"Afin que le monde connaisse Jésus-Christ!" (Jn 13,31-34-14,31)
Grégoire Chahinian, pasteur de l'EEM Montélimar
Le thème de notre séminaire est bel et bien inscrit dans le texte de l’Évangile de Jean qui nous est proposé. De fait, il encadre tout ce texte :
– Il est au début (13.35), sous forme d’affirmation prononcée par le Christ lui-même : A ceci, tous connaîtront que vous êtes mes disciples…
– Il est à la fin (14.22), sous forme de question inversée posée à Jésus par Jude : Comment se fait-il que tu doives te faire connaître à nous et non au monde ?
Je comprends alors pourquoi nous sommes invités à nous arrêter sur ce texte afin de nous laisser interpeller par lui.
Plutôt qu’une exégèse, je propose de placer des repères à partir de quelques remarques.
Le jeu du mouvement
Tout d’abord, il y a le jeu du mouvement, du déplacement, le jeu des entrées et des sorties, le jeu du chemin à suivre. Le texte en est rempli :
a) Au début (13.31) : Judas sortit.
b) À la fin (14.31) : Levez-vous, partons d’ici.
c) Les propos des disciples – leurs questions plutôt – tournent autour du mouvement, du déplacement, du chemin que Jésus doit suivre et du leur aussi :
– Pierre (13.36) : Seigneur, où vas-tu ?
– Thomas (14.5) : Comment en saurions-nous le chemin ?
d) les affirmations de Jésus sont axées sur son départ à lui, et sur l’arrivée d’un autre comme lui, du Paraclet. Et il est impératif, dit Jésus, que ce mouvement de départ et d’arrivée ait lieu pour le bien des disciples, pour leur maturation. Ce mouvement est tellement indispensable dans le plan conçu par le Père céleste que de ne pas y adhérer, que de ne pas y souscrire, serait considéré comme un manque d’amour à l’égard du Christ (14.21) : Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le Père céleste. Aimer le Christ, c’est accepter de le laisser partir, c’est savoir le laisser s’en aller, le laisser retourner vers le Père céleste !
Le texte est donc structuré avec ce jeu de déplacement, de mouvement. Pour les disciples, cela implique :
– Une acceptation : leur Maître va s’absenter ;
– Un apprentissage : vivre leur vie de foi en prolongeant la personne et l’œuvre de leur Maître ;
– Une mission : faire connaître au monde quelqu’un qui est désormais absent !
Le jeu des questions-réponses
A cette première structure, j’en relève une seconde qui la visualise (la met en lumière) encore plus : celle des questions-réponses entre les disciples et leur Maître.
Ce dialogue est une succession de questions posées par les disciples, et le Maître leur répond en leur enseignant les vérités spirituelles.
a) La question de Simon Pierre (13.36) : Seigneur, où vas-tu ? appelle la notion d’éternité ;
b) Celle de Thomas (14.5) : Seigneur, nous ne savons où tu vas ; comment en saurions-nous le chemin ? fait référence à la connaissance ;
c) Celle de Philippe (14.8) : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit,implique, quelque part, la vision réelle de la réalité ;
d) Quant à Jude (14.22) : Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non au monde ? fait référence à la relation désormais possible entre la divinité et l’humanité.
Ces questions sont simples (éternité, connaissance, réalité, relation) ; elles reprennent, avec leurs propres termes, les raisons subjectives ou non qui poussent les humains à rechercher Dieu.
Et nous constatons que Jésus répond aux questions de ses disciples. Ses réponses ne sont pas toujours claires et faciles à comprendre ; elles sont même énigmatiques, et je ne m’aventurerai pas ce matin à les expliquer. Ce que je veux simplement souligner ici – et vous l’aurez remarqué vous-mêmes : Jésus se place lui-même au centre de la réponse pour faire comprendre à ses disciples, pour nous faire comprendre, qu’il est la réponse aux questions existentielles de l’être humain ! Dans sa bouche, il n’y a pas d’autre réponse possible, il n’y a pas d’autre moyen d’avoir une réponse satisfaisante. Il est la réponse !
Faire connaître le Christ : comment ?
Vient alors la question du comment faire connaître Jésus-Christ au monde, à nos voisins.
a) D’une part, en écoutant les questions existentielles de nos contemporains, en les prenant au sérieux. Cela implique d’attendre l’énoncé de leur questionnement avant d’y répondre. Les qualités d’écoute, de sagesse et de patience sont indispensables pour cette écoute !
b) De corroborer nos réponses en manifestant à ceux qui nous questionnent un amour communautaire exemplaire (je n’ai pas dit sans faille !). Il n’y a pas d’affirmation plus explicite que l’injonction d’amour : A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres (13.35).
C’est cet amour communautaire là qui devient le lieu de vérification de la réalité du Jésus désormais absent !
L’amour vécu entre les membres de la communauté chrétienne devient le test de la véracité de l’être absent, du Christ !
L’amour vécu entre les membres de la communauté chrétienne devient le test de la validité des réponses que nous apportons aux questions de nos contemporains !
Il est absent, certes oui ! Mais ce qu’il est, ce qu’il a dit être, ce qu’il a fait, ce qu’il a dit vouloir faire, est bel et bien vérité puisque ceux qui se réclament de lui le vivent !
Ils disent qui ils sont : des disciples du Christ ; et ils font ce qu’ils disent être : ils s’aiment ! L’authenticité et la qualité sont des valeurs chrétiennes indispensables pour vivre un amour vrai.
Faire connaître le Christ : comment ? En faisant de nos Églises des centres d’amour. Je ne pense pas que nous soyons à la recherche de nouvelles recettes pour dynamiser notre évangélisation. Ce matin, mon propos est de rappeler simplement ce que nous savons déjà : le commandement – ancien et nouveau à la fois –, celui de nous aimer les uns les autres, à l’intérieur de nos familles, de nos communautés, de nos unions d’Églises.
Si le désir est là, alors réclamons du Seigneur son Esprit, pour nous apprendre à nous aimer, concrètement, avec le terreau qu’est notre humanité !