Enseignement

Origine, formation et histoire du Nouveau Testament

Dans le cadre de l'exposition biblique présentée à la page précédente, nous avons également organisé la projection du film « Jésus » sur grand écran, ainsi que deux conférences et le message du culte du dimanche donnés par le professeur Jacques BUCHHOLD, enseignant en Nouveau Testament à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine (Yvelines). Voici le résumé de la première conférence (donnée le 19 septembre 2003), les autres résumés suivront.


Origine, formation et histoire du Nouveau Testament (NT)
Cette première conférence était assez technique et présentait la formation du canon du NT.
Une grande fidélité
Le constat de départ est qu'aucune oeuvre de l'ancienne littérature classique n'est aussi fidèle que le NT :- Nous avons env. 5000 manuscrits du NT (certains ne comportent que des portions du NT, mais de nombreux manuscrits contiennent la totalité du NT) alors que nous ne disposons que de peu de copies des textes profanes (par ex. la « Guerre des Gaules » a été écrite entre 58 et 50 av. JC, nous en avons plusieurs manuscrits, mais seulement 9 ou 10 sont exacts !).- D'autre part, la distance dans le temps entre l'écriture effective et les premiers manuscrits que nous avons est très courte : les célèbres codex Vaticanus et Sinaïticus datent du troisième siècle ap. JC. Nous avons même le papyrus P52, qui contient quelques versets de l'Évangile de Jean et date de 125 ap. JC, alors que Jean écrivit son Évangile vers 85-90 : il y a donc seulement 35-40 ans de distance. Pour Virgile (le mieux « loti » des auteurs classiques), cet écart est d'env. 300 ans (NDLR : et pour la « Guerre des Gaules », il est d'env. 1000 ans).Examinons maintenant deux gros blocs de textes dans le NT : les lettres de Paul et les Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Nous n'avons pas le temps d'en examiner plus
Les lettres de Paul
Il y en a treize en tout (écrites en une vingtaine d'années maximum, de 48 à 67, peut-être 64).Que sait-on de la manière dont ces lettres ont été intégrées à un corpus : est-ce par hasard ? On sait d'après le témoignage de certaines épîtres de Paul que certains de ses écrits ont été perdus (la lettre à Laodycée ­ 1Co 5, la « lettre sévère » dont parle 2 Co, etc.). Il y a aussi de nombreux écrits chrétiens apocryphes : pourquoi ces écrits n'ont-ils pas été intégrés au NT ? Soulignons d'abord l'importance de la conscience qu'a Paul de sa responsabilité d'apôtre.
La responsabilité d'apôtre de Paul
Paul dit que l'Église a été construite sur le fondement des « apôtres et prophètes » (c-à-d. : « des apôtres, qui sont les prophètes du NT », pas « des apôtres du NT et des prophètes de l'AT) : Eph 2.20 et 3.5. Ceci montre que Paul a une forte conscience de son importance dans l'Église.De plus, dans un texte très explicite, Paul explique son rôle d'apôtre en se comparant à Moïse et dit de ses compatriotes juifs incroyants : ils font la lecture publique de l'ancienne alliance [l'Ancien Testament] S'il parle des juifs comme faisant la lecture de l'Ancien Testament, c'est qu'il a conscience d'écrire le Nouveau !Dans un autre texte, l'apôtre Pierre parle de ceux qui tordent le sens des lettres de Paul, « comme ils le font aussi desautres Écritures [A.T.] »On peut donc dire que l'importance et l'autorité que les chrétiens attribuent à ces écrits correspondent bien à l'esprit et au but dans lequel ils ont été écrits et qu'ils n'ont pas été rassemblés par une démarche arbitraire de l'Église.
La manière dont les choses se sont déroulées concrètement
Nous avons à notre disposition des écrits des Pères de l'Église qui datent d'avant la fin du premier siècle (par ex. la Didachè ou la lettre de Clément). Datant d'à peine plus tard, vers 120 ap. JC, nous avons aussi plusieurs lettres d'Ignace, évêque d'Antioche. Or, ce qui est surprenant, c'est que ces écrits contiennent de nombreuses citations explicites ou allusions provenant de diverses lettres de Paul. Tout se passe comme si les lettres de Paul n'avaient jamais circulé de manière isolée mais toujours sous la forme de collection. Par ex. : Clément de Rome cite la première épître aux Corinthiens et celle aux Éphésiens, mais aussi celle aux Hébreux.Murphy O'Connor (un grand exégète catholique) dit que le corpus paulinien circulait avec l'épître aux Hébreux vers la fin du premier siècle.Qu'en est-il de l'autre grand bloc de textes dont nous parlions : les Évangiles synoptiques (en grec, sunopsis signifie vue d'ensemble).
