Le billet de l'évêque

De la Cène au déjeuner du Seigneur

Heinrich Bolleter, Evêque

L'instruction romaine « Redemptionis sacramentum », désigne comme « abus liturgiques » l'«intercélébration » (célébration liturgique en commun, par des prêtres catholiques et des pasteurs protestants, de la Cène et de l'eucharistie) ou l' « intercommunion » (la Cène en commun).


La Conférence épiscopale suisse a récemment annoncé qu'elle allait agir à l'encontre de ces « graves abus ». Fondamentalement, ces déclarations ne contiennent rien de neuf. C'est le ton qui a changé. Les prêtres catholiques qui célèbrent la Cène en commun avec des protestants doivent compter avec une suspension. C'est ce qu'a déclaré Kurt Koch, évêque du diocèse de Bâle, au sujet des récentes décisions de la Conférence épiscopale suisse. Ces « transgressions de la limite », jusqu'ici tacitement tolérées, feront désormais l'objet de sanctions qui toucheront avant tout les prêtres catholiques. Considérant le manque de prêtres, ce sera un gros sacrifice imposé aux communautés locales. 
Une fois de plus, nous sommes confrontés au fait que des questions doctrinales sur l'Eglise, le ministère et les sacrements séparent les confessions. D'autre part, l'cuménisme de la base vit les célébrations cultuelles communes comme un grand encouragement. Que faire face à ce dilemme ?  Les problèmes doctrinaux ne peuvent pas être réglés par des transgressions de limites au plan pratique. D'autre part, ni la communion, ni le rapprochement à la base ne doivent être gênés par ces questions de doctrine. Je propose de cesser de toujours rouvrir les vieilles blessures. En matière d'cuménisme, il vaudrait mieux introduire de nouveaux gestes significatifs. Où reste l'innovation du Saint Esprit, qui veut nous libérer, afin que nous ne retombions pas toujours à nouveau dans les mêmes pièges ? Un exemple d'innovation : Josua Boesch, artiste et passeur de frontières entre les confessions, a suggéré de passer du « souper » au « déjeuner ». (Note du traducteur: la Cène = repas du soir; en allemand: Abendmahl; en anglais: the last Supper). En Jean 21, nous lisons que le Christ ressuscité a célébré avec ses disciples un repas matinal au bord du lac, autour d'un feu en plein air, avec du pain et des poissons. De cette façon, nous pouvons, pour nous rencontrer, quitter nos bateaux ecclésiastiques surchargés, et célébrer avec le Ressuscité un repas matinal sur un nouveau rivage. Il nous invite : Venez déjeuner ! (Jn 21,12 /TOB)
Traduction Frédy Schmid
Source: Kirche+Welt, n° 16, 05.08.04