L'accueil du réfugié
Emmanuel Briglia
pasteur
L'accueil du réfugié Emmanuel BrigliaPasteur« Je cherche en toi mon refuge » (Ps 7.2). Fondement même de l’histoire biblique, chaque homme devant Dieu
est un réfugié. L’exil et le refuge sont les deux faces d’une même réalité. Souvent perçu comme une malédiction, l’exil cache en lui-même les promesses de la bénédiction. Ce furent Adam et Eve chassés de l’Eden et cherchant un abri dans une terre inhospitalière (Gn 3.24). Puis vint Noé en exil forcé dans son arche, s’éloignant ainsi d’une humanité pervertie (Gn 6), à la recherche d’une terre plus accueillante. Abraham exilé en Egypte (Gn 12.1-4) recevant, loin de la terre de son père (Gn 12.10) la promesse d’un pays en héritage. Isaac, vivra aussi l’exil, contraint à demander refuge aux Philistins (Gn 26.1), c’est dans ce lieu incertain qu’il entendra Dieu lui promettre la terre (Gn 26.3) sur laquelle il n’était qu’un étranger… Fuyant la vengeance et la mort, Jacob, sur les conseils de son père, se sauvera chez son oncle Laban (Gn 28.43), vendu par ses frères, il connaîtra l’exil (Gn 37). Moïse se cachera au pays de Madian (Ex 2.15) afin d’éviter l’impitoyable jugement du pharaon… David s’éloigna de la colère de Saül (1Sm 27.1)… Jésus lui-même n’a-t-il pas connu le statut d’exilé dans une terre étrangère (Mt 2.19-22), Dieu l’appelait ainsi à la réalisation de ses promesses (Mt 2.15), nous invitant à une nouvelle compréhension de la Loi : « L’Eternel, votre Dieu, est le Dieu des dieux, le Seigneurs des seigneurs, le Dieu grand, fort et redoutable, qui ne fait pas de considération de personnes… qui aime l’immigrant et lui donne nourriture et vêtement. Vous aimerez l’immigrant car vous avez été des immigrants dans le pays d’Egypte » (Dt 10.17-19). Lui, Jésus, l’enfant exilé en Egypte, qui a vécu les angoisses de la persécution dans son pays d’origine, dira à ses disciples : «… j’étais étranger et vous m’avez recueilli… dans la mesure où vous avez fait cela à l’un de ces petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25.35c-40b). Il n’y aucune raison valable de se détourner de ce commandement : accueillir un demandeur d’asile, c’est recevoir le Roi des rois…
Dans le Nouveau Testament, Pierre dans sa première épître utilise le mot « paroikia » (paroisse !) pour désigner la transition et l’éloignement, un état de « sans résidence ». Aussi dit-il en 1P 1.17 « le temps de votre paroikia », souvent traduit par « séjour sur la terre ». Or il s’agit là de l’appartenance ou non à un groupe. Dans le droit romain du premier siècle, les « paroikoi » (paroissiens) sont une catégorie marginale de la population. Enregistrés administrativement, ils sont des « étrangers sans résidence fixe ». Pierre rappelle à ces hommes et ces femmes « en exil » que Dieu offre un abri à l’étranger ; que leur statut social loin d’être un malheur peut être un criant appel de Dieu. Un appel que nous devons entendre et mettre en pratique en suivant les trois aspects d’une même réalité décrite en Dt 26.1-11 : confesser sa foi, offrir la meilleure part de ce que chacun récolte et faire la fête avec celui qui est sans terre (lévite) et l’étranger loin de chez lui.
Les Ecritures nous invitent à reconnaître que l’accueil du demandeur d’asile n’est pas qu’une question de politique ou d’éthique mais un acte constitutif de la vie spirituelle, tout comme il l’était pour le pieux Israélite.
Pour nous, chrétiens, nous savons aussi que nous sommes en exil, « nous dont le seul refuge a été de saisir l’espérance qui nous était proposée » (Hb 6.18b).
En hébreu, le mot « fer » n’évoque pas uniquement celui qui n’a pas de pays, mais son sens est plus fort que cela encore : il dit que celui qui est sans asile est menacé de disparition. Aussi devons-nous tout mettre en place pour alléger les souffrances de ceux qui sont contraints de quitter leur pays et qui, arrivés sur notre territoire, nous demandent l’hospitalité. S’il en était autrement, comment pourrions-nous proclamer que nous sommes disciples de Jésus, et dire avec lui au soir de la Pâque, d’une seule voix, l’histoire de son peuple, de notre peuple : « Mon père était un araméen errant… » (Dt 26.5).