiliser moins de produits : les deux sont compatibles, l’écologie et l’agriculture.
ER: Et vous êtes entendus ?
BM: Plutôt ! Je travaille surtout dans le cadre du Parc régional des Alpilles. Il faut savoir que dans ce Parc 80 % des viticulteurs sont dans le bio et ce n’est pas le cas partout ailleurs en France. Du coup, c’est plutôt une chance pour nous. Pour les actions que nous menons sur le rollier, ce sont eux qui nous ont contactés : ils sont demandeurs, il faut savoir se mettre à leur place, savoir de quoi ils ont besoin… pour vivre. Mais ça se passe plutôt bien ! Je suis étonné ! J’ai du plaisir à travailler avec eux.
ER: Autrement dit, depuis que ce travail scientifique est mené en concert avec les acteurs locaux, les paysans, les agriculteurs, vous constatez des améliorations dans le sort réservé au rollier ?
BM: Dans le sort réservé au rollier ? Après, c’est du très long terme. Par exemple, on est en train de voir à planter ou à restaurer des haies, des linéaires de haies entre les vignes, entre les cultures dans les exploitations agricoles, mais ce sont des choses qui porteront des fruits dans 20/30/40 ans peut-être. On voit dans l’idée que, si elles sont bien maintenues, ça portera son fruit dans quelques années. Ce sera toujours ça ! Mais ce qu’on fait plus concrètement, ce sont les nichoirs. À partir de ce printemps, je vais faire le suivi de ces nichoirs pour voir combien sont occupés par le rollier, et voir justement si cela a permis à de nouveaux couples de ces oiseaux de s’installer.
ER: C’est une manière de prolonger votre foi chrétienne, travailler sur le terrain pour le respect de la création, pour le développement de cette espèce par exemple ?
BM: C’est vrai, pour moi c’est important, on peut se poser un tas de questions sur ce qu’on peut faire au quotidien pour être plus écolo et plus crédible. Nous, ce que nous faisons, correspond à ce que j’aime, ce que j’ai étudié depuis mon enfance. C’est intéressant de travailler localement, de travailler à l’endroit où l’on est, avec ce que l’on a sous la main, avec les espèces qu’on y trouve ; ça peut paraître rien du tout, à l’échelle globale, mais si à chaque endroit il y a des associations, diverses structures qui agissent, cela va permettre de faire de grandes choses. Pour moi, c’est quelque chose de très important…
ER: C’est une source d’émerveillement,… d’adoration … bien sûr pas par rapport à la création, mais par rapport à l’auteur ? Vous êtes étonnés chaque jour ?
BM: Je travaillais dans le passé sur les insectes, en particuliers sur les abeilles, ce sont des choses qui m’émerveillent chaque jour ; je ne m’en lasse pas en tout cas.
ER: Que diriez-vous à la jeune génération qui est encore au stade des études et qui cherche encore sa voie ? C’est une piste d’avenir, l’écologie, l’environnement ?
BM: L’écologie est une piste d’avenir. Après, si on est passionné et qu’on veut travailler dans ce domaine, on y arrivera, mais ce ne sera pas toujours facile, c’est un tout petit milieu, il n’y a pas beaucoup de postes et les financements ne sont pas forcément prévus à la hausse dans ce domaine, parce qu’il y a d’autres priorités…
La Vallée des Baux
La vallée des Baux est le lieu où A Rocha mène des actions et des recherches privilégiées sur le rollier, un oiseau magnifique. A Rocha cherche à voir où nichent les rolliers et comment ils vivent. Ce sont autant de bio-indicateurs permettant à l’association de développer des actions de conservation et de sensibilisation auprès des propriétaires, des agriculteurs et autres acteurs locaux pour une véritable gestion écologique et le développement durable du territoire de la vallée.
ER: Mais A Rocha peut être un tremplin pour ce type de service ?
BM: Ça peut être un tremplin ; moi, j’ai commencé à A Rocha comme stagiaire, - j’y suis revenu à plusieurs reprises pour des stages -, je suis aussi allé faire un stage à A Rocha Canada à Vancouver, j’ai aussi visité des actions de A Rocha en Nouvelle Zélande, c’est un bon réseau pour voir ce qui peut se faire dans le domaine de l’écologie.
ER: Ça vous a ouvert l’horizon ?
BM: Exactement. Puis donné des contacts dans d’autres pays pour savoir ce qui se passe ailleurs.
ER: Alors vous qui êtes activistes sur le terrain, je ne sais pas si le mot est approprié,
BM: je préfère écologues…
ER: Quelle est votre réaction par rapport à la COP21 ?
BM: C’est très bien qu’ils aient pu signer quelque chose et se mettre d’accord, mais maintenant il faut voir dans la durée si ça va changer les choses.
ER: Vous êtes un peu sceptique ?
BM: Ah je ne vais pas dire sceptique tout de suite ! Je veux voir, Voilà !C’est très bien que la COP21 ait eu lieu !
ER: Et puis, ce n’est pas l’histoire du rollier, mais celle du colibri : chacun peut faire sa part ?!
BM: C’est vrai que si déjà chacun, sans forcément travailler dans l’environnement, et sans faire partie d’une association de protection de l’environnement, chacun peut déjà faire sa part chez soi en économisant le maximum d’énergie, en triant les déchets, des petites choses toutes bêtes qui peuvent porter leur fruit, si tout le monde le fait de manière globale.
ER: Aujourd’hui ou demain ?
BM: Il faut commencer aujourd’hui.
ER: Et si demain, c’est la fin du monde, vous diriez quoi ? Vous diriez comme Martin Luther : il faut planter son pommier, s’occuper des rolliers ?
BM: Si c’est la fin du monde, je ne serai plus là, ceux qui resteront…
ER: Aujourd’hui, on ne parle pas de demain. Si demain, c’est la fin du monde, aujourd’hui, vous continueriez votre mission… ?
BM: Moi, je continue ma mission, parce qu’on ne sait pas quand ça va arriver justement… Nul ne sait le jour ni l’heure…. Du coup, je continuerai ma mission, si Dieu le permet…
ER: avec en rêve la nouvelle terre et les nouveaux cieux, les nouveaux rolliers ?
BM: À mon avis, ce sera aussi sympa là-haut !
ER: Merci.