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Nelson Mandela : du militant au rassembleur


L’ancien président sud-africain et lauréat du Prix Nobel de la paix, Nelson Mandela, est mort le 5 décembre à l’âge de 95 ans à Johannesburg. Il a payé de 27 ans de prison sa lutte contre l’apartheid dans son pays. Retour sur sa vie, et ses évolutions avec Marie-Noëlle von der Recke. La rubrique paraît simultanément dans Christ Seul et ENroute.

Marie-Noëlle von der Recke, Schöffengrund, Allemagne


Le 16 décembre 2013, une statue de 9 mètres a été inaugurée à Pretoria, en Afrique du Sud. Elle représente un héros national, Nelson Mandela, décédé deux semaines auparavant à 95 ans. La posture de Mandela, les bras largement ouverts, évoque celle d’un pasteur bénissant des fidèles.

Né en 1918 loin des grandes cités, Nelson Mandela a grandi dans l’Église méthodiste. Pour échapper à un mariage forcé, il fuit son Transkei natal et étudia le droit à Johannesburg. C’est là qu’il connaîtra l’ANC (African National Congress) et s’engagera dans ses rangs, participant à toutes ses campagnes.

« Sans vérité, point de guérison. Sans pardon, point d’avenir »


Naissance de l’apartheid

En 1948, le gouvernement sud-africain codifie les mesures discriminatoires déjà en vigueur contre les non-blancs dans un programme connu sous le nom d’« apartheid ». D’année en année, l’étau se resserre sur la majorité noire : 70 % de la population de l’Afrique du Sud est reléguée dans 13 % de la superficie du pays et fait l’objet de restrictions et d’humiliations quotidiennes de tous ordres.

« Tu nous as donné l’ami de tous et l’ennemi de personne »

De l’action non-violente à l’action violente

Pendant de longues années, les méthodes de lutte de l’ANC sont non-violentes, inspirées par celles de Gandhi. Mais Mandela, à partir de 1960, suggère de renoncer à cette orientation et de doter le mouvement d’une branche armée pour forcer le gouvernement sud-africain au changement.

En 1964, il échappe à la peine capitale, mais est condamné avec d’autres activistes à la prison à vie pour des actes de sabotage. Pendant 27 années, son combat contre l’apartheid se poursuit dans le cadre carcéral. Libéré en 1990, il devient en 1994 le premier président noir du pays.

Les dernières années en prison avaient marqué le début de négociations avec le gouvernement nationaliste blanc. Mais sur le terrain, des sommets de violence devaient encore être atteints avant que ne cesse toute discrimination politique et que l’élection d’un gouvernement de transition au suffrage universel n’ait enfin lieu. Une fois élu, Nelson Mandela multiplie les gestes d’apaisement et mène publiquement la politique de la main tendue déjà pratiquée lors des négociations secrètes.

Que s’est-il passé ? Y a-t-il eu chez lui une volte-face radicale pour qu’on le représente ainsi les bras ouverts ? D’autres monuments le montrent tendant son poing fermé et on ne peut nier son passé de chef militaire responsable de graves attentats.

Les personnes et le système

La biographie de Mandela n’évoque pas de revirement « paulinien ». S’il a prôné la lutte armée, c’est que, selon lui, les actions non-violentes s’étaient avérées inefficaces. Il ne renie nulle part cette décision. Pas de révélation nouvelle à ce sujet dans sa prison. Mais ces années de désert semblent l’avoir amené à différencier entre les personnes et le système. S’il y a eu changement, c’est sans doute dans le sens où sa haine pour les Blancs s’est apaisée. Là est peut-être la clé : c’est d’égal à égal et sans amertume qu’il entame seul les négociations qui aboutiront à la libération de ses compagnons, à la sienne et à l’abolition de l’apartheid. Dans ses pourparlers avec ceux qui représentent un système qu’il ne cesse jamais d’appeler « l’ennemi », il cherche à les rassurer, à leur ôter leurs craintes. Il comprend la peur de la minorité blanche de se faire écraser par la majorité noire. Ainsi devient-il le rassembleur de tout son peuple, gagnant le cœur de tous, y compris des Blancs.

Un rassembleur

L’Afrique du Sud de 2014 est confrontée à des problèmes gravissimes. L’épidémie du Sida, la criminalité et la corruption font rage. Si l’apartheid politique a été aboli, l’apartheid économique demeure.

La figure Nelson Mandela impose le respect, même à qui rejette l’option de la lutte armée. Il a su aller à la rencontre de ceux qu’il a combattus. Il a su pardonner.

Le 16 décembre, on célébrait autrefois la sanglante victoire en 1 838 des Boxers sur les Zoulous. Cette journée est désormais la fête de la réconciliation en Afrique du Sud.