Cap Town

L'Évangile et la sauvegarde de la création

Scott Sabin2


Voici un article de « La consultation internationale » publiée en marge de la rencontre de « Cape Town 2010 », troisième congrès de Lausanne sur l’évangélisation du monde soulignant la nécessité de prendre à bras le corps les questions écologiques, logique pour les intendants de la création que nous sommes appelés à être.

Étienne bine le sol desséché ; depuis des années, les rares pluies sont imprévisibles. Sa femme revient de la forêt, un paquet de bois sur la tête, après être allée chercher de l'eau à près d'une heure de marche. Sur son dos, son bébé malade de la parasitose intestinale à cause de cette eau qu'elle eu tant de mal à se procurer. 

Cette famille vit au quotidien les conséquences du désastre écologique mondial. Comme il a peu d'impact sur la vie des Occidentaux, nous prêtons peu attention aux avertissements. 

La « bonne santé » du monde indispensable

Depuis que je travaille pour l'organisation «Plant with Purpose» (Plantez à bon escient),  j'ai commencé à comprendre. Pour aller au-delà des symptômes de pauvreté, il faut nous attaquer à la santé de l'écosystème. Par exemple, si l’on considère l'érosion des montagnes en Haïti et les rivières engorgées de vase, il est évident qu’on ne peut pas donner un verre d'eau sans restaurer d'abord l'approvisionnement en eau. Nous dépendons tous d'un monde en «bonne santé».  

Pour répondre aux besoins et aux désirs de 6,8 milliards d'êtres humains, la gestion de l'environnement est au cœur du débat mondial. Des centaines de problèmes environnementaux, moins connus que le changement climatique, deviennent critiques : la  vie disparaît des océans à un rythme alarmant, l'eau douce se fait de plus en plus rare, tandis que la déforestation fait diminuer les précipitations ainsi que la fertilité des sols et les ressources en eau.

Beaucoup pensent que ce sujet détourne les croyants de leur engagement envers l'Évangile. Pourtant, dès le commencement, s'occuper de la terre créée par Dieu a toujours été une responsabilité fondamentale des êtres humains.

Adam est installé dans le jardin pour l'entretenir et le préserver. L'Ancien Testament précise que «la terre est au Seigneur» et que, chargés de sa gestion à titre temporaire, nous devrons rendre compte un jour de notre mandat. Et, selon Apocalypse 11.18, Dieu détruira ceux qui détruisent la terre.  

La rédemption, bonne nouvelle pour la création

Est-ce une impudence de penser que l'homme puisse exercer une influence néfaste sur l'environnement ? Non, les Ecritures démontrent un lien direct entre le comportement de l'humanité et l'état de la terre entière. Le sol est maudit à cause du péché d'Adam3. Avec le déluge, le péché entraîne la destruction de pratiquement toute vie sur terre et ce qui y échappe est sauvé avec l'aide de Noé. La malédiction du sol reste une réalité, à la fois fondamentale et douloureuse, de la vie de nombreux paysans dans le monde.

Selon les Psaumes, la création continue à rendre gloire à Dieu en lui faisant plaisir. Le psaume 104 souligne sa relation particulière avec le reste de ses créatures, indépendamment de l'humanité.  Comme Job, écoutons la description que fait Dieu de ce monde et apprenons l'humilité.

Paul dit que la création tout entière soupire dans l'attente impatiente de la rédemption et de la révélation des enfants de Dieu4. Le plan de rédemption de Dieu est conçu comme une bonne nouvelle pour toute la création. A la suite d'Adam, nous sommes appelés à être des gérants d'un monde qui appartient toujours à Dieu. Comme enfants de Dieu, nous faisons partie de cette Bonne Nouvelle pour sa création qui, jusqu'à maintenant, a souffert de notre cupidité.  Comme chrétiens, notre responsabilité vis-à-vis de l'environnement est terrifiante mais aussi humiliante. 

Gestion de l’environnement et amour du prochain

Plus qu'un problème d'obéissance et d'humilité, la gestion de l'environnement est aussi une question d'amour envers notre prochain. Les peuples les plus pauvres du monde n'ont pas de supermarché ni d'eau en bouteilles. Lorsque la pluie ne tombe pas, les gens meurent de faim. Quand l'érosion abîme le sol, la famine en résulte. Quand l'eau est polluée, les enfants attrapent des maladies. Quand on a coupé tous les arbres, les femmes, comme celle d'Étienne, font des kilomètres pour trouver du bois à brûler. Quand la déforestation s'étend, la ligne de partage des eaux  ne fonctionne plus et les cours d'eau tarissent. Quand la pluie arrive, des glissements de terrains mortels se produisent. Or, pour la plupart des gens avec lesquels j'ai travaillé ces quinze dernières années, leur seul patrimoine, c'est le sol et l'eau. Nous devons tout faire pour leur protection et leur sauvegarde en arrêtant la dégradation des écosystèmes. En rendant service à la création par une bonne gestion, nous rendons service à ces peuples.  

