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La mission confiée à l'Eglise (suite et fin)


Etienne Rudolph - pasteur

Après avoir vu les différents sens et les implications du terme « témoin » le mois dernier, le pasteur Etienne Rudolph s’arrête à présent sur l’impact géographique de ce témoignage.

De Jérusalem

La deuxième partie du verset 8 du 1er chapitre commence par une évidente vision géographique : Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Jérusalem était considérée pour les Juifs comme étant au centre de leur vie et de leur raison d’être. Partant de là, cette parole de Jésus est une invitation à aller de plus en plus loin comme par cercles concentriques. Le livre des Actes des Apôtres nous raconte à ce sujet l’expansion de l’Evangile par l’intermédiaire, entre autres, de Paul et de ses collaborateurs. La destruction de Jérusalem en 70 apr. J.-C. aidera malgré eux les premiers chrétiens à partir au loin, jusqu’aux extrémités de la terre. Paul avait comme projet d’aller à Rome et, à partir de la capitale de l’empire, d’aller jusqu’en Espagne…
À Rome
Arrêtons-nous à Rome. Cette ville ne représentait certainement pas l’extrémité de la terre, mais un autre centre que Jérusalem : la capitale de l’empire romain. Une question demeure : en quoi Rome pourrait-elle avoir un sens d’extrémité de la terre ? Au sens géographique non, mais peut-être davantage dans un sens métaphorique, en tant que capitale de l’empire de l’époque, oui. Sa beauté était renommée, son pouvoir immense, mais c’était également un lieu d’injustice, de luxure et de vices en tout genre selon la Bible. Le livre de l’Apocalypse l’appelle même « la grande Babylone ». Et voici l’extrême représenté par cette ville : on y trouvait ce qu’il y avait de plus prestigieux et en même temps ce qu’il y avait de plus dégradant.


Jusqu’aux extrémités de la terre
Le mot grec « extrême » (eschatos) signifie aussi ce qu’il y a de plus bas, de plus vil. Autre sens possible et très proche c’est ce qui est caché, relégué, ce qu’il y a de plus profond, de plus intérieur… Voilà qui donne un tout autre relief à notre texte si nous lui donnions ce sens-là et pas seulement le sens géographique !La compréhension de ce texte a encouragé, à juste titre, une expansion territoriale de l’Evangile et a stimulé les Eglises à aller au-delà des mers. Cependant, le premier sens a peut-être limité la possibilité de voir une dimension plus ample et plus large de cette expression « extrémités de la terre ». Le texte nous permet d’interpréter également l’extrémité dans cet autre sens qu’est l’intérieur de l’homme, ou encore les espaces positifs et négatifs que s’est donné l’homme. Aujourd’hui, il nous appartient d’être attentifs à ce qui constitue des « extrémités de la terre », c’est-à-dire des domaines et des dimensions en termes politiques, sociaux, économiques, éthiques, dans ce qui touche nos relations avec les autres, les relations entre les cultures, entre les peuples, les relations Nord-Sud, riches-pauvres, inclus-exclus… Et l’on peut rajouter les interrogations au sujet de l’environnement, des manipulations biotechnologiques, etc.



Que signifie « être témoin » dans ces « extrémités-là » ?

La question s’élargit encore lorsqu’on touche à notre vie quotidienne : comment vivons-nous les uns avec les autres ? Les relations au sein de la famille, du travail entre collègues, enseignants-élèves, voisins ? Notre monde semble avoir pris une tournure d’agressivité permanente. Le message de nos sociétés pourrait être résumé au fait d’être en compétition permanente avec les autres et de ce fait, comme le soulignait un évêque méthodiste argentin F. Pagura : « Les autres sont considérés comme des concurrents et des adversaires au lieu d’être considérés comme des prochains ». Selon les critères de notre société, nous ne pouvons qu’être surpris de voir et de constater que bien des centres et des périphéries au sens « d’extrémités » existent, des premiers mondes et des mondes à l’écart, des pouvoirs et des laissé pour compte…Jusque dans « les extrémités » de notre quotidien ?« Être témoin jusqu’aux extrémités de la terre », extrémités qui nous touchent, est une question qui nécessite une réflexion commune, c’est-à-dire de tous. Ce n’est pas seulement ici en France ou en Suisse que l’on peut trouver la solution comme si elle existait. Elle ne se trouve pas davantage dans un pays d’Amérique du Sud, d’Asie ou d’Afrique, mais elle s’amorce dans le dialogue les uns avec les autres, en tenant compte de chacun. L’engagement d’être témoin là où nous sommes et là où nous sommes prêts à aller ne trouvera de sens que dans la compréhension mutuelle et le partage véritable.Dans les limites qui sont les nôtresAux uns, il est donné de partir au loin, aux autres de rester ici. Quelle que soit l’action menée ou l’engagement pris, ils resteront limités. Ces limites peuvent être de tous ordres : physiques, culturels, linguistiques, économiques, sociaux, religieux… Alors nous nous sentirons, comme beaucoup ont pu le ressentir, petits, faibles, incapables parce que nous n’arrivons pas à répondre aux besoins si grands qui nous sont adressés. Le défi que nous voulions relever s’avère trop grand. Et cela nous met mal à l’aise, voire nous culpabilise faussement. Pourtant un engagement limité ne signifie pas inutile… Ne nous tromperions-nous pas parfois de défi ? Jésus a dit dans ce même verset d’Actes 1.8, dans la première partie que nous n’avons pas étudiée, Vous recevrez une puissance, celle du Saint Esprit survenant sur vous et vous serez mes témoins… Le défi devant nous n’est pas de convertir le monde entier, de guérir tous les malades d’Afrique, de faire refleurir tous les déserts du monde, mais simplement par la puissance du Saint Esprit d’être témoins jusqu’aux extrémités de la terre.Nous pouvons écouter, et c’est important, le témoignage d’hommes et de femmes partis au loin nous rapportant les situations limites et extrêmes qu’ils ont rencontrées. Nous en serons peut-être impressionnés. Pourtant des situations limites et extrêmes existent également ici. En revanche, ce qui me semble important au sein même de ces situations, c’est de voir comment les uns et les autres sont témoins de Jésus Christ, pour que nous réfléchissions nous aussi sur notre manière d’agir au nom de l’Evangile. De cette façon, nous serons ensembles « témoins… jusqu’aux extrémités de la terre ».

Questions pour continuer la réflexion, seul ou en groupe :

1) Dans quelles situations de la réalité de notre quotidien la nécessité d’être témoin nous apparaît comme la plus urgente ? Quelles actions ou quels engagements pourraient revêtir notre témoignage dans ces situations ?
2) Décrivez des situations « extrêmes » dans lesquelles vous avez pu être témoins ou à l’inverse vous n’avez pas pu l’être. Qu’est-ce qui était difficile ? Pourquoi ?
3) Si « l’extrémité de la terre » peut se trouver proche de nous, dans notre quotidien, comment nous préparons-nous pour le témoignage ? Quel est notre témoignage dans notre vie de prière, au travers du culte communautaire, dans notre croissance dans la foi ?