CA 2010 Prédication de l'évêque Patrick Streiff

«Pour transformer le monde»

Romains 12,1-2 / Matthieu 5,13-16

Patrick Streiff, évêque


Nous publions la prédication apportée par l’évêque Patrick Streiff lors du culte d’ordination en clôture à la CA 2010 à l’église St Paul de Strasbourg. Il se fonde sur l’appel de l’apôtre Paul au renouvellement intégral de nos personnes en guise de véritable culte spirituel (Rm 12.1-2).

« Pour transformer le monde », tel est le thème de cette Conférence annuelle. Il s’agit de la deuxième partie du mandat missionnaire de notre Église au niveau mondiale. Le mandat dans son ensemble dit : « Nous vivons UNE mission : amener des femmes et des hommes à devenir disciples du Christ, pour transformer le monde. » Ce mandat reflète ce que l’Apôtre Paul a écrit aux chrétiens aux Romains :

Lire Romains 12,1-2 : « Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel. Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. »

Imaginez-vous un paravent. Pour être apprécié comme meuble dans une grande pièce et pour remplir sa fonction, un paravent doit être fait d’au moins deux panneaux verticaux et les deux doivent être connectés par un joint articulé. Chaque panneau seul ne tiendrait pas debout. Mais si vous mettez les deux volets un petit peu en angle et s’ils sont reliés par un joint articulé, le paravent tient. Le court texte de Romains 12 que je viens de lire, est comme un tel joint articulé qui relie les deux grands volets de cette épître.

Un des volets est formé par les chapitres I à XI. Paul y décrit ce que Dieu a fait pour nous. Il parle de la condition humaine qui est tellement penchée à ne s’occuper que de soi-même et d’oublier à servir Dieu et les autres. Paul développe dans ces chapitres toute la miséricorde de Dieu en Jésus Christ pour les juifs et pour les gens de toutes les nations.

Le deuxième volet est formé par les chapitres XII à XVI. Paul y décrit ce que Dieu attend de nous et comment Dieu veut transformer nos vies. Paul parle de l’Église, le nouveau corps du Christ, et des conséquences pour notre vie dans la société.

Les deux volets du paravent sont liés par ce joint articulé en Romains 12,1-2 où Paul nous exhorte ‘par la miséricorde de Dieu’(premier volet) ‘à nous offrir nous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu’(deuxième volet). Nous ne devrions plus nous ‘conformer au monde présent’(deuxième volet), mais nous laisser ‘transformer par le renouvellement de notre intelligence’(premier volet). Le joint articulé dans ces deux versets bibliques est capital pour le message de l’Évangile. Sans ce joint, l’Évangile s’écroulerait comme un paravent sans joints entre ses panneaux verticaux.

John Wesley en lançant et supervisant un mouvement de renouveau en Grande Bretagne au XVIIIe siècle insistait toujours sur l’importance de ce joint articulé. Il a prêché puissamment de ce que Dieu a fait en Christ pour chacun, mais autant puissamment, il a appelé chacun à une vie transformée en famille, voisinage, travail et société. En tant que Méthodistes au XXIe siècle nous devons redécouvrir l’importance de ce joint articulé.

(1) Premièrement, Nous devons le redécouvrir tout d’abord à un niveau individuel :

Il ne suffit pas d’être baptisé au nom du Dieu trinitaire, soit comme enfant, soit comme adulte, et de savoir que Jésus est mort pour mes péchés sur la croix (le premier volet), à moins que ce message devienne une force qui transforme ma vie selon l’Esprit qui était en Christ Jésus (le deuxième volet).

Il ne suffit pas de sentir l’assurance que Dieu est miséricordieux envers moi (le premier volet), à moins que je devienne plus miséricordieux envers d’autres personnes, proches et loin de moi (deuxième volet).

Il ne suffit pas d’être reconnaissant que Jésus a sacrifié sa vie pour notre salut (premier volet), à moins que je m’offre moi-même en sacrifice vivant pour Dieu (deuxième volet).

De même, il ne suffit pas de vouloir vivre une vie bonne et agréable à Dieu (deuxième volet) à moins que je me reconnaisse imparfait et dépendant de la grâce imméritée de Dieu pour toute ma vie (premier volet).

Lors de cette conférence annuelle, nous avons beaucoup parlé d’un renouvellement qui est nécessaire dans notre Église et des défis que posent la migration et la pauvreté, thèmes où une transformation est nécessaire dans notre société. C’est à chacun de nous de l’initier dans sa propre vie. Si le joint articulé est fort entre les deux volets, l’Évangile développera toute sa puissance comme du temps de l’apôtre Paul ou des premiers Méthodistes.

Chacun et chacune de nous, nous avons des parties et facettes de notre vie où ce joint est bien développé et d’autres où il fonctionne mal ou est absent. Prenez l’exemple de votre discipline spirituelle : Pour les uns, il est facile de vivre une discipline de prière quotidienne et de présence aux cultes, pour d’autres c’est un défi quotidien. Regardez le domaine de la sexualité : Pour les uns, il est facile de vivre la fidélité dans le mariage ou le célibat en étant seul, d’autres luttent continuellement pour vivre dans leur chair selon la volonté de Dieu. Regardez votre caractère et tempérament : les uns sont doux en esprit et les autres continuent à lutter avec leur orgueil, jalousie ou colère. Ou considérez votre relation à l’argent et les choses matérielles : les uns donnent la dîme ou davantage pour le royaume de Dieu et les autres ont toujours peur de ne pas avoir assez pour eux-mêmes. La liste pourrait continuer. Chaque chrétien a des facettes de sa vie où les deux volets sont puissamment reliés et d’autres où le premier a de la peine à transformer notre vie. Réjouissez-vous des liens qui sont forts et en remerciez Dieu ; mais regardez également vers les joints faibles, comptez sur Dieu pour vous transformer et commencez avec des petits pas d’obéissance.

