“Musulmans et chrétiens, tous enfants de Dieu ?” Apostrophe du pasteur Pascal Gaudin - “Tous au paradis” par JP Waechter
Cent trente huit dignitaires musulmans apostrophent les responsables chrétiens sur la nécessité de faire prévaloir partout en ces temps troublés l’amour de Dieu et l’amour du prochain, impératif moral majeur pour tous les enfants d’Abraham, Juifs, chrétiens et musulmans. Dans notre précédent éditorial, nous nous faisions l'écho de la réponse des évêques méthodistes (voir eemni). Les musulmans y sont désignés comme enfants de Dieu au même titre que les chrétiens, l'amalgame suscite l'émoi du pasteur Pascal Gaudin. Nous publions sa réaction. C’est l’occasion et pour lui et pour En route de lever toute ambiguïté sur l’usage du terme d’« enfants de Dieu » appliqué conjointement aux musulmans et aux chrétiens. Le dialogue interreligieux, s'il relève des points de convergences, ne gomme pas pour autant les divergences persistantes. Démonstration.
“Musulmans et chrétiens, tous enfants de Dieu ?” Apostrophe du pasteur Pascal Gaudin
Dans notre Profil EEM, en bas de la page consacrée à « Ce que nous croyons et enseignons » apparaît cette citation de John Wesley : « Mais, dans toutes les questions qui ne touchent pas aux racines du christianisme, nous nous en tenons à la règle : penser et laisser penser ».
Il me semble que, d’une certaine façon, la réponse du Conseil des évêques de l’EEM à l’appel des 138 dignitaires musulmans, mentionnée dans le dernier numéro d’En Route, touche aux racines du christianisme. C’est pourquoi, je ne me suis pas limité à « penser et laisser penser ».
Ne pouvant reprendre point par point cette déclaration, je me bornerai aux citations apparaissant dans l’éditorial d’En route. Sur la question de l’islam et ses rapports avec l’Occident, je renvoie au livre du docteur Mark A.Gabriel, théologien et ancien professeur à la célèbre Université Al-Azhar du Caire : Islam et terrorisme (éditions Ourania).
L’appel à rechercher la paix avec tous les hommes, y compris les adeptes d’autres religions, est fondé sur la parole de Dieu et possède sa légitimité (Mt 5.9 ; Hb 12.14 ; Jc 3.18). De même le fait que « la vérité doit être promulguée dans notre vie » et pas seulement proclamée de nos lèvres.
Mais, la tradition wesleyenne nous autorise-t-elle à qualifier les musulmans d'« enfants de Dieu », au même titre que les chrétiens ? Ce genre d’affirmation ne risque-t-il pas d’entraîner la confusion dans l’esprit des méthodistes, mais aussi des musulmans ? Car, si ces derniers sont enfants de Dieu, alors ils n’ont pas besoin d’être réconciliés avec leur Créateur et il n’est pas vital que les chrétiens leur témoignent du salut en Jésus-Christ.
Si les Saintes Écritures montrent que tout être humain est créature de Dieu, elles enseignent aussi qu’il faut naître de nouveau pour devenir enfant du Père Céleste (Jn 1.11-13 ; Rm 8.1-17 ; Ga 3.26-4.7, etc.). C’est ce que dit John Wesley, dans son message sur la nouvelle naissance (sermon n° 45 sur le site du CMFT) :
« En Adam tous sont morts, toute l’humanité, tous ceux qui devaient naître de ce premier homme. De ce fait découle une conséquence toute naturelle : c’est que chacun de ses descendants vient au monde mort spirituellement, mort quant à Dieu, absolument mort dans le péché, absolument privé de la vie de Dieu, de l’image de Dieu, de toute cette justice et cette sainteté que reçut Adam quand il fut créé. Et au lieu de cela, tout homme naît avec l’image de Satan, l’orgueil et la volonté charnelle… Tel est le point de départ de la nouvelle naissance : c’est l’entière dépravation de notre nature. Il suit de là qu’étant nés dans le péché, nous devons naître de nouveau… »
En affirmant cela, John Wesley ne fait que rappeler l’enseignement de la Bible.
