" Je partirai pour l'Espagne " (Ro 15.28)
On verrait bien ces mots sur une affiche publicitaire invitant les gens à visiter ce pays. C'est peut-être aussi le souhait de nombreux français: partir à la découverte de l'Espagne.
Celui qui a écrit ces mots n'était pas français et n'envisageait pas de faire du tourisme en Espagne. C'était l'apôtre Paul. Son but, exprimé dans la lettre qu'il a écrite aux chrétiens de Rome, était d'abord d'aller dans la capitale de l'Empire pour en faire une "base missionnaire"; de là il pensait certainement partir avec quelques coéquipiers pour la péninsule ibérique et y annoncer l'Évangile de Jésus-Christ.
Or, on le sait, Paul n'a pas pu réaliser son projet: il n'a jamais mis les pieds en Espagne. Par contre, il a été à Rome, mais pieds et poings liés, assigné à résidence dans une des prisons de la ville. La route pour l'Espagne lui a été barrée.
Des routes barrées, des projets avortés, nous en connaissons aussi. Cela peut aller de choses anodines comme un pique-nique qui tombe à l'eau jusqu'à des situations plus complexes comme un projet de mariage qui est rompu, une carrière professionnelle qui est stoppée. Les causes peuvent aussi être multiples, allant de la pluie ou une migraine jusqu'à des raisons plus tragiques comme un échec, une rupture, un accident, un décès. Mais ce qu'il est important de souligner ici, ce n'est pas tant l'évocation des multiples situations et causes, mais plutôt la manière dont nous réagissons à ces bâtons mis dans nos roues!
Il y a plusieurs possibilités de réaction aux contretemps fâcheux de la vie. Selon que nous sommes introvertis (tournés sur soi-même) ou extravertis (tournés vers les autres), nous réagirons différemment. Voici quelques manières de réagir (certains s'y reconnaîtront rapidement !):
- on peut pleurer sur soi-même, se morfondre dans le découragement, s'apitoyer sur soi-même et se dénigrer : c'est l'auto-accusation stérile, malsaine et destructrice de soi-même ;
- on peut réagir en accusant le monde entier, en chargeant les autres de la cause de l'échec : c'est la faute à l'autre (mon conjoint, mes parents, un professeur, un collègue, le chef);
- on peut aussi se mettre en colère, taper du pied, ne pas accepter la "porte fermée" et vouloir à tout prix l'ouvrir par soi-même, ce qui peut mener à un échec encore plus grand;
- on peut aussi accuser Dieu, lui en vouloir ("Il ne m'a pas écouté, il n'a pas exaucé ma prière"), lui retirer notre confiance et se détourner de lui.
Toutes ces réactions, plus ou moins fortes, plus ou moins exprimées, ne mènent pas à grand-chose et n'aident pas elles enferment la personne sur elle-même, elles enferment les autres et paralysent toute action.
Comment l'apôtre Paul a-t-il réagi à cette "porte fermée"? Sa réaction sera très instructive pour quiconque se trouve devant une barrière. Loin de se désoler ou de se mettre en colère, Paul va utiliser la route barrée pour construire quelque chose d'autre, quelque chose de nouveau; il transformera le désavantage en avantage. En avantage pour lui, pour les autres, pour Dieu. La route barrée est devenue ouverture à d'autres possibilités. Paul est resté ouvert à l'appel de Dieu et Dieu lui a confié une autre mission.
Dans sa résidence surveillée, Paul ne s'est pas morfondu ni ennuyé. Il a mis son temps libre (!), sa connaissance, son expérience et sa foi en action: il a pris un parchemin, une plume, de l'encre et s'est mis à écrire. Non pas ses mémoires (cela aurait été intéressant pour nous), mais des lettres. De sa prison sont parties plusieurs missives; elles furent adressées à des chrétiens, à des Églises, et le miracle c'est que nous en possédons quelques-unes : la lettre aux chrétiens d'Éphèse, de Colosses, de Philippes, une lettre personnelle à Philémon; plus tard, à nouveau en prison, il écrira deux lettres à Timothée (et peut-être d'autres que nous ne possédons pas).
A travers ces lettres, l'Évangile est allé beaucoup plus loin que l'Espagne, géographiquement et historiquement parlant. La route barrée pour l'Espagne est devenue une extraordinaire source de bénédiction pour des milliers de croyants en tous lieux et en tout temps!
Nous n'atteindrons pas toujours nos "Espagnes", les châteaux que nous voudrons y construire s'effondreront parfois, beaucoup de projets n'aboutiront pas. Quelle sera notre réaction?
Non, la route barrée n'est pas synonyme d'échec ou de faillite ; elle peut, au contraire, être promesse pour d'autres routes, ouverture à d'autres possibilités, occasion de bénédiction formidable pour soi-même et pour les autres. Sachons, avec Dieu, transformer les routes barrées en chemins nouveaux.
Alors, en ce temps de vacances (et en tout temps), partons pour "l'Espagne" que Dieu souhaite pour nous!
René LAMEY