Actu

Chienne écrasée

par Philippe Malidor, journaliste

Dans cette rubrique commune à quatre journaux évangéliques (Christ seul, Construire ensemble, Pour la vérité et En route), Philippe Malidor fait sortir de l’oubli la victime d’un violeur récidiviste.

Chiens écrasés. Ou faits divers. C’est ainsi qu’on baptise les événements qui ne sont ni politiques, ni économiques, ni culturels, ni people, ni ceci, ni cela.

Fin novembre, un événement a été signalé à la rubrique des faits divers, mais largement évincé par les conflits sociaux qui monopolisaient alors les gros titres des média. Une jeune femme avait été retrouvée lardée de coups de couteau dans le RER. Elle allait décéder peu après. En voulant, un peu comme sainte Solange, sauver son intégrité physique, elle avait eu le réflexe, la bonne idée, l’honneur de faire payer cher à son agresseur ce qu’il voulait lui faire subir. Agresseur qui, méprisant la vie des autres, a cru bon d’aller sauver la sienne, tellement inestimable à ses yeux, en allant faire soigner les blessures que la jeune femme avait eu le temps de lui infliger. Ce monsieur a avoué : c’est bien lui qui a tué, faute d’avoir pu la violer, la fille du RER. Il va faire quelques années de prison, finira par être relâché (parce que, nous le savons, la perpétuité réelle est impossible pour des raisons multiples). Et ensuite, arrivera Dieu sait quoi.

Dieu sait quoi, oui. Et Dieu savait quoi, dans ce RER. Ce genre de « fait divers » ne passe jamais bien chez moi. On s’étonne toujours du silence divin dans des situations pareilles.

Et on s’en étonne d’autant plus lorsqu’on apprend, dans un article relatant les obsèques de cette jeune femme, que c’était une chrétienne, engagée dans le scoutisme —et, pour l’anecdote, fille de colonel, étudiante en journalisme.

Voilà. Une vie à peine éclose, écrabouillée un soir, dans un RER désert, par un violeur récidiviste et désormais meurtrier. Un avenir interrompu, des projets anéantis, un témoignage de foi brutalement stoppé.

Longtemps restée anonyme, la jeune fille avait certainement reçu pour elle-même, sous une forme ou sous une autre, cette déclaration de Dieu autrefois destinée à Moïse, puis à Israël : « Je te connais par ton nom. »

Elle s’appelait Anne-Lorraine Schmitt. Et avant que son nom ne soit aussi vite oublié qu’il est apparu, il était sans doute utile de lui rendre un petit hommage. Avec l’espérance qu’au ciel, l’ambiance est bien meilleure que dans les souterrains infernaux de nos villes géantes. Avec la foi que près du Père, elle est un être précieux, éternel, et non pas un morceau de chair à plaisir qu’on dévore sans permission.