La vie de nos églises


Nos frères méthodistes en Algérie

Interview réalisée par JP Waechter


Nos frères et sœurs d’Algérie nous partagent leur vécu en toute liberté. L’Église Méthodiste Unie d’Algérie attend toujours sa reconnaissance officielle de la part des autorités et aspire à de bonnes relations avec le restant du protestantisme.


ENroute (ER) : La délégation algérienne est là pour nous parler de la situation de l'église. On commence par la capitale, Alger et c'est le pasteur Roger Correvon qui nous détaille maintenant la situation. Qu'en est-il de la communauté méthodiste ou réformée ou les deux ?

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Roger Correvon : La communauté réformée / méthodiste se retrouve maintenant à un autre endroit, à Hydra, suite à des divisions internes dans l'Eglise en Algérie. Alors s'il est une chose qu'on aimerait dire à nos lecteurs, nous aimerions leur demander de prier pour l'unité de l'Église. Je crois que c'est une chose urgente, surtout dans un pays musulman. Si l'Église n'arrive pas à trouver l'unité, son message est de beaucoup diminué. Nous vous demandons vraiment de prier pour cela.

ER : La vision de l'unité, tout sauf la division !

Roger Correvon : Tout sauf la division, mais une unité vraie, pas une unité de façade.

ER : Aujourd'hui, vous êtes hébergés dans l'Église catholique d'Hydra. Tous viennent-ils au rendez-vous dominical ?

Roger Correvon : On en a perdu dans le transfert de la communauté, je dirais, presque deux tiers, d’un tiers à deux tiers. Maintenant, nous nous retrouvons une vingtaine et c'est en train de remonter. Tous les deux, trois mois, on sent que la communauté augmente : un tiers est étranger, le reste, ce sont des Algériens.

ER : Vous trouvez du soutien dans cette épreuve ?

Roger Correvon : On a trouvé du soutien de la part des Catholiques, de la part évidemment des Méthodistes, mais quand même on s'est trouvé assez seuls, très seuls parfois ; sur les 40 lettres que j'ai écrites, j'ai reçu en fait une réponse ou deux réponses d'une église à Berlin. On avait l'impression, soit que les gens n'avaient pas compris ce qui se passait, soit qu’ils étaient indifférents, je ne sais pas ! Je ne peux pas juger.

ER : On va du côté de Laarba. Dans quelle région de l'Algérie se trouve Larbaa ?

Abdenour : Laarba, c'est la Haute Kabylie, c'est à 1000 m d'altitude, à environ 30 km d'Alger, à 30 km de Tizi Ouzou, c'est un peu un centre stratégique dans la Haute Kabylie.

ER : Et là, les rencontres se font dans un garage amélioré ?

Abdenour : C'est un garage qui se peaufine de plus en plus ; on a même cassé les murs d'une petite bibliothèque pour avoir de l'espace pour le culte, car très souvent nous trouvons une partie des fidèles à l'extérieur, ce qui n'est pas commode en cas de pluie.

ER : La pluie évoque l'eau, l'eau le baptême : les baptêmes sont fréquents et nombreux.

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Abdenour : Les baptêmes sont fréquents. C'est aussi un peu notre réjouissance aussi, puisque chaque premier samedi de chaque mois nous faisons des baptêmes et je dirai que sur ce plan nous rendons grâces à Dieu parce qu’on peut dire que le Seigneur travaille de façon extraordinaire. Les dernières personnes qu'on a baptisées étaient une femme vieille de 85 ans avec ses deux filles, qui sont bien sûr aussi des femmes âgées et cela a été une grande joie dans la communauté.

ER : La jeunesse est aussi percutée, interpelée par l'Évangile.

Abdenour : La jeunesse est beaucoup plus touchée que les personnes âgées. La jeunesse, parce que le message de l'Évangile est plus audible par les jeunes que par les personnes âgées, parce que le christianisme est très souvent perçu comme un acte de culture…


ER : Depuis Saint Augustin

Abdenour : Depuis Saint Augustin, depuis le 4e siècle, on n'a pas trop entendu parler de l'Église en Algérie jusqu'au début du 20e siècle.

