Méditation

Le dur apprentissage de la liberté

Évêque Patrick Streiff


D’entrée de jeu, lors de l’Assemblée générale de l’UEEMF à Landersen les 2 et 3 avril derniers, l’évêque Patrick Streiff nous invite à progresser dans l’apprentissage de la liberté chrétienne. 

Le printemps des libertés

Nous assistons actuellement au réveil des peuples arabes épris de liberté et de démocratie. Cette quête de liberté a une consonance spirituelle et renvoie à l’histoire du peuple d’Israël. Plongé dans la souffrance et l’esclavage en Égypte, le peuple a crié vers Dieu et Dieu l’a exaucé : Dieu entend le cri des marginaux et des sans-voix. Son attitude sera constante dans l’histoire du peuple d’Israël : il y a ce récit que nous connaissons tous avec la traversée de la Mer Rouge et l’engloutissement de l’armée égyptienne dans les eaux. C’était une victoire, mais cette liberté n’était pas acquise définitivement. Tout juste le peuple était-il en train de faire l’apprentissage de la liberté.

Plaintes et récriminations

Tout le monde a cette soif de liberté, mais il faut tout un apprentissage pour apprendre à vivre en êtres libérés. Après seulement trois jours de marche dans le désert, le peuple murmure et se plaint contre Moïse et Dieu. Puis, un mois et quinze jours à peine après leur libération, le peuple a la nostalgie du pays dont ils étaient partis et Dieu leur envoie cailles et manne. Peu après, ils se retrouvent dans un endroit sans eau, Rephidim, les murmures et les plaintes reviennent, ô que c’est dur l’apprentissage de la liberté, c’est dur de faire entièrement confiance en Dieu !

Puis ils arrivent à Sinaï ; il y a toutes les histoires autour du veau d’or et Moïse qui ne revient pas du haut de la montagne. Puis ils reprennent le chemin de la Terre promise, cela fait 2 années, 2 mois et 20 jours et ils recommencent à se plaindre et à un moment donné Dieu leur dit qu’il leur envoie autant de viande qu’ils en veulent au point de les en dégoûter. Puis ils se rapprochent du pays de Canaan ; ils envoient des espions dans le pays où coulent le lait et le miel. Ils reviennent commenter ce qu’ils ont vu. Ils voient que les promesses que Dieu a données sont vraies, l’abondance et la prospérité sont au rendez-vous, mais aussi des géants à leur faire peur ; résultat: l’assemblée murmure, pleure et se plaint de Moïse et veut se donner un chef pour retourner en Égypte.

On reprend de nouveau et tout reste du pareil au même

C’est dur, cet apprentissage de la liberté au niveau des peuples, au niveau de nos sociétés. Nous voyons dans tous ces pays arabes qu’il ne suffit pas de chasser les anciens dictateurs et les pouvoirs en place pour réussir à construire une autre société où l’on se respecte.

« Le Christ nous a libérés pour que nous soyons vraiment libres. Tenez bon, donc, ne vous laissez pas de nouveau réduire en esclavage. » (Ga 5.1)

À la chute du communisme, les pays de l’Est sont passés tous les quatre ans d’un régime à l’autre, du rouge au bleu, des ex-communistes aux patriotes conservateurs sans changer grand-chose à la réalité. Car tous ceux qui venaient au pouvoir voulaient profiter du pouvoir mais la réalité demeurait toujours la même… Beaucoup se sont dits « c’était mieux avant ». Avant les changements, la société assurait une certaine sécurité. Après l’écroulement du régime, la misère a gagné le pays, la soif et la faim étreignent le peuple comme jadis le peuple d’Israël. C’est dur d’apprendre la liberté au niveau social, peut-on faire remarquer, parce que tout à coup il faut prendre ses propres responsabilités. On devient responsable de sa vie et de ses choix, on doit les assumer et construire ensemble quelque chose de mieux qu’auparavant.

Et nous ?

Au niveau spirituel, dans l’Église, et dans la vie des chrétiens, c’est exactement la même chose : le Christ nous libère de toute autre domination, il nous réconcilie avec Dieu, mais comme c’est dur d’apprendre à vivre en hommes libérés (Ga 5,1 : « le Christ vous a libérés, ne tombez pas à nouveau sous le joug d’autres dominations »). Le Christ nous libère, mais combien c’est dur d’être libre ! Le peuple a beau voir que toutes les promesses étaient en passe de se réaliser, il ne voyait que les géants et ils en avaient peur.
À qui, à quoi regardons-nous dans la mission que nous vivons ? Voyons-nous les grappes de vigne de ce que Dieu nous promet ou les géants qui nous font peur ? Voyons-nous la foule de problèmes qui se posent à nous et la somme de tout ce qui nous manque ou faisons-nous l’apprentissage de la confiance en Dieu, en sa présence comme en ses possibilités ?

C’est dur d’apprendre la liberté, parce que cet apprentissage accroît notre responsabilité par rapport aux choix et aux engagements que nous prenons. Les promesses sont là : « le Christ nous a libérés, ne retombons pas sous un autre joug, vivons en hommes libres ».

N.D.L.R. : le texte a été établi à partir de notes. Nous avons gardé le style direct.