LE MONDE EST MA PAROISSE
L'Église et le moral de ses pasteurs
Une pastorale afro-américaine vient de consacrer plusieurs journées au moral des "troupes pastorales", qui peut affecter le moral des troupes paroissiales. A travers ce rassemblement, 450 pasteurs ont cherché à raviver leur passion de jeunesse pour Dieu et son oeuvre, et à ranimer en eux la puissance, la passion et la faculté de prêcher avec autorité. Ils ont cherché à retrouver leur enthousiasme initial pour le service, conscients que seul cet enthousiasme était en mesure de les soutenir dans les hauts et les bas, les joies et les déceptions qui jalonnent leur ministère.
"La passion est un désir insatiable de servir le peuple de Dieu avec conviction et qualité en vue de la construction du Royaume ", constate le pasteur Carlyle F. STEWART III en charge de l'Église Évangélique Méthodiste (EEM) Hope (Espérance), à Southfield, Michigan. "La passion, c'est la capacité d'aller d'un échec à l'autre, d'un problème à l'autre. C'est la capacité à servir les gens de Dieu le mieux possible en dépit de leur péché."
Mais force est de constater que la déprime guette souvent les ministres de Dieu: à force de porter sur leurs épaules le poids de leurs responsabilités, ils courent le risque de s'épuiser à la tâche et de perdre toute passion pour le ministère. Le phénomène est plus courant qu'on ne le pense.
"Le ministère pastoral est un métier dans lequel l'épuisement et le moral à plat sont aussi communs que l'air que nous respirons ", constate ce même pasteur. "Il est difficile pour certains membres du corps pastoral d'attiser et de garder une passion pour le ministère au point de ressentir un sentiment de plénitude et d'accomplissement au sein des communautés qu'ils servent."
"En raison du caractère sacré du poste que nous occupons et du grand Dieu que nous servons ", les gens attendent des membres du corps pastoral qu'ils soient"imperturbables et restent dignes et courtois même s'ils sont sous pression et malgré les coups et les flèches d'un sort injuste qui peuvent s'abattre sur eux ", a-t-il ajouté.
En réalité, ce sont des hommes comme les autres, aussi les pasteurs buttent-ils inévitablement sur leurs limites. Ils sont le plus souvent des hommes du samedi saint plutôt que des hommes du matin de Pâques, comme le fait remarquer ce même pasteur STEWART : "Samedi, c'est là qu'un trop grand nombre d'entre nous nous situons, dans des étendues à végétation rachitique, des champs en jachère, où nous avons perdu de vue le nouvel horizon, perdu le désir de servir, parce que nous sommes pris dans la grisaille du ministère, dans les " samedis " , les espaces inconnus et précaires du ministère ", synonymes à ses yeux de " passion perdue, de désillusion et de désespoir ". Il notera à juste titre qu'il est "dangereux de rester dans ces "espaces de samedi saint " " et que le plus tôt on en sort, le mieux on se porte, et le mieux aussi le troupeau, dont le berger a la charge, se porte.
Pour la bonne santé du troupeau, il importe donc que le berger soit au meilleur de sa forme : "Dans la mesure où les pasteurs se sentent encouragés, ils sont à même d'encourager les laïcs", explique le pasteur Vance ROSS. Dieu les utilise en effet pour bâtir son Église et être facteur de changement dans la société en les chargeant du ministère de la prédication : " Le but premier de la prédication est de changer les vies et d'amener les gens à changer de direction, à se repentir et à prendre conscience du pouvoir donné par le Saint-Esprit. La prédication, la guérison et la délivrance sont des choses sérieuses ", affirme la femme pasteur Alfreda WIGGINS. "La prédication est la puissance de Dieu pour le salut et si nous prenons cela au sérieux, alors la prédication doit faire plus que simplement réanimer la chorale et de donner bonne conscience aux gens ".