ER : On passe avec Hamid à une autre région qui, elle, est plus  marquée par l'islam.

Hamid : On parle de Constantine qui est à l'Est du pays, à 450 km. J'aurais juste deux choses à dire par rapport à notre vécu en tant qu'église. Je rappelle une anecdote : un journaliste est venu un jour nous interviewer sur nos conditions de vie et nous a posé des questions par rapport à notre situation : est-ce que nous sommes persécutés ou pas ? Il voulait savoir si l'État nous protégeait. Je lui ai dit : l'État ou les autorités publiques nous protègent au même titre que les citoyens, au même titre que notre voisin d’à côté qui est musulman. Pourquoi je dis ça ? Parce que Constantine, ce n'est pas la Kabylie, c'est la région la plus musulmane de tout le pays. Et les conditions de vie y sont très, très difficiles, non pas que l'Évangile ne marche pas, ne touche pas les gens. L'église est là pour accueillir, pour que l'Évangile soit enseigné, révélé même dans cette terre très difficile.

Si vous me permettez, j'aimerais ajouter juste quelque chose par rapport à notre situation. Si  nous vivons ces derniers temps des moments lourds, difficiles, peut-être vivons-nous d’abord une forme de persécution à l'intérieur  plutôt qu'à l'extérieur....

ER : Et c’est le fait d'autres chrétiens ?

Hamid : D'autres chrétiens...

ER : C'est pour cette raison que nous avons commencé notre échange par l'évocation de votre souci d'unité entre enfants de Dieu et donc nos lecteurs sont invités à redoubler de prière pour l'Église d'Algérie.

Qu'en est-il de votre liberté d'expression ? Elle est relative ?

Hamid : Elle est relative bien sûr, en fait, on n'a pas cette liberté de parler de l'Évangile...

ER : dans la rue ?

Hamid : En dehors des bâtiments. C'est ça un petit peu notre condition. Nous sommes conditionnés par cette exigence de la loi. Nous devons la respecter impérativement.

ER : Et l'objectif de l'Église Méthodiste Unie d'Algérie, c'est d'obtenir la reconnaissance officielle de la part de l'état. Les démarches sont en cours ?

Roger Correvon : C'est notre objectif, c'est un de nos objectifs, ce n'est pas le seul. Mais c'est vrai que s'il y avait une reconnaissance, cela protégerait dans un certain sens l'Église. Je pense que ça enlèverait certaines peurs, parce que beaucoup de chrétiens en fait viennent à l'Église ou ne viennent pas à l'Église, parfois ou de temps en temps, parce qu'ils ont peur d'être connus ou reconnus. D'autres personnes comme Yahia qui est côté de moi, viennent avec leur famille; Il y a des gens qui le connaissent et il s'affirme de manière très claire et sobre : "je suis chrétien" et il n'a pas eu d'ennuis particuliers jusqu'à ce jour. … Il y a toujours cette peur de l'environnement qui limite la liberté de certains chrétiens à venir au culte.

ER : On pourrait terminer ce moment en évoquant l'intervention de la police pour protéger le presbytère de Constantine...

Hamid : Moi-même, j'étais surpris, parce que, quand il y a eu cet incident-là,   - une personne qui cassait la vitre du presbytère avec un marteau - , je suis descendu et j’ai vu la police maîtriser cette personne. C'est eux-mêmes qui sont intervenus, qui ont appelé le commissariat et une voiture de police est venue devant la porte pour embarquer cette personne. Ils m'ont invité à déposer une plainte par rapport à cette personne. Je dirai qu'on a la présence de la police en permanence devant le presbytère. Est-ce que c'est une reconnaissance même informelle de notre Église ? Ou autre chose ? Mais il faut dire qu'à Constantine notre église est en permanence surveillée ou protégée par les pouvoirs publics.

ER : En tout cas, que Dieu veille sur vous et sachez que les membres de la Conférence vous soutiennent de tout coeur dans la prière ! Merci