On a tous des Samaritains dans nos vies...
Grégory Luna, Codognan
Depuis que le monde est monde, beaucoup sont persuadés qu’ils cohabitent avec leurs rivaux ; à en croire ce vieil adage : « on ne peut avoir de vrais amis sans de vrais ennemis ! », personne n’est en mesure de s’en soustraire, disent-ils. Ce mal est incurable, il s’agrippe au cœur de nous autres, comme les Rémoras1 sur les requins.
Pour ceux qui restent, le poisson ne paraît guère différent ; il semblerait qu’il soit comme son homologue, un pilote par essence. Si quelques chondrichthyens2 sont aveugles, n’en déplaise aux disciples de Socrate, c’est souvent pour le plus grand bonheur des pique-assiette qui s’invitent à la table du squale : faute d’être une pitance honorable, elle assure néanmoins la survie. Ainsi, que nous assumions nos opinions xénophobes ou que nous soyons un fervent pratiquant de la xyloglossie3, la vérité c’est que nous avons tous des Samaritains dans nos vies…
Hélas le chrétien n’échappe pas à cette entropie ; il faut se rendre à l’évidence que le lion et l’agneau ne partagent toujours pas la même tanière, et qu’aujourd’hui le pragmatisme prévaut sur l’idéal : « s' il existe une loi qui nous dit d’aimer nos ennemis, elle ne nous commande pas d’aimer nos amis !4 ». Alors je m’interroge, je vous interroge : que faut-il faire avec nos amis musulmans ? Faut-il les aimer de manière pragmatique — la boule au ventre — ou bien s’aventurer dans la savane des quartiers difficiles sans se soucier de sa férocité ?
C’est bien ce que le Seigneur — par l’intermédiaire d’un sermon inspiré — nous a invités à envisager à l’égard des musulmans la veille d’une campagne d’évangélisation : « si nous ne pouvons pas aller dans leurs pays en raison du mauvais accueil que nous réservent leurs gouvernements, considérons alors que c’est une bénédiction qu’ils viennent dans le nôtre pour y recevoir l’Évangile […] »; et dans l’hypothèse que nous éprouvions trop souvent l’agréable regret de ne pas être d’origine maghrébine pour évangéliser parmi les musulmans, rappelons-nous que dans l’église primitive, les disciples d’origine juive ont su dépasser leurs a priori en allant vers les Samaritains premièrement, puis vers les Gentils.
1 Espèce de poisson pilote
2 Famille des requins, poissons-scies, raies et autres chimères.
3 L’art de la langue de bois
4 Il nous est ordonné de pardonner à nos ennemis, mais il n’est écrit nulle part que nous devons pardonner à nos amis. Cosme de Medicis.