Au-delà de nos frontières

Ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse
2 Cor 12.9

Ouadhia, fin août 2000 (abrégé).
Enfin le temps venu pour un mot de notre part ! L'espoir de rédiger cette lettre durant la pause d'été s'est avéré vain. Nos coéquipiers étaient en vacances ou suivaient le cours de base et des laïques à Oran. Ensembles avec Tatiana et Tarik, nous avons assuré la permanence. Le manque d'eau dans la canicule, des travaux de remise en état des locaux, des visites et des visiteurs ont finalement pris tellement de temps que la lettre en est restée à ses débuts.
Ces deux dernières années ont été marquées par la faiblesse croissante du père d'Erna, puis son décès à la mi mai 2000, à l'âge de 97 ans
Voici quelques moments de tout ce que nous avons vécu ces derniers mois. La vie de la communauté suit son rythme habituel avec de l'information, de l'évangélisation, les cultes, les études bibliques, l'enseignement, la cure d'âme et la communion fraternelle. Nous sommes dans un temps de réveil et d'ouverture à la foi chrétienne. Les événements et problèmes qui y sont liés sont déjà mentionnés dans les Actes des apôtres et les épîtres de la Bible.
La station de la Mission Méthodiste étant un lieu de culte officiel de l'Église Protestante d'Algérie, nous nous sommes toujours efforcés de laisser la portelargement ouverte. Peu d'Églises dans le pays ont cette possibilité. Ainsi, au culte - à côté des quelques frères et soeurs de Ouadhia - se trouvent des chrétiens de tous azimuts. Il y a toujours aussi des nouveaux et des curieux, qui aimeraient voir le déroulement d'un culte chrétien algérien. Parfois, ils sont étonnés de constater qu'on chante, lit et prêche en trois différentes langues. Louanges, prières, témoignages, messages, Sainte cène et une fois par mois les baptêmes (s'il y a des candidats), vous font oublier que vous avez ainsi passé 3 à 4 heures ensembles ! Puis, tout en dégustant un casse-croûte aux légumes, vous pouvez vous joindre au groupe des femmes ou hommes pour poser des questions brûlantes concernant la foi ou partager des expériences !
En moyenne 60 à 100 personnes participent au culte. La composition de l'assistance varie de semaine en semaine. Dans les villages se forment continuellement de nouveaux groupes ; de ce fait le nombre de participants au culte reste plutôt constant.