On peut imaginer une étendue déserte libre de toute présence humaine, mais ce serait nier notre rôle de gérants. Dieu nous appelle à agir en faveur de sa terre en la faisant fructifier. Il dépend de nous que nos interactions avec la création soient porteuses de vie ou de mort. C'est notre rôle de citoyens du Royaume de Dieu de rappeler ce choix. 

Avec Jésus, notre engagement dans le monde s'est transformé : nous aimons nos ennemis et nous servons notre prochain. Malgré les effets de la malédiction, nous nous efforçons d'utiliser les systèmes naturels de Dieu pour le bien de tous.  En agriculture vivrière, les mauvaises herbes poussent toujours et des récoltes sont anéanties mais, en imitant les écosystèmes naturels, nous pouvons rendre à la création ce qu'elle nous a donné. La sylviculture, la permaculture, le compostage des latrines et même le recyclage mettent ces principes en action.


Restaurer notre relation avec la terre

Nous voyons comment Dieu peut transformer le mal en bien au milieu d'un enchevêtrement d'écosystèmes qui dépendent les uns des autres. Rien ne se perd et tout a sa place. Partout, la vie jaillit de la mort. Ne nous contentons pas de réduire notre impact sur la création, efforçons-nous de restaurer notre relation avec la terre. La pensée du Royaume peut servir de guide dans nos projets et nos choix individuels. Avec «Plant with Purpose», nous avons vu se produire la restauration. Des rivières et cours d'eau qui avaient tari se sont remis à couler à la suite de solutions apportées en amont, illustrations de la capacité de Dieu à réparer et restaurer, à la fois pour nous et aussi pour les agriculteurs auprès desquels nous voulons manifester l'amour du Christ.

Dans les pays industrialisés, nous avons beaucoup à apprendre de nos frères et sœurs du reste du monde. J'ai été impressionné par le sérieux des responsables d'Églises d'Afrique, d'Amérique Latine et d'Asie qui se sont attelés à la sauvegarde de la création. Au Kenya, un congrès de missions travaillant dans ce domaine sur le thème «Dieu et la Création» a fait le plein avec un grand nombre de pasteurs et responsables d'Églises venus de tout l'Est africain. Il en est résulté des idées et des actions. Un pasteur de Tanzanie a encouragé toutes les Églises de sa région à créer des pépinières.   Un autre a proposé que tous les confirmands plantent un arbre. Depuis, ce sont plus de 500 000 arbres plantés et une importante source d'eau, devenue intermittente, coule aujourd'hui en permanence.  

Selon Paul5, la création révèle Dieu et permet d'étudier la personne de Dieu à partir de sa Parole. Plutôt qu'un sujet concurrent, la gestion de l'environnement fait donc partie intégrante de l'histoire du Salut.  

Parler d’environnement et témoigner

Source de passion et d'inquiétude, l'environnement ouvre les portes à la discussion et au débat. Les adhérents de «Plant with Purpose» me disent que le simple fait de parler de ce projet à leurs collègues et amis leur donne aussi l'occasion de parler de leur foi. Discuter avec des paysans pauvres au sujet de la terre et du sol nous permet d'inclure le récit biblique dans notre œuvre. Après tout, la Bible commence cette histoire par la création, la terre et le sol. Une grande partie du globe souffre des atteintes à l'environnement ou réagit aux prédictions catastrophiques par un désespoir paralysant. Les deux groupes ont besoin de connaître l'espérance qu'apporte Jésus-Christ. Notre espérance qui a trait directement à la rédemption de toute la création  rappelle que Dieu aime le cosmos et comble nos besoins grâce à la terre.  

Trop souvent, notre voix a été absente du dialogue, parce que les chrétiens occidentaux tendaient à mépriser les problèmes d'environnement, de peur de s'éloigner de l'essentiel : le message du salut en Jésus-Christ. C'est assurément une bonne nouvelle que Dieu veille sur l'ensemble de sa création.  

2 Directeur exécutif de "Plant with a Purpose", organisation chrétienne qui lutte contre la déforestation et la pauvreté. (www.plantwithpurpose.org).

3 Genèse 3.17

4 Romains 8.19,22.

5 Romains 1.20

Traduit et adapté par André Souchon

Copyright © Christianity Today 2010/Le Mouvement de Lausanne

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