Musique et méthodisme (2)

Le cantique méthodiste: 

une approche historique et stylistique

Jean-Pierre van Noppen

Professeur de linguistique anglaise à l’Université libre de Bruxelles (Belgique)

Lors du Séminaire de Sète (Janvier 06) Jean-Pierre van Noppen s’est livré à une fine analyse littéraire de l’hymnologie méthodiste. Il commence par en souligner l’importance historique. Charles Wesley a composé au moins 6 500 cantiques (Archibald 1883 avance même le chiffre de 8 000 cantiques).  John Wesley en écrivit aussi, mais il n’y a pas de certitude quant au nombre de textes dont il serait l’auteur. John est surtout réputé comme traducteur, compilateur et éditeur d’hymnes.   Court extrait. 

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La préface au Methodist Hymnbook de 1933 dit que «le méthodisme est né parmi les chants».  En effet, il est généralement reconnu que les hymnes ont constitué l’un des media les plus puissants du méthodisme, et l’on peut se demander si, sans leur influence, le réveil aurait connu le même succès populaire. En effet, différents types de texte entraînent des formes différentes de production, de distribution et de «consommation» de l’information, et le choix du genre peut ainsi profondément affecter la réception réservée au message.  Les frères Wesley attachaient une grande valeur à la cohérence doctrinale entre les hymnes chantés d’une part, et les sermons prêchés d’autre part.  Mais le medium poétique de Charles l’emportait largement sur la prose sérieuse de John : les hymnes ont été chantés bien plus souvent que les sermons n’ont été lus ou entendus. Les hymnes et cantiques que le méthodisme a produits par milliers ont «donné des ailes aux doctrines du réveil» : le fait de prêter aux références bibliques et doctrinales une formulation poétique heureuse, soutenue par une mélodie choisie pour s’accorder tant au sujet traité qu’au tempérament du public visé, assura au message méthodiste un impact émotif et mnémonique étonnant, quel que fût le degré d’illettrisme des audiences; et les chants disséminèrent le message avec davantage d’efficacité que tout autre medium. 


Le recours aux hymnes était, en un sens, une innovation : avant le réveil méthodiste, la religion connaissait, certes, les psautiers métriques, mais ne recourait guère aux cantiques pendant les offices publics. En revanche, les premières sociétés religieuses connaissaient le chant d’assemblée, et Isaac Watts introduisit la pratique parmi les dissidents non-conformistes au début du XVIIIe siècle. Sous l’influence de ces deux prédécesseurs, Wesley encouragea le chant dans les groupements méthodistes à Oxford, et découvrit que cette pratique constituait un support fort efficace pour la piété personnelle et l’évangélisation. Les talents poétiques de son frère Charles ne firent que renforcer cette tendance.  Lors de ses contacts soutenus avec les frères Moraves, John Wesley découvrit en outre que les cantiques pouvaient jouer un rôle non seulement cultuel, mais servir aussi d’outils pédagogiques dans l’éducation des gens sans aucune instruction théologique, à la façon des vitraux et des fresques dans les cathédrales, qui servaient jadis à illustrer l’enseignement des Écritures. «Si vous me laissez écrire les hymnes des églises», déclara un prédicateur, «il m’importe peu de savoir qui en écrit la théologie». On dit même que certains prédicateurs méthodistes étaient au moins aussi attachés à leur livre de cantiques qu’à leur Bible — si pas davantage.

La conférence dans son entier est mise gracieusement à votre disposition ici même par le professeur  Jean-Pierre Van Noppen (HYMN.Fr_Noppen.pdf)