“Ouvre-toi !...” par le pasteur Jean-Ruben Otge
Relecture de la guérison de l’homme à la main sèche, paradigme de l’oeuvre du salut : Dieu délivre de la sécheresse du coeur, tend la main et remet debout.
Ce jour de rassemblement avait été le théâtre d’une joute verbale entre les autorités religieuses et Jésus, et cela au sujet d’un homme qui était un habitué du temple ; celui-ci avait un handicap lourd : sa main était paralysée (Lc 6.6-11). Mais il est des paralysies qui se cachent mieux que d’autres…
1. La main repliée
Cet homme était là non par passion mais par intérêt : il profitait de la générosité des gens. En effet, il était dans l’incapacité de travailler ; s’il avait une famille, il ne pouvait subvenir à ses besoins. Il dépendait des autres et il n’était capable que de recevoir. Sa main ne pouvait aider, s’ouvrir pour donner. Cette dépendance et cette inutilité rendent malheureux et font grandir un sentiment d’infériorité et d’échec.
Il est possible de constater que notre main peut être… sèche, incapable de travailler pour… donner ; elle est juste capable de recevoir, pour consommer plus. Il y a de quoi se sentir inutile, aigri, insatisfait. Ce handicap n’est pas tant, en général, inné mais relève de l’acquis : il est le résultat de l’égoïsme, une maladie grave qui assèche la vie (mais comme elle est partagée par une grande majorité de semblables, elle paraît beaucoup moins grave…).
2. Le doigt accusateur
Voilà des hommes très religieux, mais, déception pour eux, Jésus va révéler le fond de leurs sentiments. Ils paraissent intouchables : ne montrent-ils pas un sens réel du don ? Ils sont très disciplinés en donnant le dixième de leurs revenus… Jésus va montrer que ce n’est pas leur main qui est sèche ; c’est plus grave, docteur ! C’est la source qui est polluée, leur pensée profonde. Ils sont insensibles, obstinés dans leur refus de compassion. Ce qui importe pour eux, c’est de venir chaque samedi pour l’enseignement de Moïse. Ils avaient même été plus légalistes que la loi en calculant l’aide aux animaux blessés un jour de sabbat. Les actes de bienveillance envers les animaux étaient permis, mais… pas envers les hommes, comme celui qui a la main sèche.
Ils étaient secs de cœur, mobilisés plus par leur attitude critique que par le désir d’aimer.
Notre société, même si elle connaît un certain sentiment de religiosité, préfère nourrir ses animaux plutôt que de manifester de la compassion envers son prochain. Les besoins beaucoup plus importants que les nôtres peuvent être ignorés ; même au sein de notre Église… ?
3. La main compatissante
Malgré ce qu’il va en coûter à Jésus (tout de suite après, les pharisiens se consultent pour savoir comment le faire mourir), il voit cet homme et va tendre sa main vers celui qui est incapable de la déplier. Il s’adresse à lui : « Lève-toi et tiens-toi là au milieu » ; il lui demande beaucoup ! Cet homme pouvait ressentir une honte très grande pour plusieurs raisons : son aspect physique était méprisable et ses habits dévoilaient sa pauvreté ; son handicap révélait, selon la conception juive, un péché grave qui le rendait indigne de se tenir au vu de tous ; il risquait, en obéissant à Jésus, de se mettre à dos ceux qui lui assuraient sa survie…
Mais cet homme méprisé, replié sur lui-même et sur ses blessures, comprend que Jésus veut le voir debout parce qu’il est précieux, qu’il a de la valeur pour Dieu. Comme ce peuple dont il est issu, ce vermisseau de Jacob, petit Israël, à qui Dieu dit : Moi, l’Éternel, je suis ton Dieu, ton Sauveur ; tu m’es précieux, tu as du prix à mes yeux et je t’aime. Sois sans crainte, car je suis avec toi (Es 43.3-5). Cet homme, rejeté depuis si longtemps, est important pour Jésus. Il est appelé à se mettre au milieu de tous, comme Jésus le fera avec un petit enfant pour montrer à ses disciples quel est le modèle à suivre.
4. « Étends la main ! »
Le pas de foi précède la guérison ; quand Dieu demande l’impossible, il donne ce qu’il ordonne. Et il intervient : Jésus guérit de sa sécheresse l’homme qui lui a obéi, qui est passé par-dessus le regard des autres, à la différence des pharisiens qui n’ont pas été guéris de leur sécheresse profonde.
Dieu veut nous voir debout, alors que nous nous dévaluons, que nous avons conscience de nos faiblesses, de nos handicaps. Il désire nous voir debout, mais devant lui. Comme le prophète Daniel qui s’entend dire : Daniel, homme bien-aimé, sois attentif aux paroles que je vais te dire et tiens-toi debout à la place où tu es. Je me tins debout, en tremblant… (Dn 10.11).
Nos replis sur nous-mêmes détruisent et nous et notre entourage, nos églises, notre témoignage.
Dieu alors veut nous ouvrir la main pour apprendre à la tendre vers l’autre, à donner, à aider, à pardonner.