Musicologue et pasteur
Interview du pasteur Jean-Claude Thienpont (EPUB, Bruxelles)
Propos recueillis par JP Waechter
Il est pasteur d’une ancienne paroisse méthodiste aujourd’hui rattachée à l’Eglise protestante unie de Belgique (EPUB). Le musicologue s’exprime pour ENroute sur la richesse du patrimoine méthodiste et la place du chant dans la vie de l’église. Il nous redit sa passion pour communiquer l’Evangile au monde d’aujourd’hui. L’interview était réalisé lors du Séminaire pour l’évangélisation en janvier janvier 2006 à Sète.
ENroute (ER) — Tu participes pleinement aux débats et aux échanges sur la mission impartie à l’Église, « afin que le monde croie que Jésus-Christ est le Seigneur », tu es à l’aise ?
JCT — Oui, je suis à l’aise. Je n’ai pas ressenti de problème d’adaptation. Une des composantes de l’Église Unie de Belgique (EPUB), environs 10 % de l’ensemble des paroisses sont d’origine méthodiste et comme moi-même je suis pasteur depuis un an de l’une de ces paroisses (anciennement) méthodistes, au fond de moi-même j’aspirais à cette rencontre. Le séminaire sur l'évangélisation était une occasion à saisir pour découvrir les racines de ma propre communauté et je le vis avec délectation. Cette fraternité et cette vision très forte du mouvement méthodiste wesleyen mondialfont réellement du bien
Le méthodisme, mouvement missionnaire
ER : Un mouvement qui encourage l’évangélisation, l’annonce explicite et lyrique de l’Évangile.
JPT — Oui! Et puis j'entends ce lien fort, qui a été rappelé avec insistance, entre la doctrine, la discipline et l’esprit -- discipline dans le sens de prendre au sérieux tout ce qu’implique le fait d’être croyant. Ces trois éléments sont reliés d'une manière qui n’existe pas toujours dans la même forme dans d’autres églises, dans d’autres spiritualités. Et puis, l'insistance sur une réelle vision de l’évangélisation mondiale nous lance un défi. Nous venons en effet d’un petit pays, où les protestants sont minoritaires, et ce qui reste du méthodisme encore plus minoritaire au sein de ce protestantisme minoritaire. Le fait d’être une minorité conduit parfois à des réflexes de repli et d’autodéfense : on devient avant tout soucieux de sa propre survie. Le fait de participer à ce séminaire nous en a fait prendre conscience ensemble et amène les 4 délégués venus de Belgique à sortir de notre coquille. Nous devons regarder plus loin que cette occupation première et nous situer dans un mouvement d'ensemble qui s'étend au monde entier.
Ancrage local, action globale
ER — Cela rejoint ce que disait John Wesley « Le monde est ma paroisse », le travail local, c’est un travail global.
ER — Voilà! Les deux sont fortement interconnectés. J’ai aussi remarqué à quel point ce qui semblait être une grande invention moderne, les petits groupes, les groupes de partage, en fait, a déjà été expérimenté, formulé, pratiqué, approfondi il y a plus de deux siècles . C'est encourageant de savoir que cette approche fait partie de notre tradition. Pour les Européens, cela fait peut-être aussi du bien de savoir qu'il ne s'agit pas d'un produit d'importation américaine. Mais… cela nous montre aussi que l'Église, après avoir développé des choses, peut aussi les perdre, voire les oublier. Je crois que c’est important pour certains de savoir.
Richesse hymnologique
ER — Autre richesse qui n’est pas toujours connue à sa juste valeur, la richesse hymnologique, la part et la place du chant dans l’Église. C’était le propre de tout réveil et de toute réforme et réformation et donc du réveil méthodiste que d’être inventif sur le plan hymnologique avec les frères Jean et Charles Wesley. On est en train de le redécouvrir en francophonie apparemment ?
