"PROTESTANTS EN ALGÉRIE"
DE Zohra Ait Abdemalek
Recension du pasteur Paul Brès
Comme ancien missionnaire en Algérie, le pasteur Paul Brès est un témoin de choix pour nous parler de l'ouvrage de Zohra Ait Abdemalek. Ces pages revêtent d'autant plus d'importance que nous savons prospère la cause de l'Evangile dans la patrie de Saint Augustin. Cette recension vous donnera envie de lire le livre à coup sûr.
Le livre de Zohra Ait Abdemalek « Protestants en Algérie », nous interpelle tout d'abord par la personnalité de l'auteur. Zohra est une femme kabyle, convertie à l'âge de 17 ans, après une période terrible de doutes et de déchirements. Elle a dû quitter l'Algérie avec son mari et ses enfants à la suite de menaces cruelles. Professeur de biologie, elle a suivi à Montpellier les cours de la Faculté de théologie, et c'est son mémoire de maîtrise en théologie, jugée remarquable, qui a été publié. Elle est actuellement pasteure proposante en poste à la paroisse de Cèze-Auzenet (Gard).
Le livre ne parle pas seulement des missions en Algérie, mais des églises protestantes et de leur activité missionnaire. Comme le dit le professeur Jean-François Zorn dans sa préface : « le grand intérêt de ce livre est d'avoir replacé l'histoire de la mission protestante en Algérie dans l'histoire en général aux XIXe siècle et au XXe siècle ». Le témoignage chrétien en Algérie a été rendu extrêmement difficile par la décision de la France d'interdire toute oeuvre missionnaire en Algérie et par la résistance extraordinaire de l'islam à toute tentative de conversion. Les premiers missionnaires destinés à l'Algérie, Eugène Casalis et Thomas Arbousset, n'ont pu s'installer en Algérie vers 1840 et sont devenus les grands missionnaires du Lesotho. Dès lors la SMEP, Société des Missions Evangéliques de Paris, a renoncé à toute mission en Algérie. Ce sont donc des missions étrangères, essentiellement britanniques, qui l'ont fait, mais les missionnaires étrangers ont été surveillés de près et souvent considérés par les autorités françaises comme des agents étrangers suspects.
Ces missionnaires ont rencontré plusieurs difficultés : la résistance de l'islam à toute conversion, la grande étendue du pays et les longues distances à parcourir ; les convictions particulières des uns et des autres et leur difficulté à travailler ensemble jusqu'à la constitution tardive du Conseil des Missions qui, sous la présidence d'Alfred Rolland, a tenté de coordonner toute l'action missionnaire.
Le livre présente bien sur les activités nombreuses des uns et des autres. La « Mission Rolland » à Tizi-Ouzou, ouverte par un laïque du pays de Montbéliard, nous intéresse particulièrement par certaines de ses activités : en particulier, l'accueil des femmes kabyles rejetées parce qu'ayant eu un enfant en dehors du mariage et les foyers d'enfants en Kabylie puis en France.
En tant que méthodistes, vous serez particulièrement intéressés par l'oeuvre d'Il-Maten inaugurée dès 1887 par un pasteur méthodiste, Janus Hocart, et poursuivi par Cook, puis par Emile Brès, mon père. L'oeuvre de ce dernier a été remarquable, en particulier lorsqu'il a organisé l'apprentissage de jeunes kabyles, l'oeuvre de tissage des tapis, et la mise au travail des convertis.
Vous serez intéressés aussi par l'oeuvre considérable de l'Eglise Méthodiste Episcopale, en particulier par son oeuvre auprès des enfants : Foyers de garçons et de filles d'Alger, de Fort National, de Constantine et de Tunis. (C'est au Foyer de filles de Constantine que ma femme Adèle Zaïdi a été élevée).
Il ne faut donc pas s'étonner de ce que l'effort missionnaire en Kabylie ait eu des résultats très modestes. Cependant, dans sa conclusion, l'auteur demeure relativement optimiste en ce qui concerne l'évangélisation en Algérie.
« On ne peut parler d'un anéantissement du protestantisme en Algérie ni d'une oeuvre vaine pour les populations musulmanes du pays car, malgré les résultats presque insignifiants au lendemain de l'indépendance, des conversions y sont de plus en plus constatés aujourd'hui, donnant naissance à de nouvelles communautés chrétiennes, lesquelles constituent peu à peu la nouvelle église algérienne. Ne serait-elle pas alors le fruit du labeur de générations de missionnaires ?
« Protestants en Algérie » de Zohra Ait Abdemalek aux Editions Olivétan (19 ¤)