Échos du Festival de Cannes 2016
« Un autre monde est nécessaire »
Pasteure Denyse Muller, Vice-présidente d’INTERFILM
« Il est urgent de dire qu’un autre monde est non seulement possible mais qu’il est nécessaire » Parole de Ken Loach recevant la Palme d’Or lors de la remise des prix du 69e Festival de Cannes. En cinéphile avertie, la pasteure Denyse Muller, Vice-présidente d’Interfilm, passe en revue les films qui ont marqué l’édition 2016 du Festival de Cannes.
Un autre monde est nécessaire
Un mois de mai assez frais, une sélection officielle de qualité qui nous a offert de très beaux moments de cinéma.
Cette année, 21 films en compétition officielle nous plongent dans notre monde actuel vu par des cinéastes renommés ou inconnus et tout au long de ces histoires deux sortes de films émergent :
- - Des films à caractère social qui parlent de la société d’hier et d’aujourd’hui avec ses dérives, ses excès, son évolution, son avenir…
- - Des films plus intimes qui parlent de famille, de silences, de secrets…
Des thèmes apparaissent : le rejet des minorités, la solitude, la culpabilité et aussi la tendresse, la solidarité.
Tous ces films nous interpellent : Un autre monde est nécessaire !
Des films à caractère social
Ken Loach
« Le monde se trouve dans une situation dangereuse. Nous sommes au bord d'un projet d'austérité, qui est conduit par des idées que nous appelons néo-libérales qui risquent de nous mener à la catastrophe. Ces pratiques ont entraîné dans la misère des millions de personnes, de la Grèce au Portugal, avec une petite minorité qui s'enrichit de manière honteuse. Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l'une d'entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j'espère que cette tradition va se maintiendra.
Nous approchons de périodes de désespoir, dont l'extrême-droite peut profiter. Certains d'entre nous sont assez âgés pour se rappeler de ce que ça a pu donner. Donc nous devons dire qu'autre chose est possible. Un autre monde est possible et nécessaire. »
- Ken Loach, bien sûr, pour son film « Moi, Daniel Blake » (Royaume-Uni), Mention spéciale du Jury œcuménique et Palme d’or du grand Jury ! Ken Loach, infatigable défenseur des droits des petits, des plus fragiles. Sa colère est intacte, sa capacité d’indignation aussi, alors il filme avec rigueur, avec énergie, avec compassion, avec humour aussi ces laissés pour compte, ces rejetés, ces oubliés de la société qui luttent pour leur survie et leur dignité : pas d’effets spéciaux, pas de grands mouvements de la caméra, jamais de misérabilisme ou de pathos. Ken Loach trouve le ton juste, presque documentaire. Il envoie un message fort qui remue les consciences, qui a fait pleurer les festivaliers, parce que ce film nous touche au coeur. De plus une interprétation remarquable.
Du grand Ken Loach, du grand Ken Loach !!!
- Loving de Jeff Nichols (Etats-Unis) Une histoire vraie, celle de Mildred et Richard Loving qui s’aiment et se marient à Washington. Mais voilà, elle est noire, il est blanc et en Virginie leur amour puni par la loi. C’est la prison – ou l’interdiction de venir en Virginie durant 25 ans. On suit de 1958 à 1967 leur cheminement, leur combat, leurs hésitations, leur souffrance, leurs espoirs jusqu’à la décision de la Cour suprême qui rétablit leurs droits civiques et leur permet de s’aimer au grand jour.
Un film utile, simple, sobre, intense qui dégage une très forte émotion et nous dit que l’amour est plus fort que la haine.
Ce film m’a particulièrement touchée parce qu’en 1972 j’étais pasteure aux États-Unis dans l’État de Virginie (United Church of Christ) et tous les arguments racistes de ce film je les ai entendus de mes paroissiens tant de fois. Les lois changent plus vite que les mentalités !
- American Honey de Andrea Arnold (Royaume Uni), Mention spéciale du Jury œcuménique. L’Amérique aujourd’hui avec une adolescente, Star, qui rejoint une bande de jeunes paumés en rupture de foyer, comme elle, pour un boulot sans avenir. Le film oscille entre road-movie, comédie musicale karaoké et récit d’apprentissage. C’est une Amérique à la dérive, une forme très violente de capitalisme dévoyé, une critique sociale féroce. Star et son compagnon rêvent mais quel espoir, quel avenir ?
