Enseignement

Confession de foi et identité de l'Église
(Daniel BERGESE, animateur biblique à l'Église Réformée Évangélique Indépendante)
Pastorale commune (EEM / EMF) Agen 29-30 octobre 2000

Confessions anciennes, Nicée-Constantinople :
Le "Symbole de Nicée" date du IVe siècle. Son préalable a été le "Symbole des Apôtres , avec lequel il a beaucoup de points communs (structure trinitaire, expressions communes, Église universelle à la fin). Les quelques différences portent sur le Fils, que le "Symbole de Nicée" développe plus. Ce dernier comporte aussi une finale plus élaborée.
Au IVe siècle, la controverse arienne (c.-à-d. relative à l'arianisme) battait son plein (Arius, disait qu'il ne peut pas y avoir de pluralité en Dieu : seul le Père est éternel, et le Fils est créé. Il en faisait donc une sorte de créature intermédiaire entre Dieu et l'homme). L'empereur Constantin convoqua le premier concile universel, en 325 à Nicée, pour trancher la question.
Le texte de Nicée commence par " nous croyons ", ce qui le distingue d'emblée du symbole des apôtres (" je crois "), et en fait premièrement un texte d'Église.
Avec " un seul Dieu ", il affirme bien sûr le monothéisme, et réfute l'arianisme, qui accusait les chrétiens d'adorer trois dieux. Il affirme la foi en Jésus-Christ, " Fils de Dieu, né du Père " insistant plus sur son origine que sur sa descente sur terre : il veut montrer que le Fils n'est pas un être extérieur au Père, mais engendré à l'intérieur même de l'être de Dieu. Il est " Dieu venu de Dieu, Lumière issue de la Lumière, vrai Dieu venu du vrai Dieu " : on a là une lourde insistance sur l'égalité Père ­ Fils, ce Fils qui est d'une même substance que le Père (homoousion to patri). Le texte évoque ensuite l'activité créatrice du Fils (cf. Phil 2), et son incarnation, avec plusieurs reprises du Symbole des apôtres.
" Nous croyons en l'Esprit saint " : il n'y a pas de débat sur le Saint-Esprit, pas plus que sur l'Église et son attente.
Entre les deux conciles, l'Occident reçoit la formule de Nicée favorablement, mais elle est critiquée en Orient. En 381, le Concile de Constantinople, réuni par Théodose, rajoute quelques précisions, parfois reprises du symbole des apôtres, et surtout un développement sur le Saint-Esprit (la formule du filioque - " qui procède du Père"et du Fils ­ fut rajoutée lors d'un concile du 6e siècle).
Confession de la Rochelle :
Cette Confession s'inscrit dans le mouvement de la Réforme. En 1545, en France, est constituée la 1re Église Réformée (Meaux). Puis, 2000 Églises sont fondées entre 1555 et 1570. Du 25 au 28 mai 1559 a lieu un synode (c.-à-d. un concile) pour fonder l'Église Réformée de France. Il a lieu dans la clandestinité, et a pour but d'adopter une " discipline " et une confession de foi communes. La rédaction de la confession de foi est confiée au genevois Jean CALVIN, dont le texte est légèrement modifié avant d'être adopté, et imprimé à la fin des Bibles (40 articles). A cette époque, les confessions de foi " pleuvent ", il y en a 19 de 1523 à 1649 !
Le texte de la " Confession de la Rochelle " est beaucoup plus long que celui du " Symbole de Nicée-Constantinople ". En effet, ce n'est pas un texte à vocation cultuelle ou catéchétique, et il faut s'exprimer sur beaucoup de sujets. On y distingue sept thèmes :
1. la doctrine de Dieu (articles 1, 6 à 8, 14 et 15) ;
2. la doctrine du salut : 10 articles (12, 13, 16-22, 24). Il s'agit du thème initial de la Réforme : le salut repose en Christ, il est pure grâce, reçu par la foi seule (article 20), et il n'y a aucune justification par les oeuvres ;
3. la situation de l'homme : 3 articles (9-11). Il est impossible à l'homme de se sauver lui-même, car il est totalement corrompu (mais heureusement pas absolument). Ainsi, on parle parfois du " pessimisme " de la doctrine réformée ;
4. l'Église (articles 25-33), avec la nécessité du temple. Il est à remarquer que l'Église fait partie des articles de foi, comme déjà dans le " Symbole des Apôtres ". Cela se démarque du système romain, et des systèmes anti-institutionnels, comme les anabaptistes ;
5. Sola scriptura : 5 articles (2-5, 23), avec la notion de persuasion intérieure du Saint-Esprit, qui garantit la primauté de la Parole sur l'Église (contrairement à Rome !) ;
6. les sacrements : 5 articles (34-38). Il n'y a que deux sacrements (le baptême et la sainte cène). La pensée exprimée ici est qu'il n'y a rien à voir avec le rationalisme ;
7. l'éthique sociale (articles 39 et 40). Ces deux articles démontrent que les protestants ne sont pas, comme certains le prétendaient, des destructeurs de l'ordre établi.

