CPDH (2)

2e Congrès protestant évangélique européen d’éthique du 23 au 25 mai 2008 à Strasbourg

« Chrétien et citoyen — espérance et responsabilité »

Déclaration finale


A l’heure où l’articulation du religieux avec les affaires de l’Etat fait débat, les évangéliques réunis en congrès à Strasbourg à l'initiative du CPDH ont rappelé leur attachement à la laïcité comme à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ils ont également évoqué les formes et les limites de leur engagement chrétien dans la sphère publique. Après l’article de Daniel Husser, voici la Déclaration finale, excellente synthèse des débats.

Protestants évangéliques d’origines diverses, nous réaffirmons que l’Evangile est avant tout la Bonne Nouvelle du salut de Dieu en Jésus-Christ, qui ne peut en aucun cas se réduire à une recette morale ou politique qui devrait être imposée aux êtres humains. Nous rappelons que l’amour de Dieu concerne tout l’être humain comme tous les êtres humains. C’est pourquoi,

- proclamant la souveraineté du Dieu éternel, Père, Fils et Saint Esprit, créateur et juge de tous les humains qui désire pour eux la justice, la réconciliation et la délivrance de toutes les sortes d’oppressions,

- attachés à l’Ecriture sainte, l’Ancien et le Nouveau Testament, dont nous affirmons l’inspiration divine, la vérité et l’autorité,

- confiants en la grâce de Dieu,

- dans l’esprit de la déclaration de Lausanne de 1974,

- convaincus que l’engagement sociopolitique fait partie de notre devoir de chrétiens,

- à la suite de William Wilberforce, Henri Dunant, Charles Péan, Martin Luther King, et tant d’autres,

nous voulons nous efforcer de promouvoir la justice et la paix, ainsi que des relations interpersonnelles de qualité dans la société, tant au niveau local que, plus largement, pour le bien de la communauté humaine.

Attachés à la neutralité de l’Etat en matière religieuse, nous ne réclamons pas pour nous-mêmes aucun privilège ou droit particulier, si ce n’est, comme pour tout citoyen, celui d’exprimer nos convictions et de s’engager dans les affaires de la cité.

1. Un engagement réaliste

Nous affirmons que l’amour du prochain doit nous amener à une citoyenneté active, dans un esprit de service de la collectivité, car la foi sans les oeuvres est morte. Les chrétiens, par leur engagement dans la cité, veulent être témoins du royaume d’amour, de justice et de paix voulu par le Christ, qu’il nous demande de manifester déjà, mais que lui seul établira pleinement quand il reviendra. Cet engagement peut prendre de multiples formes : actions individuelles, engagement associatif, exercice d’un mandat politique, etc. Certes, parce que la nature humaine est marquée par le péché et que le pouvoir expose à bien des tentations, parce que les situations sont complexes et changeantes, nous nous souvenons que tout engagement politique reste de l’ordre du relatif. Mais nous affirmons que cette lucidité ne doit pas être pour l’église prétexte à passivité devant un bien à faire et un mal auquel il faut résister. Elle va de pair avec l’espérance que nous plaçons dans le Dieu vivant. Nous savons que rien ne Lui est impossible et qu’Il peut tracer des chemins là où il n’y en a pas.

2. Des convictions communes

Nous nous retrouvons, en tant que protestants évangéliques, sur un certain nombre d’affirmations qui nous unissent parce qu’elles viennent de la révélation biblique elle-même. Nous puisons notre inspiration dans cette source commune pour fonder notre réflexion et notre action. Cependant nous n’idéalisons aucun courant ou parti, quand bien même celui-ci se réclamerait de l’évangile, et nous accueillons, y compris en notre sein, une légitime diversité de choix politiques dans la mesure où ils restent conformes aux valeurs de l’évangile.

3. L’importance de la personne humaine

Nous affirmons la valeur et la dignité absolues de toute personne humaine, car nous croyons qu'elle est créée à l’image de Dieu. Le respect de l’être humain, de la conception à la mort naturelle, doit demeurer notre priorité. Parce qu’elles n’ont pas les moyens de défendre elles-mêmes leur cause, nous devons accorder une attention particulière aux personnes vulnérables ou rendues vulnérables par l’âge, la maladie, le statut social, l’origine étrangère, etc. - en un mot soutenir le petit ou l’opprimé.

