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Retour sur le mariage pour tous


La teneur de l’article de Nicolas Farelly dans le numéro précédant (N° 95) de même que les réactions qu’il a suscitées plutôt très contrastées nous ont conduits à demander à Charles Nicolas d’approfondir le sujet en dehors de toute polémique stérile et inutile. Cette chronique est commune à Christ Seul et à ENroute.


(Réponse à Nicolas Farelly)

Charles Nicolas, pasteur UNEPREF, aumônier des hôpitaux

De quoi parle-t-on ?

Qu’on me permette d’abord de mettre des guillemets au mot mariage dans l’expression « Mariage pour tous ». La plupart des débats n’aboutissent pas, car on n’a pas donné le même sens aux mots. Un professeur de la faculté de théologie d’Aix en Provence recommandait de toujours définir clairement les mots qu’on emploie. Cela éviterait bien des quiproquos, bien des impasses et bien du temps perdu. Le mariage est et sera toujours l’alliance d’un homme et d’une femme, scellée par un engagement public et par l’union sexuelle. Ainsi, il est tout simplement impropre de parler de mariage pour les homosexuels ; plusieurs d’entre eux l’ont d’ailleurs exprimé sans équivoque et publiquement. L’égalité n'a rien à voir là-dedans.

Gare aux oxymores

En France, le mariage est bien possible pour tous, quels que soient la religion, la couleur de peau, la fortune, le niveau d’études, l’opinion politique… Cependant, la différence sexuelle étant une des constituantes majeures du mariage, il faut simplement admettre que la juxtaposition des termes mariage et homosexuelconstitue à proprement parler un oxymore1.

Au nom du principe d’égalité ?

Il me semble important, sur ce sujet comme pour d’autres, de distinguer les principes de leur application. Débattre des principes est une chose ; débattre des applications d’un principe en est une autre. Débattre des principes, c’est ce que Nicolas Farelly appelle la réflexion de fond. Débattre des principes, c’est vérifier le sens des mots, mais aussi des présupposés qui sous-tendent nos convictions. Sur quelles valeurs de fond mes convictions s’appuient-elles? Le point de vue de la majorité socialiste s’est principalement appuyé sur le principe d’égalité. C’est un principe important. Mais est-ce le seul qui vaille d’être mis en exergue ? Si on ne retient que l’égalité, pourquoi certains hommes sont-ils en prison et d’autres pas ? Il faut donc d’autres principes qui s’ajoutent à celui d’égalité, comme celui de justice, par exemple.

Après tous ces efforts, nous ne devons rien lâcher.

> Pour défendre les droits de l'enfants,
> Pour nous opposer à la procréation médicalement assistée –PMA – et à la banalisation des mères porteuses.


Respect des convictions

Ainsi, je suis circonspect quand j’entends parler de « respect des convictions ». S’il on veut dire par là qu’on écoute l’autre attentivement jusqu’au bout, je suis d’accord bien entendu. Si on entend par là que toutes les convictions se valent, je ne le suis plus, car cela confine au mensonge. Je ne suis pas certain que Jésus ou l’apôtre Paul nous aient enseigné le respect des convictions ou quelque chose qui ressemblerait à ce qu’on appelle la tolérance. Ainsi, sur un certain nombre de sujets ou de principes majeurs, on peut et on doit être binaire. En d’autres termes, on fera œuvre utile en disant non et en le disant fermement.

Pour ce qui est de l’application des principes, des latitudes plus grandes peuvent être envisagées, non pas pour contredire les principes, mais pour trouver la manière juste, adaptée, favorable de les appliquer.

Dialogue serein ?

Je suis circonspect aussi en entendant parler de « dialogue serein ». Si cela est une manière d’en appeler à l’humilité et à la courtoisie, je suis d’accord, bien sûr. Mais si c’est une façon de dire qu’il n’y a pas d’enjeu, alors je crie gare ! Notre monde moderne veut croire que tous les enjeux sont maîtrisés aujourd’hui, et il s’étonne de voir la violence et la mort surgir de toutes parts. Loin de moi l’idée de justifier quelque fanatisme ou quelque extrémisme qui soit. Mais il me semble qu’il manque cruellement d’hommes qui soient en mesure de parler clair et fort sur des sujets importants. Des prophètes, en quelque sorte.

Effets du debat

Il me semble que la période que nous avons vécue, ces dernières semaines, a quand même permis à un certain nombre de textes pertinents de circuler et de nourrir la réflexion. Plus d’un évangélique, d’ailleurs, a pu être étonné de voir avec quelle ferveur certains députés, certains penseurs, certains hommes religieux se sont exprimés, avec bon sens, avec courage. Cela n’a-t-il servi à rien ? Toute parole de bon sens porte à conséquence, indépendamment des majorités. Il sera apparu aux yeux de beaucoup, par exemple, que catholiques et évangéliques se sont retrouvés proches dans leurs convictions en matière d’éthique (mais aussi sur certains fondements de la foi). Cela laissera des traces, le regard les uns sur les autres ne sera plus tout à fait le même. On pourrait mentionner les musulmans aussi dans la découverte des positionnements des uns et des autres. Et puis, il y a ceux pour qui la crainte de Dieu est une notion désuète, ceux pour qui l’humanisme constitue la quintessence de la foi chrétienne… Ceux-là se sont retrouvés parfois bien isolés, une fois mise en sourdine la clameur des médias.

Amour du pécheur et haine du péché

Il faut encore dire un mot sur l’amour du pécheur et la haine du péché. Cette idée-là, en effet, comporte une certaine équivoque qu’il serait utile de dissiper. Quand la Bible s’exprime dans ce sens, elle le fait en précisant que le pêcheur devrait se dépêcher de se détourner de son péché sous peine d’être rejeté avec son péché. C’est la dimension de la repentance qui est ainsi introduite. Je ne crois pas qu’il soit juste de parler des homosexuels comme s’ils constituaient un ensemble homogène. Je ne parlerai sans doute pas de la même manière avec un homosexuel qui cherche la vérité et qui est ouvert à la grâce de Dieu et avec un homosexuel qui milite pour la banalisation de son penchant, voire de sa pratique. Je crois que Dieu aime le pécheur qui souffre de son péché et que Dieu rejette celui qui revendique son péché… Là aussi, nous ferons bien, si nous voulons être des témoins fidèles, de ne pas laisser croire que tout revient au même.

Ceci-dit, il est bien possible qu’un homme ou une femme homosexuels aujourd’hui revendiquent leur pratique et demain s’humilient devant Dieu pour recevoir son amour. Cela, non seulement je ne l’exclue pas mais je l’espère ! Et ceux-là, ils devraient pouvoir s’asseoir au premier rang dans l’assemblée des fidèles.

28 février 2013

Notes

1    Figure de style qui vise à rapprocher deux termes (un nom et un adjectif) que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire.

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