Analyse des documents méthodistes par un réformé :
Pour faire cette étude, M. BERGESE s'est basé sur les documents suivants :
- pour l'Église Évangélique Méthodiste (EEM) :
* " Faire partie de l'Église Évangélique Méthodiste " (brochure bleue éditée sous la responsabilité du Centre Méthodiste de Formation Théologique - CMFT) ;
* " Fondements doctrinaux et principes sociaux, Église Évangélique Méthodiste, conférence générale 1996 " (brochure verte, publiée par le CMFT, contenant les confessions de foi de l'Église Méthodiste ­ EM - et de l'Evangelische Gemeinschaft ­ EG, Église Évangélique ­ qui ont fusionné en 1968, pour former l'actuelle EEM) ;
- pour l'Église Méthodiste de France :
* " Union des Associations Cultuelles Évangéliques des Églises Méthodistes de France, Notre identité commune, Étude présentée au Synode d'Anduze le 7 mai 1989 par P. GEISER " ;
* confession de foi des Églises Méthodistes de France, de 1940 ;
* confession de foi de l'A.E.P.F. (Association des Églises de Professants), qui a remplacé la précédente.
M. BERGESE a d'abord observé qu'historiquement, le méthodisme n'est pas né d'une contestation doctrinale, contrairement à la " Réforme ". La préoccupation centrale y est donc pastorale, et concerne la vie spirituelle du croyant et son engagement. Ce côté engagement se retrouve dans notre credo social (" je crois que je dois faire ").
Les divergences relevées :
- La conception de l'Église : seule la confession de l'A.E.P.F. définit les critères (page 5). Aucune référence n'y est faite dans les textes de l'EEM. L'article 13 de la brochure bleue de l'EEM est très proche de ce que dit CALVIN, dans " L'Institution Chrétienne ". L'article 5 de l'EG semble parler de l'Église de manière monolithique, sans distinguer Église visible et invisible. Les deux confessions de l'EEM font référence au baptême d'enfants (lors de la discussion, le rajout en fin de brochure des dispositions particulières pour l'EEM en France est signalé) ;
- La conception des sacrements : on a un clivage entre l'EEM et l'EMF. En effet, l'EMF définit la sainte cène comme un symbole et un témoignage. Alors que l'EEM, dans l'article 16 de la confession de l'EM, précise que " les sacrements institués par Christ ne sont pas seulement des signes ou des symboles , mais plutôt des marques certaines de la grâce et de la bienveillance de Dieu à notre égard " (ce qui se rapproche de l'article 34 de la " Confession de la Rochelle "). L'article 6 de la confession de l'EG est à peu près identique, en parlant de " moyens de grâce " ;
- le libre arbitre : l'article 8 des 25 articles de l'EM est à mettre en parallèle avec l'article 7 de l'EG : la grâce de Dieu remet l'homme dans la situation d'Adam avant la chute. John WESLEY ayant vécu au " siècle des lumières ", qui prônait la raison et mettait l'homme au centre, il rejetait le théocentrisme et voulait le maintien du mystère de la théologie traditionnelle. La déclaration de foi de l'EMF ne mentionne pas ça ;
- le statut de la Bible : l'EMF affirme clairement la souveraineté de l'Écriture, dès son premier article. M. BERGESE relève que l'EEM ne va pas jusque là, et ne parle pas d'équivalence Bible / Parole de Dieu. L'article 4 de l'EG dit que les Saintes Écritures " révèlent la Parole de Dieu ", et cette formule est reprise page 45, ligne 12, de la brochure verte (fondements doctrinaux). Notre orateur a affirmé sa méfiance par rapport au langage de la page 44, ligne 17, de la même brochure verte. Le texte de la page 18, ligne 23 (brochure verte) ne distingue pas parole interne à la Trinité et parole que Dieu a envoyée aux hommes. Le développement sur l'herméneutique de la brochure verte ne distingue pas nettement la Bible de la tradition, la raison, et l'expérience. Enfin, le texte de conclusion, à la page 54 de la brochure verte, affirme que la doctrine se base sur... toute une énumération qui revient à la tradition (et pas l'Écriture !). Un participant souligne à ce moment-là que le passage sur la Bible (page 46 de le même brochure verte) affirme clairement la primauté de la Bible (tout de même !).
En conclusion, M. BERGESE s'est déclaré beaucoup réjoui de l'étendue de notre foi commune, même s'il a surtout souligné les divergences, pour les besoins de son exposé.

Tel a été le thème principal de la pastorale commune (EEM / EMF), à Agen, les 29 et 30 octobre 2000. Nous avons également discuté du rapprochement entre nos deux unions, lors d'une soirée animée par les deux présidents des deux unions.

Christian BURY