Les Évangiles synoptiques
Nous savons par les écrits des Pères de l'Église que les quatre évangiles circulaient dans le bassin méditerranéen dès la moitié du deuxième siècle au plus tard (c.-à-d. vers 150 ap. JC). Mais déjà avant la fin du premier siècle, plusieurs écrits (par ex. la Didachè) citent les évangiles (par ex. la version « matthéenne » du « Notre Père »). Comment ces évangiles sont-ils nés ?Seul Matthieu a été apôtre de Jésus-Christ, Luc était d'origine païenne et n'a jamais connu Jésus, ce qui semble être aussi le cas de Marc. Deux des évangiles sont donc le fruit d'un témoignage indirect.Y a-t-il des informations qui pourraient nous aider à préciser les choses ? Tournons-nous d'abord vers les Pères de l'Église.
Le témoignage de Papias et des Pères de l'Église
Le témoignage de Papias (évêque d'Asie Mineure, qui exerça son ministère probablement vers 120-130 ap. JC) est composé d'un grand ouvrage en cinq livres intitulé Exégèse des oracles du Seigneur. Cet ouvrage a été perdu, mais il est cité par Eusèbe de Césarée, qui nous apprend que Papias a été en contact avec des gens qui ont connu les apôtres. Papias écrit que :- Marc a accompagné Pierre, qui avait noté ce que Jésus avait dit,- Matthieu réunit en langue hébraïque les dires de Jésus, puis les traduisit en grec.De plus, Clément d'Alexandrie nous révèle que les évangiles contenant les généalogies de Jésus (c.-à-d. Matthieu et Luc) ont été écrits avant celui de Marc. Voyons maintenant le témoignage de Luc.
Le témoignage de Luc
D'après les premiers versets de son évangile, Luc s'est basé pour l'écrire sur une minutieuse enquête qu'il a réalisée sur le terrain, mais aussi sur des sources écrites. Ces sources écrites ne seraient-elles pas, entre autres, l'écrit rédigé par Matthieu en hébreu et traduit en grec ?Cherchons à préciser ce qu'il en est de ces sources.
Les sources de Luc, Matthieu et Marc
Si on compare les trois évangiles synoptiques, ils ont 330 versets communs. Si on les extrait, ils forment presque un livre cohérent ! Ces 330 versets, qu'on appelle la triple tradition, renvoient de toute évidence à une source écrite. Celle-ci ne serait-elle pas l'écrit hébreu de Matthieu traduit en grec, très différent du Matthieu actuel mais proche du Marc actuel ?De plus, on répertorie 178 autres versets qui ne se trouvent jamais dans Marc mais toujours uniquement dans Matthieu ou dans Luc et qui forment des sections cohérentes.D'où l'hypothèse de nombreux théologiens d'un recueil très ancien de paroles de Jésus (logia). Matthieu et Luc auraient repris cette source et l'auraient introduite à d'autres endroits dans leurs écrits. Cette source est appelée « source Q » (source se dit Quelle en allemand).Cette hypothèse se base premièrement sur le fait qu'on a retrouvé à Nag Hamadi un évangile de Thomas ne comportant que des paroles de Jésus. Cela confirme bien que quelque chose de tel circulait dans les Églises. Deuxièmement, la lettre de Jacques (qui est la première lettre du NT et date probablement du milieu des années 40) ne mentionne pas la vie de Jésus, mais contient beaucoup d'allusions à des paroles de Jésus (par ex. : « Que ton oui soit oui »). Ceci suggère l'existence de cette « source Q » dès une date très ancienne.En conclusion, les trois évangiles synoptiques, qui ont été acceptés très tôt comme liés à un apôtre (Matthieu, ou Pierre ­ Marc se base sur le témoignage oculaire de Pierre, ou Paul ­ Luc écrit sous l'autorité de Paul) ont été constitués avec un grand soin et sont le fruit d'une histoire. De plus, chaque évangile a une optique particulière.
L'origine des évangiles synoptiques
À la lumière de ce que nous avons vu, comment reconstruire l'histoire des synoptiques?- Matthieu : Mt hébreu traduit en grec + source Q + témoignage supplémentaire de Mt, témoin oculaire.- Marc : Mt hébreu traduit en grec + témoignage oculaire de Pierre.- Luc : Mt hébreu traduit en grec + source Q + autre(s) source(s) (livret des paraboles) + enquête sur le terrain avec témoignages (Marie, etc.), sous l'autorité de Paul.

A suivre
Christian BURY