Prédication

Pasteur Christina LE MOIGNAN, présidente de la Conférence Méthodiste de Grande-Bretagne

Profitant d'un déplacement a Strasbourg, au parlement européen, Madame LE MOIGNAN s'est réjouie de rendre visite à la famille méthodiste. Elle a apprécié la tarte flambée que nous lui avons fait découvrir mais aussi la ville de Strasbourg et particulièrement le Marché de Noël, guidée par Annie et Daniel HUSSER.
Voici le message qu'elle a apporté le 9 décembre 2001 à l'Église de Sion à Strasbourg.
Permettez-moi tout d'abord de dire merci à toutes les personnes qui ont permis l'organisation de cette visite dans votre Église et votre ville: votre pasteur René LAMEY qui s'est occupé de cette visite et son épouse ; M. et Mme HUMBERT grâce à qui je peux m'adresser à vous en français (c'est M. Humbert qui s'est chargé de la traduction); M. et Mme HUSSER qui seront mes guides à travers votre belle ville. Merci à vous tous pour votre accueil.
Excusez-moi pour le niveau de mon français. Malgré mon nom à consonance française - mon grand-père était originaire de l'île de Jersey - mes prouesses en français sont très limitées. Je suis plus à l'aise pour parler en français que pour comprendre. Il m'arrive de poser des questions en français mais ensuite je suis incapable de comprendre la réponse! !
Je crains que l'écoute du sermon sera plus difficile pour vous que d'habitude, à cause de mon accent. Merci pour votre patience.
Permettez moi de me présenter. Chaque année l'Église Méthodiste de Grande-Bretagne élit un pasteur à la présidence de la Conférence et une personne laïque à la vice-présidence. Le président a l'honneur d'occuper "le siège" de John WESLEY. Mais les méthodistes ne souhaitent pas que nous occupions ce poste aussi longtemps que John WESLEY. Ainsi en tant que présidente de la Conférence j'ai le privilège de représenter les méthodistes d'Angleterre, d'Écosse et du Pays de Galles durant une année; je me déplace beaucoup en Grande-Bretagne et aussi à l'étranger durant cette période. J'ai eu la chance en octobre de visiter les Caraïbes qui représentent toujours la patrie de beaucoup de méthodistes noirs anglais ­ particulièrement à Birmingham où j'habite. Je fais cette visite à Strasbourg avec mes collègues d'autres Églises libres. Notre but est de rencontrer des membres du parlement européen à partir de demain lundi jusqu'à mercredi. Mais j'ai demandé à venir un peu plus tôt de façon que je puisse rencontrer des membres de notre famille méthodiste. Je suis à la fois enchantée et reconnaissante que cela ait été possible.
Étant présidente durant seulement une année, je ne peux pas influencer à long terme la ligne de conduite de l'Église, ni ses structures, ni ses moyens d'action. Ce qui me semble le plus important c'est d'essayer d'offrir à l'Église une vision. Pour moi l'année écoulée a été grandement affectée par les événements tragiques du 11 septembre. J'ai essayé de discerner ce que Dieu dit à notre monde au travers de ce qui s'est passé. Je me pose toujours encore des questions. Que dit Dieu à propos de la justice et la paix à la partie du monde qui a été dominatrice économiquement et militairement? Que dit-il à la partie du monde dont l'héritage est chrétien à propos de la cohabitation avec ceux qui ont d'autres croyances? Quelles sont les valeurs de la démocratie libérale que nous aimerions défendre en tant que chrétiens? Quelles sont les méthodes justes et efficaces pour lutter contre le terrorisme? Toutes ces questions sont très complexes et difficiles. J'espère que les chrétiens du monde entier partageront et prieront les uns pour les autres tout en cherchant des réponses à ces questions.
Mais il y a d'autres questions sur lesquelles j'ai pu m'entretenir avec notre famille méthodiste en Grande-Bretagne. Je vois une Église qui dans beaucoup de domaines défend des valeurs que notre société ne respecte pas. Notre société cherche le succès mais nous demandons la fidélité à Dieu. Notre société a peur de la mort mais nous croyons en la résurrection. Notre société demande une satisfaction instantanée mais nous adorons un Dieu infiniment patient qui nous dit que nous aussi devons attendre. Nous ne pensons pas que l'argent soit le plus important ou que notre statut dépende de ce que les autres pensent de nous. Cependant l'argent et le statut social qu'il donne sont très importants chez nos contemporains. Notre société critique, se plaint, engage des actions en justice ; notre foi nous invite à nous réjouir de la vérité, si nécessaire de souffrir injustement et de pardonner. Nous connaissons tous ces contrastes en théorie, mais qu'en est-il dans la pratique ? Sommes nous si différents?
