Enseignement

LA BENEDICTION DE DIEU: UN STYLE DE VIE

(Claude BAECHER, EEM Colmar - Haut-Rhin, 11-14/10/2001)

Claude BAECHER habite près de Saint-Louis (Haut-Rhin) et est enseignant au Centre de Formation et de Rencontre (CeFoR) mennonite du Bienenberg (Suisse), il enseigne également un séminaire d'eschatologie à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine (région parisienne) et dirige une formation par week-end : la Formation Biblique pour le Service dans l'Assemblée (FBSA).

Une bénédiction en marche dès le commencement
La notion de bénédiction apparaît pour la première fois quand Dieu l'utilise lors de la création. Il est intéressant de constater que Dieu ne bénit que certaines choses, pas tous les jours. La première fois que Dieu bénit, ce sont les animaux, puis il bénit l'homme et la femme : la bénédiction s'adresse donc à des vivants, pas à des choses inertes. En troisième, Dieu bénit le septième jour, donc ni quelque chose de matériel, ni quelque chose de vivant Mais en fait, cette bénédiction est en lien avec la fertilité, la fécondité, la vie.
La conséquence pratique qu'on peut en tirer, c'est notre façon de prier avant un repas. Nous demandons souvent à Dieu de "bénir cette nourriture", alors que Dieu nous a déjà bénis nous-mêmes précisément dans le fait que cette nourriture soit sur notre table. Un autre exemple est celui de la sainte cène à l'Église: quand nous prenons le pain et le vin, c'est nous qui sommes bénis, pas le pain!
Si on revient au récit biblique, après la création, on arrive à Genèse 6, où il est question du déluge, puis Genèse 11 avec la tour de Babel, deux épisodes où Dieu détruit, mais ensuite, on arrive à Genèse 12, où Dieu dit à Abraham: "Je bénirai ta descendance, toutes les nations de la terre seront bénies à travers toi": Dieu n'est pas un être de réplique sans fin, quand il détruit, il a souci de reconstruire.
La bénédiction est donc quelque chose de beau, qui touche les vivants.
Beaucoup de gens pensent qu'on est né dans une succession de générations qui "portent la poisse" ou qui sont bénies, mais cette "chaîne de malédiction" peut être facilement brisée: quand Dieu bénit, il n'y a pas de malchanceux à vie, sa bénédiction est la volonté d'interférer dans le réel pour le sauver, la bénédiction est l'engagement bienveillant de Dieu en faveur d'autrui.
Il y a une grande différence entre la vision biblique et la vision magique de la bénédiction: la vision biblique n'est pas "mécanique", la bénédiction dépend d'un choix personnel, il n'y a aucune fatalité (cf. Deut 30.15: "Je mets devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction." C'est à toi de choisir la vie). Dans la vision magique se trouve l'idée de croire qu'on peut manipuler la bénédiction ou la malédiction , alors que dans la vision biblique, on choisit.

La bénédiction dans et par la famille
Dans Genèse 27.27, nous lisons que Isaac bénit Jacob, mais sa prière se résume en quelque sorte par: "Que Dieu te bénisse!" La personne qui prononce la bénédiction (ici Isaac) est le sujet grammatical, mais doit avoir joui par avant de la bénédiction et le vrai acteur de la bénédiction est Dieu. Le subjonctif souligne que celui qui prie ne peut pas agir lui-même, mais qu'il a confiance que Dieu le fera : la bénédiction est un acte de confiance.
En pratique, vous pouvez être le remplaçant temporaire de Dieu pour un proche, car Dieu peut passer à travers quelqu'un temporairement pour toucher un autre. Il n'y a pas que le mal qui se propage, mais aussi le bien : la bénédiction de Dieu se fait par délégation temporaire et se propage. Notre lumière doit briller parmi tous les hommes afin qu'ils en attribuent la gloire à Dieu.
Bénir, c'est dire à l'autre que le Seigneur l'aime encore.

Apprendre à bénir
Le texte biblique qui se trouve en Luc 6.27-36 nous dit que Dieu veut que nous soyons en bénédiction envers ceux qui nous veulent du mal, nous calomnient. La bénédiction est un acte de prêtre, mais précisément, depuis Jésus-Christ, nous sommes des prêtres, c'est donc un service qui nous est délégué : nous sommes appelés à bénir. Jésus appelait à bénir, mais aussi Paul (1Co 4.12) et Pierre (1Pi 3.9).
La bénédiction passe souvent par un acte, faire du bien c'est bénir (par exemple: offrir un gâteau que la personne qui nous en veut aime).
Le fondement de cette volonté de bénir est toujours la croix de Jésus-Christ. Comme disait Dom ELDER CAMARA: "La croix brise la spirale de la violence." Ou encore Martin Luther KING: "Il n'y a pas de puissance plus grande que la croix capable de transformer un ennemi en ami".
Passer d'une réplique démesurée à une réplique mesurée est un petit pas, passer d'une réplique mesurée à une simple parole sans réplique est un deuxième pas, passer d'une simple parole sans réplique à un amour mesuré est un troisième pas et passer d'un amour mesuré à un amour qui conquiert les coeurs est le chemin sur lequel le Seigneur Jésus aimerait nous faire marcher.
Nous sommes appelés à bénir parce que nous avons été nous-mêmes bénis : la bénédiction de Dieu parvient aux païens (nous) parce que Jésus-Christ a pris sur lui la malédiction (Gal 3.13).
La bénédiction dans et par la communauté
Claude BAECHER se base sur l'histoire de Ruth. Cette histoire terrible n'est pas d'abord une histoire de bénédiction : Naomi a perdu son mari et ses deux fils, elle est en pays étranger avec ses deux belles-filles, qui sont Moabites et n'ont pas d'enfants.
Alors que Orpa s'en va pour "refaire sa vie" ­ avec la bénédiction de Naomi qui accepte son choix - Ruth décide de rester auprès de sa belle-mère et d'accepter pour peuple son peuple et pour Dieu son Dieu. Est-ce à cause du caractère, du témoignage et de l'affection de Naomi, de la conduite d'Élimélec et de Machlon et de leur façon de respecter Ruth de leur vivant, de leur enseignement?
En tout cas aujourd'hui, dans nos communautés, traiter respectueusement la personne et fournir un lieu où se faire des amis sont particulièrement importants et aident à soigner l'accueil. La bénédiction nécessite parfois des remplacements temporaires de Dieu : la belle-mère, le collègue de travail, le voisin Nous pouvons tous être amenés à jouer ce rôle pour quelqu'un un jour.
Jean VAGNEY, fondateur de communautés qui intègrent des handicapés mentaux, écrit dans son livre " La communauté, lieu du pardon et de la fête" : "La communauté n'est que la terre où chacun peut croître sans peur vers la libération des formes d'amour qui sont cachées en lui". Ainsi l'Église favorise l'intégration des gens "en marge" en apprenant patiemment à vivre avec eux, sans les forcer à être autre chose que ce qu'ils sont. "La meilleure nourriture de la vie communautaire, celle qui renouvelle et ouvre les coeurs, ce sont : les tout petits gestes de fidélité, de tendresse, d'humilité, de pardon, d'écoute, de délicatesse et d'accueil du quotidien."

Christian BURY