Pour éviter le syndrome de l'épuisement, le pasteur Zan HOLMES ne voit qu'un remède , attiser les flammes de leurs dons pour la prédication et le ministère, développer leur potentiel dans la prédication "prêcher le Christ et sauver des âmes, développer une vie de prière et de piété profondes et encourager d'autres personnes à faire de même, prêcher, enseigner et aider les autres avec passion, puissance et autorité, créer enfin un climat dans lequel une erreur n'est pas fatale, s'associer avec des personnes qui ont grandi dans la joie de l'Esprit et l'amour du Seigneur et transformer la colère et les déceptions en actes de guérison et d'amour ".
Pour illustrer la nécessité d'activer les feux de leur passion pour le ministère, la femme pasteur Benita ROLLINS a utilisé un ballon en guise d'image. Chaque pasteur présent à cette pastorale a reçu un ballon informe et a pu constater à quel point il était plat et sans vie. Puis elle leur a demandé d'insuffler juste un peu d'air dans leur ballon et d'observer ce qui se passait. "Notre ministère a quelquefois l'allure de ce ballon", a-t-elle dit. "Il ne grandit pas et ne provoque pas vraiment de différence dans la vie des gens. Il est en train d'agoniser ou alors tout juste de survivre ". Puis elle leur a demandé de gonfler les ballons. "Comme les ballons, nous devons être assez tendus pour pouvoir introduire l'équilibre et la passion dans nos vies ", a-t-elle expliqué.
Les participants à cette pastorale afro-américaine ont redit leur aspiration à vivre leur ministère avec passion : "Nous avons faim de signes de vie, de renouveau, de reconstruction et de révolution ". Ils cherchent "des lieux d'espoir, une résurrection de l'esprit qui nous redonne vie et vigueur, ainsi qu'aux paroisses et aux personnes que nous servons ". Ils ont appelé sur eux "une nouvelle effusion du Saint-Esprit et une régénération de leur être", qui leur fasse redécouvrir comme au premier jour " a passion par l'espérance, les promesses de Dieu et une vision réaliste pour le peuple de Dieu ".
La femme pasteur Lillian SMITH témoigne du fait qu'ils ont vu lors de cette rencontre "la puissance du Saint-Esprit au milieu de [leur] assemblée ; c'était rafraîchissant de voir agir Dieu d'une manière si puissante. C'était surnaturel. "
Puissent tous les pasteurs de la terre, de France et de Navarre être gagnés par cette passion pour le saint ministère et la garder chevillée au coeur et au corps toujours et encore jusqu'à leur dernier souffle pour la seule gloire du Christ et l'édification de son corps!
Jean-Philippe WAECHTER
Au-delà de nos frontières
AU CAMBODGE : les multiples visages de l'Église ...
Au cours de la mission d'enseignement et de visites du 5 au 22 février 2001 (avec Kean UNG et Patrick STREIFF) trois visages d'une jeune Église m'ont particulièrement impressionnés :
Vendredi soir:
Après deux semaines d'enseignement intensif regroupant 150 responsables et collaborateurs(trices) d'Églises Méthodistes, c'est le culte de clôture, avec sainte cène.
Quelle joie et quelle ferveur s'expriment pendant le temps de louange, au moyen des merveilleux chants cambodgiens, de composition souvent très récente!
Avant de repartir dans leurs villages et de retrouver toutes les difficultés d'une minorité noyée dans la masse bouddhiste, le moment de la sainte cène est vécu de façon particulièrement intense : nombreux sont ceux et celles qui pleurent en se remémorant les souffrances et la mort de Jésus pour le pardon de nos fautes.
Pleurs de joie aussi devant l'offre de ce pardon et de cette communion accordés sans réserve par le Christ ressuscité, qui envoie et qui promet sa présence quotidienne "jusqu'à la fin du monde " .
Dimanche matin :
60 km de route normale suivis de 30 km de piste assez pénible et nous voici au village d'Okorky où nous sommes invités au culte. Où est l'Église ? Inutile de chercher un bâtiment spécial, il n'y en a pas. La réunion a lieu à l'ombre d'un arbre, dans la cour d'une des maisons sur pilotis de ce village. Tout le monde s'assied par terre, en tailleur, sur des nattes : une cinquantaine de femmes, d'hommes, d'enfants et de vieillards groupés en cercle. Au centre du cercle : 3 Bibles et 2 cantiques, le seul " matériel " appartenant à l'Église. Cela n'empêche pas l'assemblée de chanter de tout coeur.
