Réflexions sur la tragédie en Norvège
Olav Fykse Tveit1
Les deux dernières semaines de juillet, je passais mes vacances d’été en compagnie de ma famille, d’anciens collègues et d’autres amis dans mon pays d’origine, la Norvège. Il s’avère que mes déplacements m’ont conduit à Oslo le 22 juillet. Alors que je quittais la ville, j’ai appris la terrible nouvelle des tueries perpétrées dans la capitale et dans le camp de jeunes de l’île d’Utøya.
Comme de nombreux Norvégiens, je connaissais certaines des victimes et leurs familles bouleversées. L’une des personnes tuées sur Utøya était le fils d’un responsable norvégien qui m’avait rendu visite quelques mois auparavant au siège du Conseil œcuménique des Églises à Genève. Comme de nombreux Norvégiens, j’ai encore du mal à me dire que tout cela s’est véritablement produit.
L’homme qui a avoué être l’auteur de ce carnage insiste pour dire qu’il a agi pour défendre la "culture chrétienne". Il s’était convaincu que les diverses "civilisations" devaient inévitablement "s’affronter". Il se trompe lourdement.
Dans une réaction pastorale unie à la tragédie du 22 juillet, les Églises de Norvège ont montré comment incarner une culture chrétienne authentique et se conformer aux véritables valeurs chrétiennes. Elles travaillent dans la collaboration et l’empathie avec les représentants des autres religions. Le peuple norvégien montre qu’une réponse non violente à la violence est la réponse la plus forte et la plus courageuse qui soit.
Je revois encore et encore cette image d’un pasteur chrétien et d’un imam musulman se tenant côte à côte à l’enterrement de l’une des jeunes victimes de ce déchaînement de violence. Cette image a fait le tour du monde. Elle est quasiment devenue un symbole emblématique de la détermination à édifier une société durable, bienveillante et ouverte – ensemble.
Beaucoup de gens de divers pays m’ont dit avoir ressenti un profond encouragement en voyant tous les Norvégiens, quelle que soit leur origine, offrir une réaction positive commune à la terreur, et ce malgré la douleur qu’elle a causé.
Nous, les Églises, sommes engagées à œuvrer ensemble pour la paix juste. À cette fin, nous nous efforçons d’édifier des sociétés ouvertes, où tous les individus sont considérés comme des êtres humains ayant leurs droits et leurs obligations, et où les comportements injustes et répréhensibles sont condamnés. Nous devons consulter notre conscience – sur ce que nous disons et ce que nous ne disons pas – et maintenir le dialogue avec notre prochain.
En ces temps difficiles, nous sommes appelés à réfléchir aux conséquences de la valeur chrétienne la plus fondamentale : le commandement d’aimer son prochain.
Nous voyons à quel point cela est nécessaire quand surgissent la douleur et la mort. Nous voyons à quel point nous avons besoin de l’étreinte de l’amour et du respect entre nous tous. Nous voyons à quel point le commandement d’aimer est nécessaire quand nous réfléchissons en toute honnêteté aux profondes difficultés qu’entraînent les modifications des flux migratoires et une société de plus en plus multireligieuse.
Pour chacun et chacune d’entre nous, la catastrophe du 22 juillet résonne comme un terrible avertissement.
1 Le pasteur Olav Fykse Tveit est le secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises et un pasteur ordonné de l’Eglise de Norvège.
La personnalité du tueur
Marc Opitz
Psychiatre, membre de l’EEL de Paris
Acte fou d’un fou à lier ?
Anders Breivik est décrit comme une personnalité solitaire, qui ne se reconnaît dans aucun groupe et qui se réfugie dans le monde virtuel des jeux vidéo. Il semble correspondre au profil classique du « tueur de masse ». Au travers d'une spécificité de nos sociétés postmodernes où le lien social se désagrège de plus en plus, s'atomise, sans références communes fortes et stables auxquelles s'identifier et qui peuvent donner du sens à la vie. ...
Dans ce vide généralisé de sens et où la religion, cantonnée à la sphère privée et au salut des âmes, ne donne plus de valeurs communes de justice et d'espérance, chacun se trouve contraint de se « bricoler » une identité et de trouver un sens qui tienne la route. Et certains n'ayant pas les capacités psychologiques personnelles pour assumer un tel travail, ne trouvant par ailleurs aucun point d'appui stable dans le discours social, se réfugient dans les sectes, s'enfoncent dans la maladie mentale, la dépression, la marginalisation sociale ou, comme Breivik, passent à l'acte de façon brutale et insensée pour éviter de sombrer définitivement dans la folie, pensant trouver ainsi dans leur acte fou un fondement solide à leur existence.
Extrait tiré de PLV 11/75
ATTENTAT ET TUERIE EN NORVÈGE