"Le Seigneur prend l'homme et le place dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder". (Genèse 2.15)
Parce que le retour du printemps est chargé de promesse de vie nouvelle, je vous propose une méditation quelque peu bucolique... en essayant de faire le lien entre ce que nous découvrons d'essentiel sur la nature humaine dans le second récit biblique de création et notre rôle dans le monde d'aujourd'hui.
Un jour, Dieu a imaginé un lieu où il ferait bon vivre, un jardin de "délices" (selon ce que le nom Eden signifie en hébreu), une petite planète bleue créée pour le plaisir et la (ré)jouissance des êtres humains.
L'homme y trouve sa place et son rôle, celui d'être le gérant de la création. Il est désormais responsable de cultiver son monde. Dieu lui donne "carte blanche", mais la liberté offerte peut se refuser parce qu'elle n'est jamais facile à assumer.
L'homme choisit d'écouter les paroles du menteur et rejette ainsi le projet de Dieu pour sa vie. Ce projet demeure pourtant inchangé et aujourd'hui encore tout ce qui existe se trouve sous la responsabilité humaine.
Et si la nature sauvage peut être belle, je n'oublie pas qu'elle est aussi hostile et peu encline à protéger les faibles. Non, le monde ne peut être abandonné à lui-même. Il est à cultiver, à la sueur du front et de la réflexion, pour devenir un espace aménagé de telle sorte que l'épanouissement de la vie soit une réalité. Je pense qu'il en va de même de notre "monde intérieur" et l'outil pour le cultiver consiste dans les paroles d'humanité que nous pouvons offrir aux autres.
Il y a un langage brut, fonctionnel, qui se contente de l'indispensable à la survie. Il est un peu comme la nature que l'on néglige, en pensant que ça se fera tout seul. Il est nécessaire, bien qu'insuffisant. Car le manque de soins permet aux ronces d'envahir les chemins, aux cailloux de devenir pierres d'achoppement. La communication a besoin de poètes, d'artistes pour mettre en vers ce qui est le moins facile à exprimer : les sentiments de toute nature, les doutes, les inquiétudes, bref toutes les émotions de la vie.
Bien sûr, il est des jardins secrets qu'il est bon de garder à l'abri des regards indiscrets, le plus intime a pourtant besoin de lieux de confiance pour être exprimé.
Un monde sans poètes est comme une ville dont les espaces publics seraient tous bétonnés, sans fleurs pour s'épanouir au printemps, ni feuilles mortes à ramasser à l'automne.
Il me semble bon de donner du temps aux mots, de se donner le temps de les choisir avec soin pour essayer d'exprimer l'indicible dans des phrases plus belles que d'ordinaire. Il me semble bon de rechercher et de cultiver des paroles qui font du bien. Toute relation mérite de recevoir de temps à autre un peu plus de profondeur que les simples échanges anodins.
De même, dans notre vie spirituelle, si la prière spontanée porte en elle la joie ou la peine de l'instant présent, une prière écrite, quant à elle, reflète la spiritualité profonde et rejoint l'homme au coeur de son être. C'est ainsi que les psaumes viennent au secours de nos soupirs et nous offrent des mots pour se dire devant les autres et devant Dieu. C'est également ainsi que la poésie ou la prose des écrits bibliques nous apprend que la Parole de Dieu a besoin de la créativité et du travail des hommes pour nous être communiquée dans le langage qui nous est accessible hier comme aujourd'hui.
Dieu ne souhaite pas agir seul dans ce monde, il veut que nous soyons ses collaborateurs. Dieu n'a pas abandonné le monde, il l'a placé sous notre responsabilité. Dieu n'est pas silencieux aujourd'hui, il parle par notre témoignage. A nous de laisser aux bourgeons du printemps la place pour éclore en fleurs, à nous d'offrir dans nos paroles assez d'espace pour que souffle une vie toujours nouvelle.
Rose-May PRIVET