“Le gène et la rencontre” par Philippe Gonzales, prédicateur à l’Eglise mennonite de Saint-Genis (01) et sociologue
La question de l’identité et des étrangers est un enjeu majeur pour Philippe Gonzales. Actu est une rubrique commune à 4 mensuels évangéliques (Christ Seul, ENroute, Horizons évangéliques et Pour la vérité).
Profilage ethnique
Un matin de septembre, la manchette d’un quotidien gratuit attire mon attention : une firme zurichoise propose à ses clients de se soumettre à un test ADN afin de détecter s’ils ont des origines juives. La proposition soulève le tollé des organisations luttant contre l’antisémitisme. Le même jour, Le Monde rapporte les protestations des Roms, auprès de la Commission européenne, contre les mesures de profilage ethnique auxquelles voudrait les contraindre le gouvernement italien, en vue de faciliter leur « intégration ».
Péril en la demeure
Loin de demeurer anecdotiques, de telles situations révèlent des enjeux centraux sur la façon dont nos sociétés appréhendent la question de l’identité et de l’étranger. Or, toutes les manières de penser cet enjeu ne se valent pas, certaines mettant en péril la personne humaine.
Identité au gré de ses envies
Un élément frappe d’emblée dans l’offre du test ADN : l’identité y est proposée comme un accessoire que l’on pourrait acquérir moyennant la somme requise. L’identité n’est plus de l’ordre de la culture et du don, quelque chose qui se reçoit d’un autre – parent, Maître ou précurseur. Elle devient une panoplie hétéroclite d’éléments acquis au gré de ma consommation et dont je me défais selon les envies du moment. L’appartenance se trouve déliée de toute forme d’engagement. Seul compte le désir narcissique de se construire un « moi », indépendamment du dialogue avec autrui.
Jeunes Roms à Lille © Julie Rebouillat (www.contre-faits.org)
Juifs et Roms, boucs émissaires ?
La situation des Roms apparaît alors comme la face cachée du cas précédent : on résout une question de société par la constitution d’un fichier biométrique. L’arsenal policier court-circuite les mesures politiques et éducatives veillant à faciliter la participation des Roms à la vie quotidienne italienne. Le « donné » biologique semble l’emporter sur l’apprentissage d’une culture. La publicité des ordonnances musclées à court terme s’est substituée à la discrétion et au temps nécessaires à la communication d’une identité ou, mieux, à la fécondation mutuelle des cultures.
Lorsque le temps de la découverte et de la transmission fait défaut, la culture disparaît. Du coup, les catégories sociales se figent. La fluidité du paraître que nous vendent les publicitaires se dédouble en une anxiété relative à notre être. On quête alors dans le biologique les solutions à des interrogations culturelles. Étonnamment, les Juifs et les Roms ont fait figure de boucs émissaires en Occident, payant chèrement certaines folies épuratrices. Un racisme insidieux ferait-il retour dans nos sociétés où l’on préfère les divertissements faciles des spectacles télévisés au détour exigeant de la réflexion commune sur l’identité, l’hospitalité et le vivre ensemble ?
S’ouvrir à l’étranger
La Bible est traversée par le thème de l’étranger, le Christ condensant bien des aspects de cette interrogation. L’évangéliste affirme : il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas accueilli (Jn 1.11). Ce refus s’explique par la manière dont Jésus bousculait les catégories de l’époque et, surtout, mettait en lumière la violence des rapports qu’elles instituaient. Raison pour laquelle ceux qui croisaient son chemin ne pouvaient s’empêcher de s’enquérir sur qui il était. Il mourra comme un paria. Cependant, Dieu ressuscitera cet étranger dérangeant.
Le choix nous est laissé entre désigner nos boucs émissaires pour sécuriser notre statu quo et s’ouvrir à l’autre, une ouverture impliquant de se dessaisir, de mourir, pour ressusciter à une nouvelle façon de coexister. Et si en exerçant l’hospitalité, nous recevions de Dieu, au travers de l’étranger, une vie renouvelée, notre véritable identité ?