LA SAGESSE AU RENDEZ-VOUS
Christian Eichelberger
Réponse à mes questionnements ?
Comment échapper à l’insipide et renouer avec le sens ? Retour sur un week-end où l’enseignement de l’Ecclésiaste était remis à l’honneur.
C’est décidé, je m’inscris au week-end à Landersen les 26 et 27 septembre 2009 sur le thème « L’Ecclésiaste, un prophète pour notre temps ». L’orateur est Yves Garet.
Le thème me plaît et s’inscrit un peu dans ce que je vis actuellement. Je pense et je crois que le livre de l’Ecclésiaste va répondre indirectement à certains de mes questionnements, car je le sens proche, familier : il me ressemble.
La route est belle, il fait magnifiquement beau. Le même soleil, chaud pour tous.
En route, j’avale une tarte flambée dans une petite auberge et je rejoins le centre de vacances.
Il est 16 h 00 et la conférence commence. Le ton est rapidement donné : une saynète jouée naturellement mais répétée, nous dépeint comment la vie peut être vécue. Tour à tour, nous entendons l’esprit défaitiste, résigné ou désespéré d’un homme ou bien celui d’un esprit sûr possédant les réponses, les ayant toutes trouvées.
Puis viennent les paroles de l’Ecclésiaste, simplement. Notre choix est fait, nous sommes de tout cœur avec la 2e personne ; parce que nous sommes chrétiens et que nous connaissons Dieu.
Dieu suffisant ?
Est-il alors utile de vouloir continuer ? La réponse est donnée : nous avons Dieu ! N’est-il pas plus sage que je profite de ce week-end avec ce temps splendide ! Non ! Cela ne me satisfait pas. Je serais plus enclin à rejoindre cet auteur quand il dit : « Pour être prêt à commencer à espérer en ce qui ne trompe pas, il nous faut d’abord par commencer à désespérer de tout ce qui trompe ». Ou encore cette affirmation de Saint-Augustin : « Tu nous as faits pour quoi ? Et notre cœur est sans repos jusqu’à ce que notre cœur repose en Toi ».
Oui, l’Ecclésiaste a des choses à nous dire…
« Comme tu ne sais pas quel est le chemin du vent, ni comment se forment les os dans le ventre de la femme enceinte, tu ne connais pas non plus l’œuvre de Dieu qui fait tout » (11.5)
Prendre conscience de nos insuffisances
Le livre de l’Ecclésiaste est un livre difficile qui nous remet en cause.
Il commence par un constat : à savoir que la vanité est cadrée sous le soleil. La vanité, c’est une légèreté, une inconsistance, une vapeur de la buée, de la vapeur. Rien n’est digne de confiance, rien n’a de poids.
Es 40.15 « Voici, les nations sont comme une goutte d’un seau, Elles sont comme de la poussière sur une balance ; Voici, les îles sont comme une fine poussière qui s’envole ».
Ja 4.14 « Vous qui ne savez pas ce qui arrivera demain ! Car, qu’est ce que votre vie ? Vous êtes une vapeur qui paraît pour un peu de temps, et qui ensuite disparaît ».
Da 5.27 « Tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé léger ».
Comment l’Ecclésiaste peut-il être aussi radical dans ses propos : tout ce que l’homme tient pour concret, acquis, n’est que du vent. Il nous dit aussi que ce n’est que de l’illusion : sur soi, sur les autres, sur le monde.
À bas les masques
L’Ecclésiaste nous tend un miroir : pourquoi vouloir plus, savoir plus, maîtriser plus ? Il veut arracher nos masques, dénoncer nos fuites. En quoi l’homme devient plus homme avec tous ses profits, car l’homme est toujours enfermé dans sa condition ; l’homme et son histoire n’y font rien.
L’Ecclésiaste ne proclame-il pas indirectement la réalité de la vie, de la foi et de Dieu ?
Il nous met dans l’impossibilité de nier le besoin. Mais nous sommes mal placés pour reconnaître nos besoins : nous les bricolons. Le monde est inadéquat dans ses réponses.
Tout est vanité. Cela traduit bien un besoin, un manque, un besoin de justice. « Mais sous le soleil, tu ne trouveras pas ». L’Ecclésiaste n’apporte pas quelque chose, il nous dit : « Il te manque quelque chose ». « Est-ce que ta vie est consistante ? »
Avouer ses besoins
L’Ecclésiaste nous délivre de notre implacable volonté de nous auto-satisfaire dans l’illusion, le rêve, le mensonge. Du non-sens énoncé, il suggère le bon sens. Il nous prépare à voir notre besoin. Sans ce besoin, nous sommes amenés à y répondre par nous-mêmes, par nos tentatives de substitutions de la grâce.
La bonne nouvelle : c’est sortir de la vanité. En acceptant de laisser Dieu le faire en nous.
Os 14.8 « Ephraïm, qu’ai-je à faire encore avec les idoles ? Je l’exaucerai, je le regarderai, Je serai pour lui comme un cyprès verdoyant. C’est de moi que tu recevras ton fruit ».
Le Fils ne fait rien de lui-même, comment oserions-nous faire par nous-même ?