ER — Oui, sûrement ! Dans les églises anglaises et anglophones, une grande partie est restée. Les Églises francophones n'en ont jamais connu qu'une partie… parfois bien vite oubliée. Ceci dit, je crois que chaque génération produit ce dont elle a besoin. C’est une grâce de la part de Dieu qu’elle puisse s’exprimer à sa manière, qu’elle puisse transmettre la foi à sa manière. Toutefois, de tout ce qui est produit à une époque, seul un reste subsistera qui, par sa qualité, par sa densité et peut-être par une sorte de "valeur ajoutée" parviendra jusqu'à la génération suivante. Je crois qu'il n'est pas possible de tout garder. Sinon, nous chanterions encore toujours le grégorien par exemple. Il a fallu les Psaumes de la Réforme, les chants du Réveil, entre autres du réveil wesleyen. Mais les générations qui suivent doivent chaque fois se poser la question : de quoi avons-nous besoin aujourd’hui, de quoi pourrions-nous profiter aujourd’hui, dans cet héritage ? Le prototype de mini-recueil utilisé pour chanter durant ce séminaire représente un tel effort. On voit que l'équipe a essayé de trouver quels sont les chants qui par leur contenu, leur sens, leurs paroles, leur mélodie bien accessible, etc. restent pleinement d’actualité, valent la peine d’être chantés et rechantés. Mais on voit aussi que, dans une perspective vraiment universelle, ils proposent d'intégrer des chants d’origines très diverses, entre autres africaine, mais aussi cambodgienne, coréenne, donc asiatique. Et ils ont fait des trouvailles. Cette petite collection de cantiques anciens et nouveaux permettra à de nombreux chrétiens de se rencontrer et de vivre la réalité du monde d’aujourd’hui d’une façon spirituellement intense. Il y a là une belle initiative , qui fera du bien au monde méthodiste… et à beaucoup d'autres croyants.
Signe d’une église vivante
ER — Il y a donc ici effort de création, signe palpable de réveil, de fidélité, c’est le signe d’une église vivante ?
JCT — Oui, absolument. Une église vivante sait à la fois reconnaître son héritage, ses racines et en faire bon usage, mais ne s'y limite pas et ne se calfeutre pas dans le connu. Elle explore courageusement, audacieusement et avec amour ce qui n’est pas encore connu. En tant que chrétiens, nous recevons un héritage qui remonte aux apôtres et même au-. Mais nous vivons aussi par l’Esprit, qui nous anime d'un souffle nouveau. Cette collections de chants exprime bien cette réalité et de ce que doit être l’Église.
ER — Ce que nous vivons ici à Sète, c’est un rassemblement entre croyants du Nord et du Sud, de l’Est à l’Ouest, un petit microcosme de la réalité à venir, un reflet de ce qui nous attend plus tard encore….
Diversité du peuple de Dieu
JCT — Beaucoup d’intervenants ont souligné le fait que, d’une part nous faisons intégralement partie de l’Église universelle mais que cela n'exclut pas le fait d'avoir une identité propre et de désirer vivre cette identité de la meilleure façon possible. Ces identités différentes sont possibles s'il y a convergence par rapport au but. Il y a une communion au départ, parce que nous nous reconnaissons dans ce qui constitue "le saint dépôt" et il y a une communion finale, une convergence dans l’aboutissement: faire connaître Jésus-Christ dans le monde d’aujourd’hui. Dès lors, la diversité n’apparaît plus comme une division mais comme un de ces avatars de l’histoire qui donnent des richesses différentes et à propos desquelles on peut parler et discuter de façon très ouverte.
Face à un immense défi
ER — Mais nous prenons conscience aussi de l’importance du défi et de l’énormité de la tâche qui est devant nous…
JCT — Honnêtement, quand notre petit groupe régional a réfléchi aux implications pratiques, nous en avons repris conscience. Oui! C'est énorme. Car il y a un monde à atteindre et nous ne sommes qu'une poignée. Nous ne pouvons que demander au Seigneur de nous donner non seulement des moyens mais aussi la foi nécessaire pour accomplir la part de chemin que nous avons à faire. Les résultats dépendent de Dieu, ils ne dépendent pas uniquement de nous ; par contre, si j’ose reprendre ce thème très wesleyen, notre sanctification, notre proximité de Dieu, notre vie et notre engagement relèvent de notre responsabilité. Pour le pasteur que je suis, le fait d’être réuni en Congrès a un effet très rafraîchissant. Cela nous sort du labeur quotidien pour nous replonger dans une perspective plus large et plus élevée. C'est particulièrement stimulant. Et j'en suis – nous en sommes – très reconnaissant!
ER — Merci.