"Heureux les doux" par Christophe Bruzi - responsable du Groupe Travail Jeunesse
Ces derniers mois, j’ai eu le déplaisir de regarder plusieurs reportages télévisés, très alarmants, dont je vous résume le propos : figurez-vous que la « droite chrétienne américaine » ferait pression avec un certain succès pour substituer dans les programmes scolaires une théorie d’inspiration créationniste, celle du « dessein intelligent », à la théorie darwinienne de l’évolution.
Scandale : en pensée journalistique commune, la théorie de Darwin c’est de la science, c’est-à-dire absolument vrai, et le créationnisme procède de la religion qui n’est qu’un archaïsme. Comment accepter alors que la seconde puisse s’imposer à la première ? Il se crée donc un front d’opposants à une telle ingérence dans les questions scientifiques… Mais au fait, si j’ai bien compris, la « droite chrétienne américaine » c’est un lobby d’évangéliques américains actifs en politique dans le courant conservateur. On serait bien en mal de transposer de telles positions dans notre beau pays, mais pour beaucoup, les évangéliques, rebaptisés évangélistes, sont une émanation des États-Unis : vous et moi, nous sommes donc supposés a priori être du même avis qu’eux.
Ce qui a retenu mon attention, plus que le contenu de la théorie, c’est la manière dont, comme disciples du Christ, nous choisissons de propager nos idées : établir un rapport de force est sans doute le moyen le plus naturel de régler un différend. Celui qui décide, décide parce que c’est lui le chef, parce qu’il parle le plus fort, parce qu’il a la majorité avec lui ou tout simplement parce que personne ne peut l’en empêcher. Et comme chrétiens, nous avons, je crois, le devoir de proposer nos positions morales ou notre vision de la vérité en alternative à celles du monde environnant : mais ni la rectitude morale ni même la connaissance de la vérité ne sauvent. Et j’ai souvent peur qu’en cherchant à imposer ces dernières ou, pour prendre un exemple, en voulant faire interdire des films parce qu’ils calomnient notre Seigneur, nous n’endurcissions les cœurs. Nous voulons imposer aux autres des contraintes au nom de valeurs qu’ils ne partagent pas, ce qui nous rend incapables de leur faire entendre l’Évangile.
Imitons le Christ en choisissant la voie de l’humilité et du sacrifice pour accomplir son enseignement.
Quand le Christ est entré à Jérusalem, beaucoup l’acclamaient comme le Messie qui pourrait par la force les libérer de l’occupant : c’était notre façon de faire. Pour veiller et prier avec lui sur le Mont des Oliviers, personne n’a répondu présent : c’était sa façon de faire. Pour tirer l’épée quand on l’a arrêté, il s’est trouvé un homme courageux. Mais pour rester à ses côtés quand il s’est livré, il n’y avait plus personne.
Le Fils est exemplaire, dans le sens qu’il a abandonné sa gloire et sa puissance en s’abaissant pour nous secourir, quitte à endurer que nous l’humilions et le rabaissions plus encore. Alors, peut-être, est-on en droit de nous reprocher de ne pas être d‘excellents imitateurs du Christ, quand nous choisissons la voie du rapport de force pour imposer son enseignement, plutôt que celle de l’humilité et du sacrifice pour accomplir cet enseignement.
Illustration © Etienne Koning