Du vécu: Aumônerie des prisons - Il était une fois…
Élisabeth Kedaj, stagiaire avec Christiane Puzenat, Aumônier protestant
Que peut-il se passer dans un tête à tête entre un aumônier de prison et un détenu ? Élisabeth Kedaj, membre de l'EEM Metz et future aumônière de prison, nous en donne un aperçu.
André ouvre la porte de sa cellule, à mon maître de stage et à moi. Le soleil y pénètre difficilement. Par son accueil agréable, il m’impressionne. Il a demandé cette visite et s’empresse de libérer deux chaises. Il ouvre la Bible qui lui a été offerte et revient sur l’histoire du Fils prodigue, thème débattu au dernier partage biblique. Il s’exclame : « Je ne peux pas concevoir un père ou une mère rejeter son enfant, à moins que celui-ci ait commis l’irréparable ». André s’y retrouve. Il s’identifie à ce fils qui a dilapidé tous ses biens et qui revient ruiné, seul et misérable. Confus, il affirme : « Il y a toujours des raisons d’être là ». Il nous prend à témoin et demande : « Avez-vous des enfants ? Vous devez comprendre cela, non ? » Le hochement de tête semble lui convenir. Il change alors de sujet. Tout fier, il nous parle de l’espérance qui s’offre à lui : sa femme vient d’accoucher. Je le vois avec surprise se lever et détacher des photos affichées au-dessus de son lit. Il retrouve régulièrement son enfant et sa femme au parloir. Ces moments lui font du bien. Il attend un appel pour préparer le permis de conduire qui lui a été retiré. Nous avons le temps de parler « religion ».Tous les dimanches, il dit se rendre à la messe alors qu’il est protestant. Il avoue : « Toutes les raisons sont bonnes pour quitter la cellule ! »
André semble avoir pris sa vie en main. « L’enfermement » permettrait-il parfois des réflexions fructueuses sur le sens de la vie ? Permettrait-il même un début de reconstruction ? En saisissant les opportunités, les mains tendues, il a su sortir de son isolement. Pourquoi l’espérance ne résonnerait-elle pas aussi dans ces longs couloirs moroses et lourds de peine(s) ? Être porteur de cet amour du Christ ressuscité et le transmettre fait du bien à celui qui le partage comme à celui qui se l’approprie.
Ces premiers contacts avec les détenus me confortent dans mon choix de continuer dans cette voie. Sans le Roi des rois et sans la prière des sœurs et des frères, cet engagement sera inutile. Merci pour votre intercession.