Nombreux sont aussi ceux qui viennent durant la semaine en quête d'informations concernant la foi chrétienne. Ils veulent " voir l'Église ", et s'attendent à une cathédrale ! ou bien ils désirent savoir " pourquoi on a changé de religion ". Les voitures de la station portent, à côté du logo d'une personne versant de l'eau dans des cruches, l'inscription Eau vive en tamazight et arabe. Celui qui cherche à connaître le sens de l'écrit reçoit en plus de la réponse un Évangile.
Les études bibliques de lundi soir et jeudi après-midi servent à fortifier notre foi. Elles nous apparaissent de la plus grande importance en face de toutes ces influences para-chrétiennes qui, même ici, se font de plus en plus sentir.
Nos collaborateurs préparent des cours et des leçons dans la langue locale. Leur thème principal est l'introduction dans la foi chrétienne et son application dans la vie de tous les jours. Les nouveaux convertis sortent d'une religion qui connaît un Dieu, un Jésus, Moise et des prophètes, mais ils en ont une compréhension différente de celle de la Bible. L'aide pour une meilleure approche vient de préférence de quelqu'un qui a vécu personnellement ce changement.
Très souvent il faut produire le matériel (livres et cassettes) sur place, adapter et photocopier en trois langues (français, arabe, kabyle).
Il y a quelques semaines, après un travail de collaboration nous avons pu terminer la 3e " édition " et la " fabrication artisanale " du recueil des cantiques kabyles. Après l'ajout de 30 textes de chants chrétiens nouveaux, il en contient maintenant 89 plus la prière " Notre Père " et la " confession de foi ". L'importation des Bibles ne se fait toujours qu'au compte-gouttes. Il y a des démarches en cours pour l'obtention d'une antenne de la Société Biblique Internationale, c'est un grand sujet de prière. Le magasin de la Bible à Alger, fermé il y quelques années, n'a pas encore pu rouvrir.
La révision de l'ébauche de l'Ancien Testament en kabyle avance bien. Les quatre membres de l'équipe y travaillent quatre jours entiers par semaine. Trois livres et demi sont ainsi déjà révisés à fond. Les textes d'Exode, Lévitique et Nombre sont dans des familles pour être lus à haute voix et testés. Une fois le Pentateuque réuni, nous espérons pouvoir les rendre accessibles à un lectorat plus large, surtout à des groupes pour l'étude. Nous constatons souvent que des analphabètes, ne connaissant que les lettres latines, arrivent en un temps record à lire leur langue maternelle !
La cure d'âme se fait surtout pour nos collaborateurs et membres de la communauté. Dans ce pays, il y a peu de gens qui n'ont pas été d'une manière ou d'une autre en contact avec l'occultisme. Même après la conversion il faut parfois de l'aide pour être libéré de liens occultes ou pour surmonter le racisme et la rancune. Pardonner à la suite du pardon reçu, voilà des pas concrets dans la marche du chrétien. L'accompagnement des nouveaux convertis demande beaucoup d'amour, de patience et de sagesse.
Les célébrations de Noël restent toujours les moments forts de la vie communautaire. La dernière fois c'est un cinéaste et écrivain algérien qui y a participé. Il a tourné un film documentaire de 45 mn sur le thème " Je suis chrétien". Il y a mis des extraits de notre culte avec des témoignages, des baptêmes et une pièce théâtrale de la plume et régie de Nadia : " Le fils prodigue ". Ce film, bilingue, a été montré ce printemps à l'université de Tizi-Ouzou suivit d'un débat auquel ont participé quelques-uns de nos collaborateurs.
Il y avait aussi " La première rencontre de jeunes chrétiens algériens " en été 1999, avec 80 participants et 30 encadrants, entièrement organisée et financée par les Églises locales. Elle a été le sujet d'un article détaillé dans la presse locale. Le journaliste a participé à l'événement en tant qu'observateur.
Nous nous réjouissons des contacts et de la collaboration avec des chrétiens et des Églises de l'étranger (Suisse, France, Égypte, Jordanie etc.). C'est enrichissant et cela évite l'égocentrisme.
Nos chantiers, celui du grand mur de soutènement et celui du " foyer - école biblique ", avancent avec une lenteur parfois désespérante ! Tantôt c'est l'argent qui manque, tantôt ce sont les ouvriers qui ne sont pas disponibles ! Il y a de quoi apprendre la patience !
Notre équipe de travail se compose actuellement de dix personnes.
Depuis quelque temps, paraissent dans la presse algérienne des articles plus ou moins neutres sur la croissance du nombre de chrétiens en Algérie. Ouadhia y est souvent mentionnée. La présence chrétienne à Ouadhia fait partie de l'histoire de la région. Durant de nombreuses années elle s'est traduite par un travail social. Mais Ouadhia n'a pas une bonne réputation : il y a trop de bars ! L'Église grandissante par contre est pour beaucoup signe d'espoir. Le fait que la vie sur la station ait continué même durant les années les plus dures traduit pour eux l'amour et la puissance divine. Ainsi une pétition, lancée par des extrémistes pour fermer l'Église, n'a pas trouvé beaucoup de signataires.
L'état essaie par des relevés statistiques de se faire une idée du nombre de chrétien dans le pays. La tendance du gouvernement est incertaine ; apparemment on essaie de tenir compte des différents courants et ainsi d'équilibrer le " navire ".
Économiquement nous vivons un temps de grands changements. Le passage du système socialiste à l'économie de marché agrandit de jour en jour le fossé entre riches et pauvres. D'un côté il n'y a plus de difficultés de ravitaillement, de l'autre côté il y a bien des gens qui n'ont plus les moyens d'acheter le strict nécessaire, pendant que d'autres ramassent l'argent à la pelle ! L'activité du bâtiment continue sans diminution, en partie grâce aux devises des travailleurs algériens en Europe.
Dans l'industrie - apparemment pour cause de restructurations - des licenciements en masse produisent des actes de désespoir, la corruption, la criminalité et la dégradation morale. Dans les rues on rencontre plus fréquemment des mendiants, surtout des femmes. A cause du découragement général il y en a beaucoup qui cherchent par tous les moyens à quitter le pays.
Mais vu la mentalité, une amélioration de la vie ne peut venir que d'un changement intérieur à chacun. Le fait que par la grâce de Jésus-Christ beaucoup de gens aient trouvé une sortie de la dépression et la voie vers une vie dans l'amour et la responsabilité renouvelle notre espérance.
Erna et Abdelkader terminent en évoquant les problèmes de sécheresse.
Abdelkader + Erna SAÏM-HUBER
Communauté Chrétienne
B.P.51, DZ 15450 OUADHIA Algérie