Nous le pensons. Nous pensons qu'il y a une grande divergence entre l'Église et le monde. Il est difficile pour nous d'influencer le monde mais certainement le monde nous influence plus que nous ne le pensons. Nous sommes après tout tous victimes du matraquage publicitaire comme tout le monde. Ne sommes-nous pas fortement influencés par ce que nos voisins pensent de nous ? Aussi nous devons-nous demander: "Sommes-nous sûrs que nous n'avons pas comme les autres peur de l'échec et de la mort?" Je pose cette question particulièrement pour nos Églises en Grande-Bretagne qui sont souvent en déclin. Nos Églises sont-elles de véritables lieux de bonté et de patience où il n'est pas si grave si l'on fait une faute et où on nous permet de croître doucement? Nos Églises sont-elles des lieux où réellement il importe peu que l'on soit riche, où la place que nous occupons importe peu? Je pense que nous devons avoir conscience du danger de l'infiltration du monde dans l'Église.
Mais aussi nous devons avoir confiance dans la puissance victorieuse de Christ sur le monde car comme le dit la Bible " ceux qui se trouvent avec nous sont plus nombreux que ceux qui sont avec eux " ( 2 Rois 6.16 ). Ceci me pousse à prier pour que nos Églises soient des communautés qui témoignent d'un style de vie et d'un ensemble de valeurs différentes. Bien sûr, je prie que les chrétiens, individuellement, puissent refléter Christ, mais je prie aussi qu'ils puissent montrer au monde, collectivement, dans l'Église une communauté qui est vraiment le corps de Christ.
Nous sommes en pleine période de l'Avent. Et si nous voulons être un peuple différent nous avons besoin de l'Avent. Nous devons garder dans nos esprits l'image du Christ ­ enfant qui est né dans la pauvreté, qui est devenu un réfugié, qui en grandissant ne possédait rien et pensait que l'argent était un obstacle, qui disait la vérité sans crainte et sans partialité, qui savait que la souffrance faisait partie de son obéissance et qui l'a pleinement acceptée et à un point qui dépasse notre entendement. Et il a dit: "Suivez moi" ce qui signifie "Faites de même". Cette invitation est pleine de bontés mais aussi très difficile à mettre en oeuvre.

Ainsi nous avons besoin de ce message fondamental de Noël, à savoir : Dieu est avec nous non pour nous condamner mais pour nous sauver. Le Christ-enfant est peut être un défi pour nous car il s'est dénué lui-même alors que nous sommes saturés par notre " moi ". Le Christ-enfant peut-être nous couvre de honte mais il ne nous condamne pas, il est venu pour nous sauver. Il est le don de Dieu, le don de l'amour, il nous rapproche d'un Dieu qui d'une manière stupéfiante veut faire de nous ses amis. Si nous voyons Christ simplement comme un défi à relever nous serons vite découragés car par nous-mêmes nous en sommes incapables. Mais si nous l'acceptons comme un don, tout devient possible. Le Christ-enfant comme don de Dieu fait briller une lumière dans nos coeurs qui ne pourra pas s'éteindre. Car ce don ne sera jamais repris, l'engagement de Dieu envers nous ne cessera jamais. Il sera toujours là pour susciter notre gratitude et notre amour pour lui. Notre amour peut être faible et insuffisant. Mais il peut grandir et s'approfondir. Nous pouvons apprendre la signification des paroles de Paul quand il dit : " Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi ". Notre fondateur John WESLEY, croyait en la perfection chrétienne. Pour moi cela ne concerne pas tellement la réalisation d'oeuvres. Il avait la conviction qu'il n'existe pas de limites dans ce que Dieu peut faire dans la vie d'un croyant. " Dieu avec nous " est vrai pour tout pécheur, il nous a aussi invité à croître dans la vie de Dieu.
