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Les cris d'une pierre, l'écrit d'un ossuaire
"Jésus répondit : Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront!" (Luc 19.40)
Jésus prévoyait le jour où l'archéologie ferait éclater l'évidence au grand jour. Découverte d'une inscription sur un ossuaire datant de l'année 63 après J. C. et mentionnant Jésus. La controverse est d'office lancée : est-ce une pièce à conviction ou un piège?
La presse perçoit le cri de l'écrit: "Jésus apparaît sur un caillou", écrit Libération, l'Express arbore un titre analogue: "Jésus apparaît sur la pierre", tandis que le Temps estime que "la plus ancienne preuve de l'existence de Jésus aurait été découverte à Jérusalem". Cybersciences abonde dans ce sens: on dispose avec cet ossuaire de "la preuve de l'existence de Jésus de Nazareth". Plus neutre, le Monde laisse entendre qu' "un ossuaire du 1er siècle ferait référence à Jésus-Christ ".
Un français est à l'origine de la découverte: André LEMAIRE, directeur d'études à l'École Pratique de Hautes Études à Paris (Sorbonne) et spécialiste réputé en philologie et épigraphie hébraïque et araméenne. Il décrypte et défriche les quelques mots, inscrits en araméen - la langue parlée par Jésus - sur le côté d'un ossuaire vide détenu par un collectionneur privé israélien: "Ya'akov, bar Yosef, akhui di-Yeshua", ou si vous préférez, "Jacob, fils de Joseph, frère de Jésus".
Cette découverte soulève d'emblée une question: ce Jacques, ce Joseph et surtout ce Jésus correspondent-ils aux personnages du Nouveau Testament? A-t-on affaire à la plus ancienne référence à la fois archéologique et historique au fondateur du christianisme?
Une suite d'indices probants:
Avec les précautions d'usage, le chercheur français répond que c'est le cas dans les colonnes de la très sérieuse revue Biblical Archaeological Review: il a de fortes présomptions. "Dans cet articleje dis explicitement que ce n'est pas absolument certain, mais probable, voire très probable." En tout cas, il a longuement travaillé pour savoir ce qu'il en était vraiment. Cette inscription "mentionne Jésus, elle est contemporaine de l'époque à laquelle il a vécu et elle rappelle l'importance de Jacques, de la famille de Jésus et du christianisme", explique ce chercheur.

1. L'authenticité du vestige archéologique est garantie. La production de ces ossuaires en calcaire était chose courante jusqu'à la prise de Jérusalem par les Romains, en 70.
2. L'apôtre Jacques - surnommé le Juste ou le Mineur, par référence à l'autre apôtre Jacques, dit le Majeur - que certains passages de la Bible disent le frère de Jésus, serait mort lapidé en 62 selon Flavius JOSÈPHE, un historien juif de l'époque.
3. Ensuite la forme correcte des lettres et la cohérence du texte: "... l'écriture est belle et facile à lire, la forme des lettres m'indique qu'elles ont été tracées entre 0 et 70 de notre ère " affirme LEMAIRE.
4. Enfin, l'ossuaire a été examiné au microscope électronique par un laboratoire de géologie israélien, en vue d'en observer la patine et l'inscription. On n'a pas affaire à un faux, comme le montrent ces examens en laboratoire.
Conclusion de l'analyse : l'objet ne comporte aucune trace d'intervention moderne.
Il reste à identifier Jacques dont l'ossuaire a contenu jadis les os. André LEMAIRE a d'abord eu recours à l'onomastique, la science des noms, qui définit notamment la répartition des prénoms. "En tenant compte du nombre d'habitants à Jérusalem qui, selon la fourchette haute, était de 80 000 personnes et de l'onomastique de l'époque, je suis arrivé à la conclusion qu'il ne pouvait pas y avoir plus d'une vingtaine de Jacques ayant à la fois pour père un Joseph et pour frère un Jésus ; d'après un petit exercice de statistique personnel tenant compte de la fréquence des prénoms utilisés entre 0 et 70 après J.-C., environ 20 personnes seulement ont pu s'appeler Jacques fils de Joseph frère de Jésus", explique André LEMAIRE.
