NOEL INTERDIT
Pascal Gaudin
À la fâcheuse tendance d’évacuer le sens originel de Noël par un laïcisme exacerbé, le pasteur Pascal Gaudin invite à le faire valoir et savoir le plus largement possible : Évangélisons aujourd’hui comme jamais, ici et maintenant !
Depuis plusieurs années, nous assistons à une substitution de langage qui a transformé le traditionnel souhait de « Joyeuse fête de Noël » en « Joyeuses fêtes de fin d’année » ou « Joyeuses fêtes » tout court. Ce n’est pas une simple fantaisie sémantique. Le nom de Noël évoque la naissance du Christ. Il semble devenu politiquement incorrect dans la société multiculturelle d’aujourd’hui, au point qu’il faille éviter de le prononcer ou d’y faire allusion. On se souvient de l’épisode du lycée de Lagny-Sur-Marne où le proviseur avait ôté l’arbre de Noël de l’entrée de son établissement afin de répondre à la demande d’une poignée d’élèves s’insurgeant contre sa présence au nom de la laïcité. À l’approche du 25 décembre, dans de nombreux pays occidentaux, nous voyons ainsi fleurir des initiatives afin d’éviter un affichage trop voyant de la fête de Noël, pour ne pas risquer de choquer la sensibilité des croyants d’autres religions. Ainsi, au Royaume-Uni, les symboles de la fête, comme la crèche ou le sapin, disparaissent peu à peu du paysage. Selon le journal The Sun, dans plus des trois quarts des bureaux londoniens, les décorations de Noël auraient été déconseillées, voire interdites. Dans certaines communes, Noël a été renommé « Lumineux » ou encore « Fête de l’hiver ». Sur les timbres-poste de fin d’année, à la place de la crèche, de l’étoile des bergers et des rois mages, ce sont des bonshommes de neige et des rennes qui ont été imprimés. En Espagne, des établissements scolaires interdisent désormais la récitation de poèmes et le chant de cantiques de Noël. Comme en Grande-Bretagne, il s’agit de ne pas indisposer les enfants des autres religions. Une autorité religieuse s’est élevée contre « cette vision appauvrie et défigurée qui fait de la religion une activité dangereuse ou une source d’intolérance ». D’autres pays n’échappent pas à cette vague de laïcisme. Ainsi, même en Italie, de plus en plus d’écoles évitent tout chant de Noël, alors qu’elles faisaient entonner ces cantiques aux tout-petits, il y a encore quelques années.
En Suisse, lors d’une exposition artisanale habituellement dédiée au thème de l’Avent, l’inauguration fut produite par des artistes avec des chants et des danses druidiques. Au Canada, en 2002, la ville de Québec voulait renommer ses arbres de Noël « arbres de vie ». Mais, devant le tollé général, elle s’est rétractée. Même aux États-Unis, pays pourtant réputé conservateur, les scènes de la Nativité et les décorations de Noël deviennent de plus en plus proscrites sur les places publiques. À Chicago, l’an passé, la mairie a interdit, sur le marché de Noël de la ville, la diffusion de bandes-annonces du film « La Nativité ». Et nous pourrions multiplier les exemples.
Il est vrai que la naissance du Sauveur ne se situe probablement pas aux alentours du 24 décembre. Dans sa région natale, il faisait trop froid pour que les bergers évoqués par l’évangile de Luc puissent garder leurs troupeaux dehors. De plus, en aucun endroit de la Bible, nous ne voyons les chrétiens fêter la naissance de Jésus. Il semble que celle-ci ne fut célébrée qu’à partir du quatrième siècle, en réaction à la fête païenne du 25 décembre, consacrée au culte du soleil. Ce qui fait dire à certains chrétiens qu’il ne faudrait pas fêter Noël, dont l’origine est païenne.
Mais, si l’annonce de la mort et de la résurrection de Jésus sont les événements fondateurs du christianisme, comme le montre le Nouveau Testament, l’incarnation n’en reste pas moins le point de départ obligé, et son mystère demeure source d’adoration. Ne serait-il pas alors possible d’utiliser la liberté que nous avons encore de parler de Noël en annonçant que la naissance, la vie, la mort et la résurrection du Sauveur sont le seul espoir pour l’humanité ? Dans un monde qui s’enfonce de plus en plus dans les ténèbres, n’est-ce pas l’occasion de rappeler cette parole de l’ange adressée aux bergers, et au-delà, aux hommes de tous les temps ? « Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie. qui sera pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur1 ! » Alors, « Joyeux Noël » !
1 Lc 2.10-12