4. L’individu et le bien commun

Nous rappelons que l’individu a non seulement des droits mais aussi des devoirs envers la communauté. Voilà pourquoi, en tant que chrétiens, nous voulons travailler au bien commun et récusons toute forme d’individualisme qui détruit le vivre-ensemble. Cependant, nous rappelons avec fermeté que c’est le bien de personnes concrètes qui doit être la fin de toute politique. L’économie, en particulier, a vocation à servir l’être humain, et non l’inverse. Nous affirmons que la recherche de l’intérêt collectif ne saurait justifier de porter atteinte à la valeur et à la dignité absolue de tout être humain. Celles-ci sont au-dessus de toute autre considération, qu’elle soit relative à la couleur de peau, la culture, la nationalité, l’appartenance ethnique ou religieuse, la classe, l’âge, le sexe, etc...

5. Justice, paix et qualité des relations interpersonnelles

Nous recherchons la justice. Chercher la justice, c’est d’abord nous efforcer nous-mêmes d’être justes, c’est-à-dire conformes à la volonté de Dieu dans notre vie personnelle et au sein de la société. Les chrétiens sont appelés à être respectueux des autorités, mais l’obéissance à Dieu et à son commandement d’amour du prochain est première. Nous voulons donc défendre le droit et l’équité, mais nous rappelons que la justice est au-dessus du droit et que sa recherche peut parfois nous amener à être en opposition avec certaines lois humaines.

La paix est, elle aussi, au coeur de la volonté de Dieu pour les hommes, et inséparable de la justice. On ne peut parler de paix là où il y a oppression ou exploitation et sa recherche pourra, paradoxalement, être source de conflit. Appelés par le Christ à être ouvriers de paix, les chrétiens portent dès lors la responsabilité de ne pas fuir devant les conflits, mais de travailler à leur résolution en refusant d’entrer dans le cycle de la violence.

De façon plus générale, parce que l’amour du Christ nous pousse, nous voulons travailler à améliorer la qualité des relations interpersonnelles dans la société, tant au niveau local que, plus largement, par nos paroles et nos actes, pour le bien de la communauté humaine.

6. Le souci de la création.

Nous affirmons que l’être humain est le gérant d’un monde créé par Dieu. A ce titre, il en est responsable et a pour mission d’en prendre soin, notamment en étant attentif aux conséquences plus lointaines des décisions qu’il prend aujourd’hui. Le respect de la création est fondé à la fois sur l’amour du créateur et de son oeuvre et sur le souci de ceux qui ne sont pas ou peu abordés par les médias et l’opinion publique.

7. Présents auprès de tous

Nous affirmons que les chrétiens ont le devoir de parler pour ceux qui n’ont pas de voix et pour ceux auxquels on ne prête pas attention. La fidélité chrétienne ne peut se réduire au soutien d’une cause médiatique - si juste soit-elle - et c’est notre responsabilité d’être attentifs et de rendre attentifs l’opinion et les responsables politiques aux sujets qui ne sont pas ou peu abordés par les médias et l’opinion publique.

Conclusion

Nous sommes disciples de Jésus-Christ qui a été au milieu des hommes comme un serviteur. C’est comme serviteurs que nous voulons prendre notre place dans la société dont nous faisons partie, attentifs aux besoins et aux détresses de notre monde. Chrétiens et citoyens, nous sommes convaincus que l’Evangile garde toute sa pertinence pour la société d’aujourd’hui. Nous ne voulons ni nous désintéresser de la cité, ni lui imposer nos convictions, mais nous ne saurions l’aimer et la servir sans dialoguer avec le monde, faire entendre notre voix et y prendre des responsabilités.

Nous appelons donc les chrétiens à

  1.  ne pas céder à la résignation et à la peur mais à agir pour la transformation de ce monde,
  2.  discerner les engagements particuliers auxquels ils sont appelés,
  3.  oser prendre des initiatives novatrices,
  4.  prier pour ceux, chrétiens ou non, qui exercent la charge de responsabilités politiques.

Soyons des ferments d’espérance !

C’est là une parole certaine : Dieu a répandu avec abondance le Saint Esprit sur nous par Jésus-Christ, notre Sauveur, afin que, déclarés justes par sa grâce, nous devenions les héritiers de la vie nouvelle qui constitue notre espérance, (...) afin que ceux qui ont cru en Dieu s’appliquent à accomplir des oeuvres bonnes. Voilà ce qui est bon et utile aux hommes.(Ti 3.6-8)