Mais pour ce chercheur l'évocation du frère du défunt n'est pas anodine: "Sur les quelque 2 à 3 000 ossuaires répertoriés, je ne connais qu'un seul autre cas où il soit fait mention d'un frère. Il faut une raison spéciale pour qu'on le nomme. C'est cette coïncidence intéressante qui rend très probable l'identification de Jacques et, dans un deuxième temps, de Jésus." Le nom de Jésus devait être célèbre à l'époque pour qu'on l'inscrive sur un vestige funéraire. Parmi les 800 ossuaires mis au jour et datant de cette époque, seuls deux portent la mention du prénom du frère du mort.
Cette inscription confirme donc le lien fraternel entre Jésus et Jacques évoqué explicitement dans la Bible et met en cause directement le dogme catholique de la "virginité perpétuelle" de Marie. 
Bref, l'inscription épigraphique corroborerait manifestement le témoignage des Évangiles. "C'est la première découverte archéologique qui corrobore les références bibliques à Jésus". En toute vraisemblance, le Jésus cité sur cet ossuaire serait bien le Messie biblique et Jacques aurait eu la même mère que Jésus. La pierre crie, l'écrit de l'ossuaire est éloquent: nous aurions ici la plus ancienne preuve de l'existence du Jésus historique.
Confirmation d'un archéologue, pasteur évangélique méthodiste:
Le pasteur Ben WITHERINGTON III est professeur de Nouveau Testament au Séminaire Théologique d'Asbury et lui aussi rédacteur de la revue "Biblical Archaeological Review ", qui a publié l'article du français LEMAIRE. Il confirme le sérieux de ses travaux et de ses conclusions.
1. A propos de la syntaxe de l'inscription: " L'inscription se présente ainsi "Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus", et pas sous la forme de "Jacques, frère de Jésus, fils de Joseph", a dit WITHERINGTON. "Nous aurions pu nous attendre à la dernière tournure, si c'était une contrefaçon. Aussi la dernière inscription soulève quelques questions sur les relations de Jésus à Joseph. Telle qu'elle est écrite, l'inscription nous dit simplement " es relations de Jacques à deux de ses proches parents - son père et son frère."
"Cette inscription est la plus importante des preuves extra bibliques de ce genre, qui démontre que Jacques a existé, qu'il a été quelqu'un d'important et qu'il a été le frère d'un autre juif de la plus haute importance - Jésus."
2. Sur l'importance accordé au frère: il est peu commun pour un ossuaire de porter une inscription se référant à un frère, a-t-il dit. Ce n'était pas une pratique habituelle de mettre le nom d'un frère sur l'ossuaire à moins que le frère ne soit quelqu'un de bien connu, a-t-il ajouté.
"Puisque l'araméen dit ici clairement "frère", sans autre qualification, on peut en déduire tout naturellement que Jacques avait les mêmes liens de parenté avec Jésus qu'il avait avec Joseph. Autrement dit, l'épigraphie s'élève contre toute théorie qui tiendrait en réalité les frères de Jésus pour ses cousins, comme le font les traditions catholiques quelque peu ultérieures."
3. L'importance de l'araméen: "La sainte famille pratiquait l'araméen, comme nous le pensions depuis longtemps, et pas l'hébreu ni le grec. Probablement que l'araméen était la première langue pratiquée par les premiers judéo-chrétiens à Jérusalem certainement responsables de l'enterrement de Jacques et de l'inscription de cet ossuaire en langue araméenne", a-t-il dit.
4. A propos de Jacques, de sa vie et de sa mort: "Comme l'historien juif Josèphe le suggère, Jacques a vécu et est mort à Jérusalem et maintenant nous savons qu'il a aussi été enterré là-bas et pas dans sa région d'origine, la Galilée," a-t-il ajouté. Josèphe suggère que Jacques a été tué en 62 après J. C., l'année même retenue pour l'ossuaire. "On a longtemps pensé que Jacques était comme un demi-frère de Jésus. Cette découverte augmentera l'intérêt pour Jacques, personnage important."
WITHERINGTON envisage maintenant la rédaction d'un livre sur cette découverte, avec Jambes HERSHEL, autre rédacteur de la Biblical Archaeological Review, La chaîne TV Discovery prévoit des émissions spéciales sur l'ossuaire pour Pâques 2003 et la publication de leur livre est prévue au même moment.
La pierre crie et l'écrit de l'ossuaire fait impression ! Dans ce monde tombé dans la fosse du scepticisme, prêtera-t-on davantage attention au témoignage de l'Écriture après la découverte de cette pièce archéologique et le faisceau d'indices accréditant son authenticité?
Jean-Philippe WAECHTER