Un groupe d'enfants et un groupe de jeunes présentent avec joie des chants avec les gestes que leur ont enseignés des moniteurs venus d'une Église voisine. Deux jeunes filles chantent de façon touchante un chant composé par leur maman, qui raconte comment Dieu l'avait sauvée au temps des Khmers Rouges et comment elle avait accepté de suivre Jésus-Christ.
Toute l'assemblée écoute le message avec grande attention, même lorsqu'une vache trop curieuse entre dans la cour et s'approche du cercle! Elle est conduite vers la sortie avec douceur.
Il s'agit vraiment d'un culte "ouvert" : des passants s'arrêtent, écoutent à la clôture, d'autres rentrent et restent debout ou viennent s'asseoir ...
Merci Seigneur pour ces moments de communion fraternelle vécus dans la plus grande simplicité dans l' " Église " d'Okorky !
Dimanche après-midi :
Nous participons au culte de l'Église Méthodiste de Takhmao, dans la grande banlieue de la capitale Phnom-Penh. Il s'agit d'une communauté qui a déjà plusieurs années d'ancienneté et qui se réunit dans un bâtiment d'Église en bois : une construction simple et belle dans le style des maisons du voisinage. Comme la plupart de ces maisons, elle est sur pilotis, mais - particularité intéressante - sous et autour de l'Église un étang de pisciculture a été aménagé. La vente des poissons apporte ainsi quelques ressources à l'Église.
Le culte est bien structuré, une quarantaine d'adultes et beaucoup d'enfants et de jeunes y participent. Une chorale d'enfants en uniformes confectionnés par le pasteur, Mme HUY LEANG HENG, entraîne l'assemblée dans la louange.
Au moment de l'offrande, les fidèles s'avancent en chantant pour déposer leur don sur l'autel.
Après le culte, les hommes d'une part et les femmes d'autre part, se réunissent en cercles pour discuter du message qu'ils viennent d'entendre, cela se fait ici tous les dimanches.
Mme H. L. H. fait aussi une collecte spéciale pour une famille avec 5 enfants dont la maison s'est effondrée par suite des inondations.
La paroisse compte une école du dimanche, un groupe de jeunes et un groupe de femmes avec enseignement de couture.
Mme H. L. H. s'occupe aussi de plusieurs orphelins.
Nous partons avec l'impression d'avoir vu une Église arrivée à une certaine maturité, qui a une vie communautaire et qui mérite pleinement le nom d'Église.
Lundi après-midi :
Le pasteur TAVEE (de l'Association " Atitan ") qui dirige ce projet avec le soutien du pasteur Kean UNG, nous emmène dans une banlieue marécageuse de Phnom-Penh. Plusieurs familles (souvent des veuves ou des femmes atteintes du sida, avec des enfants) y vivent dans des maisons pauvres, sur pilotis. Une communauté chrétienne y a été créée il y a 2 ans par le pasteur TAVEE.
Nous rencontrons les gens de cette communauté en train de travailler avec ardeur, femmes, enfants et hommes à la finition de leur Église, sous la direction d'un maçon : un bâtiment en parpaings de ciment avec un bon toit en tôle ondulée, simple mais solide et bien conçu. Grâce au travail volontaire des membres de la communauté, le prix de cette construction ne dépassera pas 2 000 US $. Les gens travaillent avec joie : on sent que ce sera vraiment " leur " Église.
Le responsable de la communauté nous montre aussi les champs de légumes, l'élevage de canards et de porcs (lancés avec l'aide d' " Atitan ") et qui permettent déjà aux membres d'avoir des revenus en vendant les fruits de leur travail. Un étang de pisciculture sera encore ajouté.
Un soutien financier de l'extérieur sera accordé pendant 5 ans, après quoi la communauté devrait fonctionner de façon indépendante et trouver la rémunération de son responsable.
C'est un bel exemple de solidarité fraternelle et d'engagement de tous, prenant en compte les besoins d'aide spirituelle et matérielle d'une Église naissante parmi les plus pauvres des habitants du pays.
Daniel HUSSER