- Ma Rosa de Brillante Mendoza (Philippines) qui nous plonge dans les quartiers pauvres de Manille avec sa violence, ses drogues, ses corruptions, ses solidarités… Un film fort – on n’en sort pas indemnes!
- Baccalauréat de Christian Mungiu. La Roumanie aujourd’hui : une radiographie humaine, sociale et politique. Le bien et le mal se mélangent et donnent une vision pessimiste de l’avenir. Un film attachant, réaliste.
B. Des films plus intimes … Ah ! La famille
- Juste la fin du monde de Xavier Dolan (Canada), Prix du Jury œcuménique. Xavier Dolan ne laisse pas indifférent. On aime ou on déteste. Il a séduit le grand Jury et le Jury œcuménique par un film décapant, dérangeant et impressionnant porté par une galerie de vedettes françaises.
Un huis clos familial, étouffant, grotesque et désespéré. Tout y est poussé à l’extrême : la situation, les confrontations, le jeu des acteurs, le langage explosif et vociféré. Chacun, incapable de communiquer autrement que par l’invective vulgaire ou l’insulte reste avec sa solitude, son secret, sa rancœur. Quelle famille !!! Pourtant, au détour des fréquents gros plans de visages, on distingue parfois dans un regard ou un sourire un peu de tendresse et de rêverie…
Xavier Dolan a 27 ans. C’est un surdoué. Il présente son 6e film qui s’adresse surtout, vous l’aurez compris, à des cinéphiles très cinéphiles !
- Julietta de Pedro Almodovar. Le réalisateur a abandonné provocation et exubérance pour un film subtil et maîtrisé. Culpabilité d’une mère, silences, non-dits, lettre de confession et le fil se dénoue aux allures d’un thriller psychologique, avec des allers-retours entre le présent et le passé avec des thèmes chers à ce réalisateur : la culpabilité, la responsabilité, les secrets de famille, le deuil, l’identité…
- La fille inconnue des Frères Dardenne (Belgique). Une jeune femme médecin pétrie de culpabilité après un décès à sa porte, prend tous les risques pour redonner un nom et une dignité à la défunte. Sous forme d’enquête policière, ce film classique est sombre et touchant.
Tous ces films nous interpellent avec violence ou douceur sur notre monde hier, aujourd’hui et demain. Mel Gibson disait en recevant un prix à Cannes « le cinéma apporte du rêve mais a aussi une mission de protestation ».
Un autre monde est-il possible ?
Rêves, protestations, monde plus humain, plus solidaire, quel beau programme pour les prochains festivals ! Et les prochaines élections !
www.inter-film.org www.juryoecumenique.org
Un Autre Monde Est Possible - Sinsemilia
Tu peux fortifier tes frontières
Dresser des miradors
Entre toi et la misère
Pour protéger tes trésors
Que penses-tu régler ?
Qui crois-tu stopper ?
Un homme affamé est un homme en colère
Regarde le flot incessant se jeter à la mer
Que ferais tu à leur place ?
Que veux-tu qu`ils fassent ?
Que ces gens baissent la tête en attendant que ça passe
Non ces hommes ont des droits
Celui de vivre et de nourrir leurs gosses
Tu sais ce genre de droits
Que méprise la négoce
Quand une poignée de sangsues
se partage les richesses du monde
Les richesses de tout le monde
Ça parie ça spécule ça partage les profits
Et jamais ne recule à sacrifier des vies
Pourtant il y a tout ici
Tout pour que tous soient nourris
Oui il y a tout ici
Pour qu’à tous un avenir sourie
Un autre monde est possible
Les peuples du monde ne veulent plus mendier
Ne plus mendier leur dignité
Ne plus mendier leur liberté
Non les peuples du monde ne veulent plus mendier
Ce qui leur appartient et qui chaque jour leur est volé
Tant de richesses, si peu de bénéficiaires
A croire que la misère serait héréditaire
Ceux qui souffrent aujourd'hui ont vu souffrir leurs pères
Les mêmes rêves se brisent sur les mêmes barrières
Pourtant quand l'homme veut l'homme peut
Alors ensemble changeons les règles du jeu
Un autre monde est possible
Chaque vie humaine a une valeur
La même valeur
Sans distinction de sexe ou de couleur
Quand cesserons-nous d'être charitables ?
Pour enfin devenir raisonnables
En choisissant le seul chemin viable
Le partage véritable…
Un autre monde est possible
En savoir plus sur http://www.paroles.net/sinsemilia/paroles-un-autre-monde-est-possible#f8hSI0BYWPiWkS5c.99