Mais cette nouvelle naissance se produit-elle au moyen de la foi dans le Dieu Créateur, dans la pratique de la religion et des bonnes œuvres ? Non, répond le père du méthodisme, toujours en se fondant sur les Écritures. C’est seulement la foi en Jésus-Christ qui fait de nous des enfants de Dieu. Il l’explique dans son message adressé à l’Université d’Oxford, le salut par la foi (sermon n° 1) :
« Et cette foi… reconnaît la nécessité et la vertu propitiatoire de la mort de Jésus ainsi que l’efficace de sa résurrection. Elle reconnaît sa mort comme l’unique moyen suffisant pour racheter l’homme de la mort éternelle, et sa résurrection comme notre restauration à la vie et à l’immortalité… La foi chrétienne, donc, n’est pas seulement un assentiment donné à tout l’Évangile de Christ, c’est aussi une pleine confiance dans le sang de Christ, un repos de l’âme sur les mérites de sa vie, de sa mort et de sa résurrection ; un recours à lui comme étant notre sacrifice expiatoire et notre vie, comme s’étant donné pour nous et comme vivant en nous, et partant, c’est recevoir Christ, s’appuyer sur lui, s’unir et s’attacher à lui comme à notre “sagesse, justice, sanctification et rédemption”, en un mot, comme à notre salut.»
Par conséquence, seule la sainteté parfaite de Christ, reçue et vécue dans la foi, peut produire cette sainteté de vie, consistant en l’amour de Dieu et l’amour du prochain.
La volonté de Dieu devient alors la nécessité de faire connaître à tous, nos amis musulmans y compris, leur besoin du seul Sauveur, sans lequel ils restent privés de la vie de Dieu, comme l’avait saisi John Wesley. Ceci, bien sûr, dans l’humilité, l’amour et la paix du Christ.
La réponse à donner aux 138 dignitaires musulmans ne pouvait évidemment être un appel direct à la conversion, mais n’y avait-il pas là l’occasion de rappeler, avec amour et humilité, la spécificité du salut par Jésus-Christ, éclairée par la tradition wesleyenne ?
“Tous au paradis” par JP Waechter
Selon l’acception néotestamentaire, un enfant de Dieu se caractérise bel et bien par son acceptation sans réserve de la Parole de Dieu faite chair, Jésus-Christ mort et ressuscité, et par son expérience de la nouvelle naissance (Jn 1.12-13). Ce terme est donc communément réservé aux chrétiens.
Selon toute vraisemblance, les évêques méthodistes appliquent le vocable d’« enfants de Dieu » aux créatures de Dieu en général : tout être humain est confronté à l’exigence d’amour, amour de Dieu et amour du prochain.
Comme le pasteur Pascal Gaudin le souligne, la théologie et le vécu méthodistes n’accréditent guère l’idée qu’un être humain puisse faire l’économie du salut en Jésus-Christ sous un prétexte ou un autre, ni que l’Église de Jésus-Christ soit dispensée d’évangéliser les enfants d’Abraham, sous prétexte qu’ils seraient déjà sur le chemin du salut. Notre Église est missionnaire dans l’âme et engagée dès l’origine sur tous les fronts dans l’annonce de l’Évangile, y compris dans des pays réputés fermés.
Dans leur réponse aux dignitaires musulmans, nos évêques ne pratiquent pas un dialogue au rabais. Ils n’esquivent pas les points litigieux persistants entre musulmans et chrétiens, puisqu’ils évoquent des points sensibles comme la mort et la résurrection du Christ, événements que récusent formellement les musulmans. Ainsi les évêques EEM nous donnent-ils un exemple positif de dialogue interreligieux.