Mais la période de l'Avent a encore autre chose à nous apprendre. Elle nous dit que Christ apparaîtra à la fin en puissance et dans une grande gloire. Peut-être que cela est différent ici, mais dans notre pays les prédicateurs trouvent qu'il est plus facile de prêcher sur la première venue du Christ que sur son retour. Peut-être cela n'est pas surprenant. Nous avons tous vu de tout petits bébés, nous nous sommes réjouis de leur naissance même nos coeurs et nos esprits ne peuvent pas saisir la signification de cette naissance à Bethléhem. Mais qui peut imaginer ce que sera la fin de notre Univers ? Pourtant je suis convaincue que nous avons besoin de ce message que nous appelons la deuxième venue du Christ.
Si je peux le dire d'une manière imparfaite c'est que Christ n'est pas seulement mon Sauveur et votre Sauveur mais aussi celui du monde entier. Lorsque nous regardons à Christ qui est né, qui est mort et qui est ressuscité pour nous et ce que cela signifie pour nous, nous pouvons dire que ce salut est une réalité pour nous, même si nous n'avons pas appris à le vivre réellement. Mais lorsque nous regardons ce qui se passe dans notre monde, les événements du 11 septembre, les victimes du SIDA, les milliers d'enfants qui meurent parce que leur eau est impropre à la consommation alors que le monde riche se préoccupe du nombre croissant d'obèses, lorsque nous regardons tout cela, comment pouvons-nous dire que le salut du monde est une réalité? Notre monde n'est pas encore sauvé. Nous avons besoin de cette conviction de l'Avent que le Jour du salut viendra.
L'histoire de Jésus a plusieurs chapitres. Le premier chapitre du bébé est un chapitre que chacun aime lire. Le deuxième chapitre de l'homme qui enseigne et qui prêche, qui guérit et qui accueille les pécheurs est impressionnant. Le troisième chapitre de l'homme qui n'a pas peur de mourir d'une mort affreuse pour l'amour d'un Dieu aimant qui est son père, est profondément touchant, particulièrement lorsque le lecteur se rend compte que cette mort était pour lui, pour moi. Dans le quatrième chapitre nous voyons que cet homme ne reste pas dans la tombe, histoire stupéfiante que nous avons du mal à comprendre. Mais le chapitre final nous a vraiment intrigués. Que signifie: "le soleil et la lune s'assombrirent"? Est-ce que ce sont de bonnes nouvelles? Cela semble très effrayant : tous les piliers de notre Univers seraient ébranlés ; beaucoup de souffrances avant la fin ; le jugement de Dieu : "l'un sera pris et l'autre laissé ". Il n'est pas étonnant que beaucoup de personnes aient fermé le livre avant la fin et n'aient pas lu le dernier chapitre.
Et pourtant, et pourtant le dernier chapitre, c'est la victoire de Jésus : la victoire du Christ-enfant dont nous pouvons si facilement ignorer le défi, la victoire d'un homme qui faisait le bien, la victoire du crucifié, la victoire de quelqu'un qui est toujours vivant et à l'oeuvre. Cela veut aussi dire que le mal de notre monde, même s'il est réel et terrible n'a pas le dernier mot ; à la fin la bonté de Dieu est plus forte. Si je ne crois pas cela je ne peux pas regarder ce monde et ne pas désespérer; je pense que vous êtes dans le même cas. Mais si nous croyons en cet espoir de l'Avent nous sommes encouragés, nous pouvons expérimenter la présence de Dieu dans nos foyers, sur notre lieu de travail , dans nos relations mais aussi dans les affaires du monde. Nous pouvons savoir que Dieu est avec nous alors que nous aspirons à travailler pour la justice, pour la paix et pour la sauvegarde de l'environnement. Il sera avec nous alors que nous résistons au matérialisme du monde. Il sera avec nous lorsque nous prendrons position pour ce que nous croyons être la vérité et pour quoi peut-être nous souffrons. Dieu est avec nous dans tout ce que nous ferons pour le Christ. Et Dieu, comme chacun un jour verra, ne connaîtra jamais la défaite. C'est l'espérance de l'Avent, nous en avons besoin.
En conclusion, je vous remercie de m'avoir permis de partager cet espoir de l'Avent avec vous. Je vous souhaite toutes les bénédictions de Dieu en cette saison de Noël. Et je me réjouis de pouvoir partager avec vous la louange de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, né, mort et ressuscité pour nous et qui reviendra non seulement pour nous mais pour le monde qu'il aime.