Retour sur le débat autour du « mariage pour tous »
Voici la contribution très personnelle de Nicolas Farelly au débat sur « le mariage pour tous » dans le cadre de la chronique partagée avec le mensuel mennonite Christ Seul. Il invite à l’accueil et à l’écoute sans préjugés des personnes concernées. Son jugement sur le monde évangélique n’engage que lui.
Nicolas Farelly
Église baptiste de Compiègne, directeur de la formation à la Fédération des Églises évangéliques baptistes de France et directeur de l’École pastorale
Chose faite ?
Comment ne pas évoquer le sujet d’actualité de ce début d’année 2013 : « le mariage pour tous » ? À l’heure où j’écris ces lignes, le débat fait rage à l’Assemblée Nationale, même si l’issue des négociations ne fait pas beaucoup de doutes. Très bientôt, il sera possible aux personnes de même sexe de se marier en France.
Certains s’en réjouissent, d’autres le déplorent – et c’est leur droit. Nous ne pouvons que respecter les convictions des uns comme des autres. Cela dit, l’aspect très binaire du débat (soi pour, soi contre) n’aura pas favorisé les positions plus nuancées, celles mettant par exemple en avant la complexité des questions posées. Un de mes professeurs d’éthique à la faculté de théologie aimait souvent rappeler que « ceux qui proposent des réponses simples à des problèmes compliqués n’ont probablement pas assez réfléchi aux enjeux que ces problèmes soulèvent ». Il avait raison.
Nécessité d’un dialogue serein et d’une réflexion de fond
C’est pourquoi j’aurais aimé qu’un dialogue serein et une réflexion de fond soient engagés dans la société sur la question du mariage homosexuel. Malheureusement, ce dialogue et cette réflexion n’ont pas eu lieu. Nous avons eu droit, de part et d’autre, à des slogans, des réponses toutes faites, des injonctions, des réductions logiques et à une dramatisation du débat qui rendait les clivages toujours plus marquants. C’est là, pour notre société française, une preuve certaine d’immaturité.
Discussions & prise de position
Peut-on dire que les Églises évangéliques sont sorties du lot ? Disons plutôt que, dans une très large mesure, elles sont rentrées en chargeant dans la bataille. Avant même d’en débattre en leur sein, elles ont pris position, elles ont traité la question comme une évidence, elles ne se sont pas mises à l’écoute d’avis divergents. Aucune d’elle, d’ailleurs, aura-t-elle fait l’effort d’aller discuter de cette question avec des personnes ou des associations homosexuelles, de prendre le risque de la confrontation des idées, de la remise en question, du dialogue, du simple intérêt pour les personnes ? Cette absence de démarche active vis-à-vis de personnes homosexuelles est d’autant plus étonnante qu’elles auront clamé à maintes reprises « aimer le pécheur mais haïr le péché ». Le problème, c’est qu’elles n’ont pas montré, dans la pratique, en quoi elles aimaient les personnes homosexuelles… Dans la Bible, aimer, n’est-ce pas le don de soi, le service, l’écoute, l’accueil, et sur cette base parfois aussi le courage de dire notre désaccord (car aimer, c’est aussi dire la vérité) ? Dans l’ensemble, cette attitude d’amour envers les personnes homosexuelles n’a pas caractérisé nos milieux évangéliques pendant les mois qui ont conduit au vote de l’Assemblée Nationale. En cela, « la » position évangélique contre le mariage pour tous aura singulièrement et tristement manqué de légitimité évangélique.
Notre attitude à l’avenir ?
Si ce débat fut donc, à certains égards, une occasion manquée pour les Églises évangéliques, la vraie question qui doit les animer est à présent la suivante : comment vont-elles, en tant que communautés, agir chrétiennement face aux changements sociétaux qui s’annoncent ? Après la bataille des idées et des manifestations, seront-elles vaincues par l’accablement ou par la prostration ? Vont-elles tout simplement continuer à vivre comme si de rien n’était (option la plus probable) ? Ou vont-elles choisir, puisqu’il n’est jamais trop tard, la voie de l’amour ? Certes, c’est la voie la plus étroite et la plus difficile, mais n’est-ce pas la seule sur laquelle Christ désire nous voir marcher ? Oui, allons rencontrer des personnes homosexuelles. Mettons-nous à l’écoute de leurs joies et de leurs souffrances. Soucions-nous d’elles. Et réfléchissons, en communauté, à une pastorale digne et respectueuse à leur égard.