JOURNEE D’ETUDE
Journée d’étude du 17 septembre 2009 sur la nouvelle loi « Hôpital, patient, santé, territoire » (HPST)
Daniel Husser
Le Diaconat Bethesda de Strasbourg est une vieille dame de 120 années. Son anniversaire a donné lieu à des festivités sans égales. Au service de Dieu et du prochain, l’œuvre diaconale entend poursuivre sa vocation initiale. Retour sur l’événement avec Daniel Husser.
À l’occasion de son 120e anniversaire, le Diaconat Bethesda de Strasbourg a invité des responsables professionnels du secteur sanitaire et médico-social ainsi que des membres de conseils d’administration de structure d’accueil à une journée d’information, de réflexion et d’échanges sur la loi HPST votée par le Parlement en juillet 2009. Daniel Husser revient pour En route sur l’évolution du cadre législatif et social qui conditionne de nos jours toute activité diaconale dans notre pays.
Me Pages, Dr en Droit, avocat spécialisé en Droit sanitaire et médico-social, professeur à la Faculté de Droit de Montpellier, et lui-même président d’une association active dans le domaine médico-social, avait accepté d’être l’orateur et l’animateur de cette journée. Sa grande compétence et son expérience ont apporté aux participants une information et une aide précieuses.
D’emblée, Me Pages a présenté les grandes orientations de la nouvelle loi, résultat d’une évolution en marche depuis 1970, mais accélérée par les crises économiques.
Les objectifs de la loi
- Désenclavement des secteurs sanitaire, médico-social et social qui, souvent, concernent une même personne,
- Construction, pour chaque patient, d’un projet individuel lié à un projet d’établissement et à un projet de territoire,
- Considération de l’établissement, non comme une fin en soi, mais comme un prestataire de services parmi d’autres,
- Exigence d’une gestion pluriannuelle, avec contrats d’objectifs et de moyens,
- Nécessité d’adaptation aux besoins et choix des collectivités territoriales.
Son application
L’application de cette loi représente, selon l’orateur, un bouleversement culturel, par suite
- De l’accentuation territoriale de la politique de santé,
- Du renforcement de l’aspect préventif de cette politique,
- Du recentrage de l’offre de soins primaires (urgences etc.),
- De la nécessité de recherche du positionnement de l’établissement par rapport à son efficience, sa complémentarité, sa capacité d’innovation et de restructuration.
La personne au centre
Me Pages pense que les établissements du secteur privé non lucratif (SPNL), tels que Bethesda, sont bien placés, dans le contexte de cette évolution, à condition de continuer à se remettre en question et d’avoir à l’esprit « qu’on n’est pas là pour soi-même, mais pour soigner des personnes ».
Ces personnes ou patients ne sont plus à considérer comme des objets d’un programme de soins, mais comme les sujets de leur projet de soins personnel. Dans cette perspective, on sera de plus en plus attentif au « droit du patient ou usager », ce qui implique une exigence d’information et de contractualisation écrite.
Risque de judiciarisation croissante
La judiciarisation des problèmes est une conséquence de cette évolution. À titre d’exemple, l’orateur mentionne les récentes affaires de plaintes pour « maltraitance » déposées contre des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Le droit des personnes demande une prise en charge globale du patient. Il sera nécessaire de lui apprendre à être le sujet de son projet de soins, tout en l’informant des contraintes propres à l’établissement. En aucun cas, l’établissement ne pourra se substituer à la personne concernée ou à son représentant qualifié. C’est là une exigence de la « démocratie sanitaire ».
Chaque établissement doit être conscient de son utilité sociale, manifestée par une mission confiée par les pouvoirs publics et définie par le projet d’établissement — un service qui implique une transaction entre prestataire et bénéficiaires.
« Quelqu'un a dit un jour 'science sans conscience n'est que ruine de l'âme'. Je crois qu'on pourrait dire que pour vous, la grande famille de Bethesda, le service de l'autre sans la chaleur du cœur et de la foi n'est que sécheresse quotidienne »
Théo Braun, ancien ministre en charge des personnes âgées
Importance du projet d’établissement
Me Pages a rappelé l’importance d’une bonne construction du projet d’établissement qui doit être construit selon 3 axes :
- Une identification des responsables des activités,
- Une « démarche qualité »
- Un positionnement de la structure dans son environnement.
La part de l’État
Au niveau de la Région, c’est l’Agence Régionale de Santé (ARS), sous l’autorité du préfet de région, qui sera désormais l’unique institution, interlocutrice des établissements, assurant les compétences et missions jusque-là prises en charge par les DDASS et DRASS..
Cette agence répartira les finances publiques entre les établissements, non sous forme de dotations globales, mais en fonction de l’activité assurée.
Ces dispositions impliquent des mesures d’évaluation des activités. Il est certain que l’évaluation externe portera sur les capacités d’auto-expertise des établissements.
Perspectives d’évolution
Quelles sont les perspectives d’évolution des établissements du secteur privé non lucratif, dans le cadre de la nouvelle loi HPST ?
Me Pages pense que l’exigence de qualité exprimée dans la loi HPST est une opportunité à saisir en s’efforçant de devenir de plus en plus « professionnels ». Par l’importance accordée à certaines valeurs, et par la priorité donnée à la dimension humaine des soins et services, les établissements du SPNL apportent une « valeur ajoutée » qui, dans un système de plus en plus concurrentiel, trouvera une appréciation et une prise en compte positives. Il faut savoir, cependant, que le SPNL est une cible : n’a-t-on pas entendu que les 34 000 associations actives actuellement dans le domaine médico-social seraient ramenées à 10 000 dans 5 ans et à 5 000 dans 10 ans ?
Rien ne sert cependant de s’angoisser à ce sujet. Il vaut mieux être conscient du sens de l’évolution législative et… anticiper, se rappelant que « le présent comme le futur, c’est le passé qui se recycle».