Au-delà de nos frontières

EXPERIENCES VECUES AU CAMBODGE

" Affermis l'ouvrage de nos mains, oui, affermis l'ouvrage de nos mains !"

(Ps. 90, 17)


Jamais le sens de cette prière ne m'a paru plus concret que cet après-midi du dimanche 12 février 2000, au bord d'un cours d'eau, affluent du fleuve Stung-Sen.

Mais précisons d'abord les circonstances. Qu'allions-nous faire là-bas, dans cette campagne reculée du Cambodge? Avec les pasteurs Kean UNG et Patrick STREIFF nous venions de terminer la première semaine d'enseignement pour 97 responsables d'Églises méthodistes, réunis pour deux semaines intensives dans la capitale, Phnom-Penh. Profitant du week-end libre, nous avions décidé d'aller visiter les Églises méthodistes de Kompong-Cham, Kompong-Thom ainsi que quelques-unes des six nouvelles Églises ouvertes depuis 1995 dans la province de Kompong-Thom par M. VEN VUN CHHEN, pasteur de cette Église et ses collaborateurs.

La route était bonne jusqu'à Kompong-Cham et assez bonne jusqu'à Kompong-Thom. Nous avions pu y visiter les lieux où, Dieu voulant, sera bientôt construite une nouvelle Église pour les 215 membres actuels de la communauté méthodiste. Pour aller vers Sandan dans le district de Stung-Sen (à 80 km à l'Est de Kompong-Thom) ce fut une autre affaire, pas de vraie route, mais plutôt une piste parsemée d'obstacles tels que bancs de sable, marécages, trous profonds et ponts en mauvais état. Seuls des chars à boeufs et des véhicules "tout terrain" peuvent y circuler pendant la saison sèche. Pendant la saison des pluies on utilise des vélomoteurs et des canots. Grâce à Dieu et à notre chauffeur conduisant sa camionnette 4 x 4 avec l'habileté d'un pilote du Paris - Dakar, nous arrivons à temps au village de Roneam Mean Chey-Sandan, après 3 heures de route et un ensablement.

Quelle joie de célébrer le culte avec la communauté méthodiste de ce village, passée de 3 membres à 118 depuis 1996! Tous assis en tailleur sur des nattes dans une grande maison traditionnelle en bois et sur pilotis, nous avons chanté, prié et écouté la Parole de Dieu. C'est avec grande reconnaissance aussi que fut accueillie la nouvelle qu'aux moyens et travaux des chrétiens du lieu s'ajoutera maintenant l'aide solidaire de l'oeuvre missionnaire de l'Église Évangélique Méthodiste, afin de permettre la prochaine construction d'une Église pour la commune de Sandan.

Le retour allait nous réserver des difficultés imprévues. Arrivés près d'un pont situé au fond d'un ravin, nous voyons le désastre: un petit camion, lourdement chargé a défoncé le pont de bois et y reste bloqué, empêchant toute traversée à cet endroit. Combien de temps faudra-t-il pour le sortir de là et pour réparer le pont? Nous devons rebrousser chemin, revenir au point de départ et prendre une autre piste encore plus difficile et nous voilà devant un autre pont: poutres et planches branlantes, pourries, cassées ou carrément manquantes. L'eau est profonde et les rives bordées de massifs de bambous. Impossible de traverser le pont dans cet état. VEN VUN CHHEN et les deux responsables de l'Église de Kompong-Cham (Sin Ten et Um Lin Khorn) vont récupérer des planches sur les restes du prochain pont à 200 m de là. Notre pont, ainsi consolidé supportera-t-il la charge? Nous ignorons quelle sera la résistance des deux poutres qui supportent le tout.

L' "ouvrage de nos mains" est maintenant achevé, nous ne pouvons faire autre chose que prier. Le chauffeur décide de tenter seul le passage. Nous nous plaçons près du pont et prions dans le même sens que le psalmiste:

"Éternel notre Dieu, que ta grâce soit sur nous, Affermis l'ouvrage de nos mains, Oui, affermis l'ouvrage de nos mains!"

La voiture prend son élan et, dans un rugissement impressionnant franchit le pont qui vacille, mais tient bon. Nos supplications se transforment en "Alléluia!" sonores. Oui, au moment opportun, l'Éternel a bien voulu affermir l'ouvrage de nos mains!

Il s'agit maintenant de contourner le prochain pont, totalement impraticable. Le chauffeur nous demande de continuer à pied pendant qu'il ira chercher à travers la campagne un passage à gué. Nous avançons sous un soleil cuisant et voyons la voiture s'éloigner puis, soudain, s'arrêter. Le chauffeur a presque terminé son contournement mais le voilà bloqué par un passage marécageux. Il court à droite et à gauche pour trouver une autre voie, mais en vain. Nous prions à nouveau: "Seigneur, protège-le pour qu'il ne mette pas le pied sur une mine", il y en a encore tellement et elles font tant de victimes! Nous disons un profond "Merci, Seigneur!" lorsqu'il revient enfin à sa voiture.

A nouveau, l'"ouvrage de nos mains" devient nécessaire. Avec du bois, des branches, de la paille et des herbes sèches un chemin provisoire est construit dans la vase.

A nouveau les prières montent vers Dieu, le moteur hurle, les roues patinent, la boue gicle puis, péniblement la voiture rejoint la piste. Le plus dur est fait!

Nos coeurs sont pleins de reconnaissance envers le Seigneur pour tous les signes de sa bonté et de sa puissance manifestés dans le développement de son Église à Sandan et dans le district de Stung-Sen.

Je crois aussi que nous n'oublierons jamais l'enseignement si précieux qu'Il nous a donné sur ce chemin, c'est-à-dire l'efficace complémentarité entre sa grâce, notre prière et notre action, ainsi qu'entre l'oeuvre imparfaite de nos mains et la perfection de sa puissance et de son amour envers nous.

Quant à l'oeuvre des Églises chrétiennes au Cambodge, prions tous pour que l'Éternel l'affermisse solidement et durablement.

Daniel HUSSER