In memoriam

In Memoriam - Évêque Franz W. Schäfer (1921-2016) - Un bâtisseur de passerelles entre plusieurs mondes



Évêque Patrick Streiff, Conférence centrale de l'Europe du Centre et du Sud

À la date du 14 juillet 2016, l’évêque Franz W. Schäfer, doyen des évêques méthodistes est décédé dans sa 97e année. L’évêque Patrick Streiff, à la tête de la Conférence centrale de l’Europe du Centre et du Sud, rappelle son parcours et lui rend hommage.

Enfance

Dans son enfance, personne ne devinait ce qu’il adviendrait un jour de Franz Werner Schäfer né le 10 mars 1921 près de Bâle. Il a grandi dans un milieu ouvrier ; ses parents se mobilisaient en faveur de personnes en difficulté et d’un monde plus juste. Mais du côté paternel, la famille gardait une certaine distance vis-à-vis de l'Église. À ses douze ans seulement, Franz Schaefer a accepté non sans hésitation l'invitation de suivre l'École du dimanche méthodiste à Birsfelden où vivait alors sa famille.

Engagement dans l’église

Franz Schäfer aurait aimé fréquenter le lycée, mais, en raison des difficultés économiques du moment, il a commencé un apprentissage de fourreur à l’âge de quatorze ans. Au cours de ses années de formation, des membres de l'Église méthodiste l'ont encouragé à devenir enseignant ou pasteur.

C’est ainsi que Franz Schäfer a entamé en 1939 une année de stage au sein de l'Église méthodiste de Bülach. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, il n’a pas pu étudier au Séminaire théologique du méthodisme germanophone en Allemagne. Aussi a-t-il effectué ses études théologiques de 1940 à 1945 au Séminaire de la Mission de Bâle.

Ses études ont été suivies par de courtes périodes de service à Berne, Signau-Grosshöchstetten et Baden, ainsi que par son ordination comme diacre (1947) et comme ancien (1949) par l'évêque Garber. À Baden, il a épousé sa première femme, Lydia, qui décédera malheureusement l'année suivante. En 1951, il sera affecté au district germanophone de Lausanne qui connaîtra un nouvel élan durant son mandat là-bas. Il épousera sa seconde femme Heidi, et durant les années intenses, mais heureuses qui suivront, le couple aura la bénédiction de mettre au monde cinq enfants. Heidi Schäfer décédera en 1987.

Aux responsabilités

En 1959, l’évêque Ferdinand Sigg nommera Franz Schäfer surintendant de l'Église méthodiste en Suisse. Au décès accidentel de l’évêque en 1965, il a fallu élire un nouvel évêque ; le choix est tombé le 2 septembre 1966 à Lausanne (Suisse) sur Franz Schäfer, initialement pour une durée de six ans. C’est aussi à cette même époque que se profilait déjà l’union entre l'Église méthodiste et l’Église évangélique (Evangelische Gemeinschaft / the Evangelical United Brethren Church) pour former l'Église méthodiste unie (The United Methodist Church) actuelle.

Au niveau du diocèse épiscopal d’une grande étendue, l’unification a eu de fortes répercussions sur la Suisse et la France. Franz Schäfer se vit d'abord comme «évêque de transition» dans le cadre du regroupement des deux Églises. Mais il a réussi à renforcer la confiance auprès des représentants de l’Église évangélique (The Evangelical United Brethren Church/die evangelische Gemeinschaft) plus faible numériquement dans le processus d’unification de l’Église méthodiste unie. En 1973, il a été réélu évêque à vie.

À l’Est comme à l’Ouest

Le diocèse épiscopal de l'Europe du Centre et du Sud est composé depuis 1954 de pays très différents : quatre se situent en Europe occidentale, deux en Afrique du Nord et cinq en Europe centrale orientale communiste. Au cours de son ministère, l’évêque Franz Schäfer a été un passeur de frontières entre différents systèmes sociaux et idéologiques. Sa charge épiscopale impliquait un grand nombre de voyages. Il lui a été souvent difficile de se déplacer dans les pays d'Afrique du Nord ou dans le «bloc de l’Est » communiste, quand il n’a pas essuyé d’interdiction (d’entrée dans le territoire) parfois. Mais partout où il a été autorisé à voyager, il a eu pour souci majeur de ne pas voir les structures, les systèmes ou les idéologies, mais les gens. Il est allé à la rencontre de ces gens avec authenticité, respect et estime, de ce fait, on l’a traité comme un interlocuteur crédible et digne de confiance, malgré les nombreuses différences linguistiques, sociales, idéologiques et religieuses.

Jeteur de ponts

En homme intègre, il a instauré durablement des relations de confiance. En homme dont les paroles et les actions étaient fondées sur une base stable, il a jeté des ponts qui se sont avérés solides et pérennes. En pasteur et évêque profondément attaché au Christ et à son Évangile, il a œuvré à l’édification de l'Église. Pour ces raisons, il a été apprécié et respecté. Dès avant la fin du communisme, en 1985, il a reçu de la part de la Faculté Comenius de l'Université de Prague (République tchèque) un doctorat « honoris causa » en théologie.

Rassembleur

Au cours de ses 23 années de ministère actif, l’évêque Franz Schäfer s’est engagé également dans la coopération entre les différentes Églises méthodistes et dans le mouvement œcuménique.

Il a encouragé la coopération aussi bien entre responsables de départements missionnaires qu’entre dirigeants d’Églises méthodistes en Europe.

À l'échelle mondiale, il a occupé plusieurs postes au sein du Conseil méthodiste mondial (CMM). Au niveau des relations interéglises en Suisse, il a été actif au sein de la Fédération des Églises protestante de suisse (FEPS), et a participé à la formation de la Communauté de travail des Églises chrétiennes en Suisse.

Il a encouragé la participation accrue de Méthodistes laïcs à la Conférence des Églises européennes (CEC/KEK). Il a défendu le travail du Conseil œcuménique des Églises (COE), quand son programme de lutte contre le racisme a fait l’objet de critiques. Franz Schäfer considérait ses activités extérieures à sa propre Église comme l’occasion de représenter honnêtement sa propre Église.

L’évêque Franz Schäfer a pris sa retraite au printemps 1989, peu de temps avant le changement politique en Europe et remis la responsabilité de la Conférence centrale de l'Europe du Centre et du Centre, - région ô combien diversifiée et difficile -, à l'évêque nouvellement élu, Heinrich Bolleter. Mais il est resté connecté dans son cœur et dans son esprit à la ‘famille' méthodiste transfrontalière.

Même dans la vieillesse, avec une mobilité physique toujours plus réduite, il a pris part avec intérêt et attention à l’évolution de son Église comme évêque le plus âgé de l’Église méthodiste unie (The United Methodist Church).

Il a continué à rencontrer des gens avec la bonté et la gentillesse qui le caractérisaient.

Il a ainsi influencé d'innombrables personnes vivant dans des situations et des pays complètement différents, jeté des ponts entre eux, et transformé un petit bout du monde.

À la date du 14 juillet 2016, l’évêque Franz Schäfer a été paisiblement rappelé à Dieu en son 97e année entouré de sa famille. Un culte d'action de grâces en mémoire de l’évêque Franz Schäfer a eu lieu le 8 août 2016 à 14 h 00 à la Fraumünster à Zurich.

Traduction eemni