(2) Nous restons des apprentis toute notre vie – avec le Christ seul comme maître. C’est un deuxième point. « Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence » (Rm 12.2) demeure un apprentissage pour toute notre vie. C’est ce que la Bible appelle la ‘sanctification’ avec pour but la ‘sainteté’. Wesley en parlait beaucoup. Et il soulignait que la sanctification devait avoir deux dimensions, l’une personnelle, et l’autre sociale. Il propageait l’idéal d’une vie sainte et agréable à Dieu (« nous offrir nous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu ») mais il avait également le but de transformer la nation.

Comme j’ai mentionné diverses facettes de la vie individuelle, nous devons également regarder les diverses facettes de notre vie dans nos églises locales : quels sont les joints forts et fonctionnels dont nous pouvons rendre grâce à Dieu ? Et quels sont les joints défectueux où nous devons confesser notre complaisance ? Prenons les cinq dimensions dont parle l’évêque Schnase dans son livre sur des paroisses qui portent du fruit : Sommes-nous vraiment accueillants pour des nouveaux venants ? À quel point nos cultes deviennent-ils les lieux de rencontre avec notre Créateur et Sauveur ? Qu’est-ce que nous offrons pour que nos membres et amis puissent s’enraciner dans la foi et se réjouir de la puissance transformatrice de l’Évangile ? Quel risque prenons-nous pour servir d’autres personnes dans la société ? Quelle générosité vivons-nous qui croyons à un Dieu abondamment bon et miséricordieux ?

Lors de cette Conférence annuelle, le conseil stratégique a présenté comme objectif fondamental « d’amener de plus en plus de personnes à devenir des disciples de Jésus-Christ » et d’orienter tout notre travail selon cette priorité. Un tel objectif doit se réaliser au niveau de nos églises locales. Autrement, nous n’avons créé qu’un autre tigre de papier et de discussion. Si l’Évangile proclamé et vécu au niveau local n’amène pas des personnes à s’offrir elles-mêmes comme sacrifice vivant à Dieu, alors le joint vital manque. Ce n’est pas la Conférence annuelle qui peut décréter ou faire la croissance. Le joint vital doit se produire au niveau de nos églises locales ou il ne se produira pas.

Dans la lecture biblique, nous avons entendu les paroles connues où Jésus valorise ses disciples comme ‘sel de la terre’ et ‘lumière du monde’. Là, où le joint vital fonctionne, l’Évangile produit sa saveur comme le sel et rayonne comme la lumière. Il faut cette visibilité de l’Évangile afin que des personnes extérieures soient attirées. Alors peut ce produire ce miracle « qu’en voyant vos bonnes œuvres, ces personnes rendent gloire – non pas à vous, mais – à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5,16). Mais le joint entre les deux volets est capital, comme chez un paravent pour qu’il tienne debout et remplisse sa fonction.

(3) Pour conclure : J’ai utilisé l’image du paravent pour insister sur l’importance du joint articulé entre le premier volet de ce que Dieu a fait pour nous en Christ, comme on le retrouve en Romains chapitres I à XI, et le deuxième volet de ce que Dieu demande de nous, comme en le retrouve en Romains chapitres XII à XVI. Ce joint est important dans sa dimension personnelle et sa dimension sociale. Pour réussir l’objectif fondamental que nous nous sommes donné, « d’amener de plus en plus de personnes à devenir des disciples de Jésus-Christ », ce joint entre les deux volets est capital. Des chrétiens qui pensent que le premier volet soit suffisant, deviennent des fanatiques enthousiastes qui volent sur des nuages ; et ceux qui pensent que le deuxième volet soit seul décisif, deviennent des fanatiques légalistes qui sont impitoyables. Le joint entre les deux volets est capital.

J’ai utilisé l’image du paravent dont les deux volets sont tenus ensemble par un joint vital, mais cette image a ses limites. Cette image est trop statique. L’Évangile est beaucoup plus dynamique. Cette dynamique se révèle dans la direction du courant d’énergie entre les deux volets : ce que Dieu a fait pour nous, le premier volet, est la base pour vivre à la hauteur de la volonté de Dieu, le deuxième volet. La dynamique ne se développe jamais en sens inverse. Les deux volets ne sont pas parfaitement identiques. Ou comme Wesley le disait : il y a une synergie, une coopération entre Dieu et nous. Mais cette synergie se base entièrement, du début à la fin, sur Dieu et son amour plein d’énergie et de compassion. De là viennent l’énergie et la dynamique. Et ainsi, il y a une direction claire dans le courant d’énergie entre les deux volets du « paravent de l’Évangile » : « au nom de la miséricorde de Dieu, offrez-vous vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. » Et que votre exemple, en parole et en acte, serve à ce que d’autres personnes soient amenées à suivre le Christ.

Photos CA 2010