Ce n’est pas « par plaisir » que nous sommes « engagés » dans tel ou tel mouvement ou service dans l’Église ou dans le monde. Nous sommes, au contraire, quelquefois, très las de toutes ces réunions et activités qui « mangent » notre temps et nous valent beaucoup de reproches même et surtout de la part de ceux que nous aimons. Mais il nous faut fidèlement vérifier l’authenticité de notre action. Il s’y mêle souvent beaucoup de recherche de nous-même, d’orgueil… !
Chrétiens, nous devons être plus vigilants encore en ce qui concerne la présence de Jésus-Christ au cœur de notre action. C’est Lui que nous travaillons.
Nous avons beaucoup de mal à vivre ce « regard de foi » et dans nos réunions, à le partager en équipe. Pourtant « sans « Lui », nous ne pouvons rien faire ».
Est-ce vraiment pour toi, Seigneur, que je suis sorti ce soir, participer à cette réunion ? Il faisait nuit, il faisait froid. La maison était douce, et ma femme attirante. Sans un mot, elle m’a laissé partir, rien qu’un pâle sourire sur un petit baiser, mais dans son regard - ce regard où je lis - une morne lassitude, où j’ai perçu un persistant reproche encore une fois !
Elle dormira lorsque je rentrerai, et j’éviterai le bruir pour ne pas l’éveiller, tout en souhaitant, tout bas, que dans le lit, lorsque je m’y glisserai, elle se retourne vers moi, et murmure, à moitié endormie : « es-tu content de ta réunion ? » Je m’endormirai alors un peu rassuré, parce que je le crois, un peu compris et un peu pardonné…
Mais est-ce vraiment pour toi, Seigneur, que je suis sorti, ce soir ?
Dans la voiture, je roule rapidement, je suis en retard et mes amis m’attendent. Autour de moi, la ville déjà, silencieusement s’endort, et je m’aperçois que je m’admire un peu, en pensant que, moi, je veille, courageux, au service de mes frères. Cependant je roule avec mes doutes, inquiet, mal à l’aise devant moi, et devant toi, Seigneur.
Est-ce vraiment pour Toi que je suis sorti ce soir ? N’est-ce pas par habitude ? C’est le jour ! N’est-ce pas pour « faire réussir » mon mouvement, ou l’action préparée ? Nous sommes si peu nombreux ! N’est-ce pas par orgueil ? Sans moi, ils ne pourront pas… ! N’est-ce pas pour défendre et faire triompher mes idées ? Je les crois seules justes ! N’est-ce pas pour jouer la fidélité ? Jamais, je ne manque !
N’est-ce pas pour me donner bonne conscience ? Les hommes d’église nous disent qu’il nous faut nous engager ! Est-ce vraiment pour Toi ?
J’ai peur quelquefois de me faire illusion, sur la valeur de mon action, sur mes intentions, sur ma générosité, sur ma foi, et de courir, d'agir, de me dépenser, pour moi, sans Toi.
Je roule avec mes doutes, Seigneur, et au fur et à mesure que tu m’invites à penser à Toi, ceux-ci, plus encore, dansent leurs sarabandes ironiques, suscitant en moi une tenace envie de recueillement, pour Te trouver à l’adresse du silence… Mais c’est vers le bruit que je roule, le fracas des mots et l’éclat de l’action, et je sais que dans quelques instants, une fois encore, je t’oublierai, Toi, que je voudrais servir.
Pardonne-moi, Seigneur, parce que si je crois de toutes mes forces que tu as voulu avoir besoin de moi, besoin de nous, pour bâtir un monde fraternel, j’oublie souvent que j’ai besoin de Toi pour le réaliser et je travaille seul, je lutte seul, je me bats seul, et les autres aussi, je le crains, car nous ne pensons pas souvent à l’inviter à la réunion, et quand enfin nous disons que Tu es là, parce que c’est l’habitude, nous évitons de chercher et de te demander Ton avis, car il est plus facile de nous contenter du nôtre, et plus difficile de méditer ton Évangile et prier ton Esprit Saint. Pardon, Seigneur, n’est-ce pas en vain que nous bâtissons, si nous ne bâtissons pas avec Toi !
Tu es là et je te parle, Seigneur, je te confie cette réunion, et tout à l’heure, j’oserai parler de Toi. Ce sera VRAI et je serai VRAI, parce que nous aurons dialogué et nourri notre amour et quand nous reviendrons, ensemble, dans la voiture, nous parlerons encore, de la réunion, de ceux qui y participaient et de notre travail. Et si au retour, ma femme se réveille, Seigneur, tu lui donneras un baiser, n’est-ce pas, quand je lui donnerai le mien.