S’adresser à qui de droit
L’Ecclésiaste : Y a-t-il une sagesse possible ? En quoi peut-elle s’adresser à nous ? La sagesse ne se trouve pas dans les choses mais nous aide à comprendre les choses (étudier la nature par la sagesse). Nous sommes souvent placés sous des énigmes insolubles. Ce qui est insensé, c’est de prétendre connaître, comprendre : l’homme souffre des limites de sa condition. On est conscient d’exister : la vie nous échappe ; exister et ne pas savoir ce qu’est d’exister.
(10.14) « Et l’insensé multiplie les paroles : l’homme ne sait pas ce qui arrivera ; et ce qui sera après lui, qui le lui déclarera ? »
L’homme comble le vide inquiétant ; il se rassure par des discours. L’homme moderne cherche à se rassurer. « On ne désire pas ce qu’on ne connaît pas ». La réalité et la vérité viennent de Dieu. La vérité empêche la réalité d’être désespérante. Tout est vanité mais tout est don de Dieu.
Même si c’est dérangeant
Le Dieu de l’Ecclésiaste est-il le Dieu de la révélation ? Accueillons le texte de l’Ecclésiaste qui nous dérange et qui nous résiste. Ce texte troublant et déconcertant adressé au peuple de Dieu dans le désir de laisser Dieu souverain agir dans nos vies.
(1.13) « Et j’ai appliqué mon cœur à rechercher et à explorer par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux : c’est une occupation ingrate que Dieu a donnée aux fils des hommes afin qu’ils s’y fatiguent ».
Dieu nous donne comme moyen d’humiliation : la recherche. L’humanité ne peut pas rester dans cette notion de vanité : c’est insupportable. Nous sommes assignés à rechercher à cause du manque. On ne peut s’en défaire et y répondre. Il nous faut considérer un autre désir : le désir d’éternité. Le temps devient un problème quand on veut sortir du temps. Nous voyons tellement peu que nous considérons ce « peu » comme un « tout » : Voilà nos limites et nos frustrations !
« Il y a un temps pour tout » et il faut y entrer.
(2.24) « Il n’y a de bonheur pour l’homme qu’à manger et à boire, et à faire jouir son âme du bien-être, au milieu de son travail ; mais j’ai vu que cela aussi vient de la main de Dieu ». Ceci fait référence à la joie et à la générosité de Dieu. C’est la main de Dieu qui nous donne à jouir du monde à créer. Le signe pur de la bonté de Dieu c’est que depuis le début, tout est don sans condition sans la reconnaissance de ses créatures engluées dans le mal, plongées dans le péché.
Voir la générosité de Dieu dans la frustration, la déception, découvrir en nous cette tendance à rechercher chez les autres ce qui nous manque. Et attendre des autres ce qu’ils ne pourront nous donner. C’est notre relation qui comble ce manque. Discerner dans nos joies, notre bonheur, la générosité de Dieu dans sa grâce. Le vécu humain ne trouve sa satisfaction que dans sa relation verticale. S’approcher de Dieu est différent de ce que nous concevons.
Dangers et abus dans cette relation : L’ecclésiaste n’emploie pas l’expression « Mon Dieu ». Prudence : nous ne possédons pas Dieu. Soyons reconnaissants d’être connus par Dieu que d'’affirmer « connaître Dieu ».
S’approprier Dieu, c’est le réduire à notre image, à nos compréhensions. Trop de familiarité nous fait perdre le respect de Dieu. Nous risquons la distance avec celui à qui on s’adresse.
L’Ecclésiaste nous invite donc à une disposition fondamentale : celle d’écouter et d’avoir une relation. Luc 8.18 nous met en garde dans la manière dont nous avons d’écouter. Devant Dieu, laissons-nous sonder (ce que nous sommes, notre misère). Écoutez, faites silence ! Sinon, vous risquez de faire rentrer Dieu dans la vanité de nos vies.
(12.13) « Écoutons la fin de tout ce qui a été dit : Crains Dieu, et garde ses commandements ; car c’est là le tout de l’homme »
La crainte de Dieu, ce respect dans la permanence, dans la sûreté de Dieu. Cette crainte ouvre à la présence de Dieu. Le Dieu de l’Ecclésiaste qui est aussi le nôtre veut que face à nos abandons, nous soyons convaincus de la réalité de ce monde, nous faire rendre plus merveilleux le salut de Dieu, rendre imaginable son amour, incompréhensible sa grâce pour faire de nous de réels témoins sans illusion. Nous lui témoignerons ainsi notre reconnaissance.
Au terme de cette conférence, je n’ai pas obtenu toutes les réponses à mes questionnements. Mais, était-ce indispensable ? Avec l’Ecclésiaste, mon besoin de Dieu a pu enfanter. C’était le but, Non ?
Je suis reparti en prenant la route des crêtes avec toujours ce même soleil, plus chaud peut-être.
Photo : Statue du Penseur de Rodin, photo de Walké sous Creative Commons
LA VIE DE NOTRE ÉGLISE
WEEK-END INTERÉGLISES À LANDERSEN